Laurent Massol, directeur technique de Led Engineering Development : “ Dans l’immense majorité des cas, les LED de puissance ne sont pas dangereuses ”

Le 16/12/2010 à 12:45 par La Rédaction

Expert dans le domaine des LED, M. Massol revient sur le rapport récemment publié par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui pointe un danger potentiel des LED de puissance. S’il admet qu’il peut y avoir des risques, M. Massol souligne que les conclusions de ce rapport indiquent que, dans l’immense majorité des cas, les LED de puissance ne sont pas plus dangereuses que les sources lumineuses classiques. Explications. Un rapport de l’Anses, publié le 25 octobre dernier et portant sur les LED de puissance, a identifié, je cite, « des risques liés à l’usage de certaines lampes à LED, pouvant conduire à des effets sanitaires pour la population générale et les professionnels ». Quel a été l’impact de ce rapport sur les acteurs du secteur en France ?

Laurent Massol : Au départ, la publication de ce rapport a eu un impact extrêmement négatif auprès de tous les acteurs de l’industrie des LED de puissance en France, des fournisseurs de composants aux grands comptes utilisateurs de solutions et d’équipements d’éclairage à LED, en passant par les intégrateurs. La conséquence immédiate a été un attentisme des donneurs d’ordres qui s’est traduit par un gel des commandes, en attendant que les choses s’éclaircissent. Et, comme d’habitude, cela a impacté en premier lieu les PME de distribution bien plus pénalisées par ce phénomène, même s’il est temporaire, que les grands distributeurs capables, eux, d’encaisser plus facilement des arrêts brutaux de commandes.

Il est néanmoins normal et nécessaire qu’un organisme tel que l’Anses pointe les risques potentiels d’une technologie nouvelle.

Laurent Massol : Cela va sans dire. Et d’ailleurs ce n’est pas tant le contenu de ce rapport qui a impacté l’industrie des LED de puissance en France, que la manière dont la presse généraliste, et plus particulièrement la télévision, a présenté les conclusions de cette étude. Les reportages sur le sujet ont exclusivement porté sur la dangerosité potentielle des LED blanches, en particulier pour les yeux des enfants, dangerosité liée à la composante bleue de ces composants. Et résumer ce rapport de 282 pages à « éclairage à LED : attention, danger pour vos enfants ! » est un raccourci pour le moins simpliste et loin des véritables conclusions du rapport. Si tant est que l’on prenne le temps de se pencher sérieusement dessus, ce que beaucoup ont fait, moi y compris. Et je tiens à vous remercier de me donner l’opportunité ici de rééquilibrer les choses.

Quelles sont ce que vous appelez les « véritables conclusions » du rapport ?

Laurent Massol : Toutes les LED de 100 lumens testées par l’Anses, qu’elles émettent en blanc froid, en blanc neutre ou en blanc chaud, ce qui représente une très grande part du marché des LED de puissance aujourd’hui, sont classifiées en groupe 0, c’est-à-dire qu’elles ne présentent strictement aucun danger pour l’oeil en ce qui concerne la composante bleue. En blanc chaud, même à 200 lumens, les LED testées restent dans le groupe de risque 0. En ce qui concerne celles émettant 200 lumens en blanc neutre, elles sont cataloguées en groupe de risque 1 (risque faible) donc rien ne sera notifié sur des produits les utilisant. En fait, les LED de 200 lumens en blanc froid testées par l’Anses sont les seules à appartenir au groupe de risque 2 (risque modéré) pour lequel l’organisme d’état préconise une recommandation et un marquage de type « peut être dangereux pour les yeux » ou « ne pas regarder la source en utilisation normale ». Au regard de ce tableau, on peut donc conclure que, dans 99 % des cas, les LED blanches de puissance ne présentent aucun danger lié à l’émission de bleu et qu’elles sont inoffensives dans 100 % des cas si on utilise des LED émettant en blanc neutre ou chaud. Ce qui n’a été dit nulle part de façon claire, pas plus dans la presse que dans l’étude de l’Anses d’ailleurs.

Comment expliquer une telle confusion ?

Laurent Massol : Par les raccourcis trop rapides empruntés par la presse généraliste et une trop grande complexité du rapport. Attention, nous ne remettons pas en cause les risques évoqués par cette étude quant à la phototoxicité potentielle de la lumière bleue pour l’oeil, notamment pour les enfants entre 430 et 440 nm, ni, bien sûr, le fait que l’un des pics d’émission spectrale des LED blanches est situé dans le bleu, autour de 450 nm. Mais il aurait été bon de préciser dans ce rapport que les autres technologies d’éclairage, notamment les lampes à iodure de métal et les lampes fluorescentes (à 6500K), présentent également un pic autour de 450 nm dont la proportion énergétique par rapport au reste du spectre peut être importante.

On pourrait résumer votre message par : les LED de puissance ne sont pas plus dangereuses que la plupart des sources lumineuses classiques.

Laurent Massol : C’est exactement cela. Par exemple, l’étude de l’Anses évoque la similitude entre le spectre des LED blanches et la courbe de sensibilité à l’éblouissement d’inconfort pour un être humain. Mais la même remarque peut s’appliquer aux lampes à iodure métallique. De même, la très forte luminance des LED blanches, qui peut parfois, il est vrai, atteindre plusieurs millions de cd/m2 du fait de leur aspect ponctuel et ainsi être source de danger si aucune précaution n’est prise, présente un ordre de grandeur équivalent à la luminance d’autres sources lumineuses. On peut par exemple citer le filament de certaines lampes halogène dichroïc ou encore l’arc de certaines lampes à décharge présentes dans toutes les bijouteries ou vitrines de magasin. Or, ces sources lumineuses n’ont pas été pointées du doigt par cette étude. Une meilleure équité entre les sources lumineuses aurait grandement contribué à éviter ces amalgames.

Propos recueillis par Pascal Coutance

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans l’édition de décembre de notre revue ElectroniqueS.

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