Yannick Lévy, Pdg de DiBcom : ”La télévision mobile personnelle a sa place dans le paysage audiovisuel”

Le 22/03/2010 à 16:31 par La Rédaction

Alors que certains s’interrogent sur la viabilité à terme de la TV en mode broadcast, Yannick Lévy croit plus que jamais à l’arrivée de la TMP, complément indispensable à la télévision en streaming proposée par les opérateurs mobiles sur des réseaux 3G, aujourd’hui au bord de l’asphyxie. La télévision mobile personnelle (TMP) semble patiner. Certains vont même jusqu’à envisager la mort à terme de la télévision en mode broadcast ! Quelle est votre opinion sur le sujet ?

Yannick Lévy : Il est vrai qu’en septembre dernier, les allées du salon IBC, haut lieu de rassemblement de l’industrie de l’audiovisuel, bruissaient de discussions sur la fin annoncée de la télévision en mode broadcast. Selon certains, l’avenir serait à la diffusion de contenus individualisés en mode point à point grâce à la généralisation de la TV en streaming via Internet et les « box » ADSL… Pour les anti-TMP, le raccourci est vite fait : puisque les trois grands opérateurs mobiles proposent déjà la TV en streaming sur leurs infrastructures 3G, l’existence d’un réseau de diffusion spécifique à la télévision mobile personnelle ne s’imposerait pas… D’autant plus que, selon ces mêmes contempteurs, aucun modèle économique viable n’existerait pour la TMP. Un tel raisonnement ne tient pas, car la télévision en mode broadcast a sa place dans le paysage audiovisuel, en réception tant fixe que mobile. J’en veux pour preuve le fait que les Français sont devenus des inconditionnels de la TNT bien que le streaming présente une plus grande diversité de choix. Par ailleurs, tous les fournisseurs d’accès à Internet ont désormais à leur catalogue des modèles de boîtiers ADSL « triple play » équipés de fonctions de réception TNT ! Une fonction qui ne coûte guère plus de trois euros aujourd’hui et qui permet de garantir une réception TV de qualité aux abonnés situés loin des centraux téléphoniques.

La TNT est implantée dans le paysage, mais on ne peut pas en dire autant de la TMP…

Yannick Lévy : Les questions qui se posent sur la viabilité du modèle économique de la TMP sont liées au montant de l’investissement censé être nécessaire pour déployer un réseau DVB-H à l’échelle de l’Hexagone. TDF a avancé la somme de 500 millions d’euros… alors que les utilisateurs – le modèle italien le montre – ne sont pas prêts à débourser plus de deux ou trois euros par mois pour disposer de la TV sur leurs mobiles. Ces chiffres ont fait tiquer les opérateurs mobiles et les chaînes de télévision. Mais, actuellement, le problème ne se pose plus de la même façon qu’il y a trois ou quatre ans. Les problèmes techniques de saturation des réseaux 3G que rencontrent les opérateurs mobiles, pourraient bien mettre fin aux discussions sur le financement du réseau TMP, car le monde du mobile va bientôt ressembler à celui de la maison. Avec l’apparition des smartphones, les utilisateurs n’hésitent plus à surfer sur Internet ou à regarder des vidéos ou la TV en streaming depuis leurs téléphones portables. Les forfaits illimités connaissant en conséquence un véritable essor, et il y a de plus en plus de cas de saturation et de clients mécontents. Pourtant, il y a encore quelques mois, les opérateurs mobiles expliquaient que les réseaux 3G ne satureraient pas avant 2011 ou 2012… de quoi leur laisser le temps de déployer la technologie LTE. Même s’ils ne le reconnaissent pas encore officiellement, il devient urgent pour eux d’ajouter la TMP à leur offre triple play mobile pour décharger leurs infrastructures. Le LTE n’étant pas prévu avant au moins 2012, la TMP apparaît comme la solution la plus économique, la plus mature et la plus rapide à déployer.

Le DVB-H n’a pourtant guère le vent en poupe…

Yannick Lévy : Il est évident que le DVB-H a mauvaise réputation auprès des fabricants de téléphones mobiles : cela fait quatre ans qu’on en parle et qu’ils ne voient toujours rien venir… C’est pourquoi la France a vraiment une chance à saisir avec le DVB-SH, une norme plus récente dont le mode de diffusion, adapté à la réception en mobilité, repose sur un réseau hybride associant le satellite et des réémetteurs terrestres. L’Hexagone a pris un peu d’avance avec la mise en place fin 2009 d’un réseau de diffusion DVB-SH sur le Grand Paris confié à Solaris Mobile, TowerCast et Alcatel-Lucent. A charge pour le gouvernement et les organismes de réglementation français de maintenir cette avance. D’autant que, les premiers constats le prouvent, la sensibilité en réception terrestre est bien meilleure en DVB-SH qu’en DVB-H. L’idéal serait qu’un opérateur mobile s’engage rapidement en faveur du DVB-SH.

Avalisée par l’Etsi fin 2009, la norme DVB-T2, adaptée aussi bien à la réception fixe que mobile, ne risque-t-elle pas de changer la donne ?

Yannick Lévy : Ce qu’il faut bien voir, c’est que le DVB-SH, issue d’une proposition technique d’Alcatel-Lucent, est légèrement teinté aux couleurs hexagonales. Ce qui n’est guère apprécié de nos amis allemands qui ont très fortement poussé au développement du DVB-T2 et à la mise au point de caractéristiques adaptées aussi bien à la réception fixe que mobile. Ce qui a, bien entendu, des avantages au niveau du coût des infrastructures. Reste que le développement du volet mobile du DVB-T2, connu sous le nom de DVB-NGH, démarre tout juste. En tout état de cause, le déploiement d’infrastructures T2+NGH ne pourra pas commencer avant 2013. Par ailleurs, les premières puces de réception DVB-T2 n’arriveront sur le marché que cette année à un prix sans doute aux alentours de 15 euros (soit à un prix plus de cinq fois supérieur aux puces DVB-T)… alors que les puces multistandard compatibles DVB-T, DVB-H et DVB-SH sont déjà disponibles pour un surcoût limité.

Propos recueillis par Pierrick Arlot

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