Jean-Philippe Dauvin, chef économiste du cabinet Décision : ”La reprise économique va être forte en électronique”

Le 09/09/2010 à 0:00 par La Rédaction

Nous pouvons tabler, cette année, sur une croissance de 10 % à 12 % pour l’électronique dans son ensemble, et sur plus de 6 % en moyenne annuelle à l’horizon 2013, estime Jean-Philippe Dauvin. Dès le mois de décembre 2009, à l’occasion du JEES, le Sommet européen organisé conjointement par le Sitelesc et le Gixel, vous nous promettiez deux années de croissance pour l’électronique en 2010 et en 2011. Maintenez-vous votre pronostic ?

Jean-Philippe Dauvin : Il est clair que l’économie dans son ensemble, et plus particulièrement le secteur l’électronique, sont repartis à la hausse. La sortie de la crise de 2009 se fait d’ailleurs dans de meilleures conditions que celles qui avaient suivi le krach de 1987, la crise mexicaine de 1994 ou encore l’éclatement de la bulle Internet dans les années 2000 et 2001. Car elle s’appuie sur l’innovation dans de nombreux domaines applicatifs. Les investissements productifs ont redémarré, particulièrement en Allemagne, la balance commerciale est excédentaire dans la zone euro et la monnaie européenne est plus faible, ce qui favorise les exportations en Asie et sur le continent américain. Nous pouvons donc être optimistes pour les deux années qui viennent.

Cette reprise n’est-elle pas surtout soutenue par des plans de soutien gouvernementaux et, par voie de conséquence, ne va-t-elle pas, au contraire, s’essouffler rapidement ?

Jean-Philippe Dauvin : Si cette reprise ne s’appuyait que sur des plans de soutien gouvernementaux, elle serait artificielle, mais ce n’est pas le cas, car des milliards de dollars sont actuellement investis dans l’industrie. Le secteur des semi-conducteurs, mais aussi celui des serveurs et des infrastructures télécoms sont en pleine ébullition. Les iPod, iPhone et Ipad vont générer de la croissance pour 4 à 5 ans. Les infrastructures de réseau doivent être renouvelées. Le parc des PC des entreprises également, car Windows XP a déjà 10 ans. Les produits grand public, notamment les écrans plats, après avoir continué à stimuler la croissance pendant la crise, continuent à jouer un rôle de locomotive des marchés de l’électronique. A cela s’ajoutent de nouveaux marchés tels que ceux liés aux économies d’énergie et à l’éclairage, même si ceux-ci auront un effet plus tardif sur la croissance.

Dans ces conditions, quelles sont désormais vos prévisions pour le secteur ?

Jean-Philippe Dauvin : Nous pouvons tabler, cette année, sur une croissance de 10 % à 12 % pour l’électronique dans son ensemble, et sur plus de 6 % en moyenne annuelle à l’horizon 2013. Au-delà de 2010, l’embellie va se poursuivre car nous entrons dans un processus vertueux. Dans les pays émergents ou émergés, la demande s’oriente progressivement vers des produits haut de gamme et, dans les pays matures, il existe un besoin de renouvellement. Tant pour les produits que pour les infrastructures, nous sommes dans un cycle de croissance. A ce redémarrage structurel va se rajouter la reprise économique et nous pouvons envisager une progression de 8 % à 10 % l’an prochain. Cela pourrait ainsi nous conduire à deux années de croissance à deux chiffres après une moyenne annuelle qui était de l’ordre de 7 % au cours de ces dernières années. Concernant l’industrie des semi-conducteurs qui avait connu dans le passé un taux de croissance annuel moyen de 13 % par an, nous étions tombés depuis dix ans à une moyenne de 6 % par an. Les grands patrons du secteur ont crû bon de délocaliser et d’avoir recours aux services de fonderie, et par voie de conséquence, le moteur de l’innovation s’est enrayé. Nous allons maintenant revenir à la belle époque. Les graves crises économiques que nous avons connues dans le passé se sont toujours résorbées grâce une marche forcée vers l’innovation au centre de laquelle se trouve aujourd’hui l’électronique car celle-ci reste la seule technologie qui puisse apporter ses capacités d’amélioration de la productivité dans le système économique et social. Ainsi, nous pouvons envisager un taux de croissance de 25 % à 27 % en semi-conducteurs cette année qui se décompose ainsi : 10 % dus à la croissance de l’industrie électronique, 3 % à l’effet stocks, 6 % à la pervasion, du fait de l’arrivée de produits porteurs, et 8 % à la hausse des prix. Au premier trimestre 2010, nous avons déjà été 50 % au-dessus du premier trimestre 2009, alors que l’ensemble de l’année dernière a été marquée par une baisse de seulement 10 %. Il faudrait rappeler qu’il s’agit seulement de la sixième moins bonne performance annuelle de l’industrie du semi-conducteur, celle-ci ayant reculé dans le passé jusqu’à – 32 % ! En 2011, nous pouvons tabler sur une croissance de 15 % en semiconducteurs et 2012 devrait aussi être une bonne année. Ainsi, à moyen terme, nous allons vers une augmentation du taux de croissance annuelle de l’ordre de un point à un point et demi par an, voire plus. Ce dernier atteindrait donc de l’ordre de 7 % à 7,5 %.

C’est une bonne nouvelle pour les fabricants, mais cela ne présage-t-il pas des temps difficiles pour les acheteurs ?

Jean-Philippe Dauvin : Les acheteurs ont des craintes à avoir sur l’année 2010. Les trois à quatre prochains mois seront très difficiles et il va falloir qu’ils acceptent des augmentations de prix. Aujourd’hui, alors que 50 usines de semiconducteurs ont été fermées ou sont en passe de l’être, nous sommes dans une situation de sous-capacité maximale. Le taux d’occupation des usines était de 91 % au premier trimestre et devrait être de 95 % sur l’ensemble de l’année. Il faudra réinvestir mais à l’heure actuelle, au moins 6 mois sont nécessaires à une usine pour subvenir au regain de la demande d’après-crise. Cela représente néanmoins un progrès, puisque lors de la sortie de la précédente récession, il fallait compter de l’ordre de 15 mois.

Propos recueillis par Jacques Marouani

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