Uwe Hock, Sharp Microelectronics Europe : « Eclairage à LED : c’est désormais la qualité de la lumière qui prime »

Le 23/11/2010 à 12:05 par La Rédaction

Pour Uwe Hock, responsable de l’activité éclairage de Sharp Microelectronics Europe, la course au rendement lumineux des LED blanches est désormais passée au second plan. Aujourd’hui, la qualité de la lumière des LED prime pour s’imposer dans l’éclairage. Malgré tous ses défauts, la lampe à incandescence reste la référence en termes de qualité de la lumière émise. N’est-ce pas là le principal challenge des LED blanches dans l’éclairage domestique ?

Uwe Hock : Les lampes à incandescence délivrent effectivement une lumière blanche contenant une large proportion de lumière rouge qui lui donne cette teinte chaleureuse qui convient parfaitement à l’éclairage d’un lieu de vie, donc à l’éclairage domestique. De plus, les lampes à incandescence présentent quasiment le même spectre colorimétrique, du moins dans le visible, que la lumière du jour. D’où une excellente reproduction des couleurs. Si d’importants progrès ont été réalisés ces dernières années, les LED blanches conventionnelles n’en sont pas encore à ce niveau. Et la reproductibilité des couleurs reste un défi pour ce type de sources lumineuses. La source du problème provient du fait que les LED blanches reposent généralement sur une puce semi-conductrice émettant dans le bleu, associée à un phosphore jaune. Le résultat est un blanc « électrique » caractérisé par une teinte bleutée, peu agréable, qui offre de piètres performances en termes de reproductibilité des couleurs et confère aux objets ainsi éclairés un aspect peu naturel. C’est effectivement un frein à la généralisation de l’éclairage domestique « tout-solide » et les fabricants de LED blanches en ont pris conscience, comme l’a clairement montré la dernière manifestation Light + Building qui s’est déroulée au printemps dernier à Francfort. La course au rendement lumineux est reléguée au second plan : c’est désormais la qualité de la lumière blanche émise par les LED qui prime.

Quelles sont les recettes employées pour contrer le manque de performances colorimétriques intrinsèque des LED blanches ?

Uwe Hock : La principale est d’utiliser non plus un seul type de phosphores mais plusieurs et de jouer sur la proportion du mélange pour obtenir le meilleur blanc possible. Chez Sharp, nous ajoutons des phosphores verts et rouges aux traditionnels phosphores jaunes, ce qui permet de donner à la lumière blanche émise la température de couleur, donc la teinte de blanc, que l’on souhaite. Notre technologie nous permet par exemple de choisir une température de couleur dans une plage allant de 2 700 K à 6 500 K. Les LED émettant en blanc chaud (2 700 K à 4 000 K), dont la teinte tire sur le rouge, sont principalement destinées à l’éclairage domestique. Celles en blanc neutre ou pur (4 000 K – 5 000 K) visent surtout l’éclairage public et professionnel (lieux publics, bureaux, usines…). Enfin, celles en blanc froid (5 000 K – 6 500 K), dont la teinte est bleutée, sont appréciées dans les applications nécessitant des contrastes élevés, telles que le médical. La composition du mélange de phosphores permet également de jouer sur l’indice de rendu des couleurs (IRC) qui traduit la précision avec laquelle les couleurs des objets éclairés sont reproduites. En fonction des besoins d’une application, il faut trouver le savant mélange donnant lieu à la température de couleur et à l’IRC souhaités, ce qui n’est pas toujours aisé. Ainsi, les LED blanches du commerce émettant en blanc chaud présentent souvent un IRC compris entre 60 et 70, trop juste pour l’éclairage domestique. Chez Sharp, nos gammes de modules à LED MiniZeni et SAE présentent un IRC de 80, même dans les teintes chaudes. D’autres applications, telles que la photographie, le médical ou l’éclairage des musées privilégient surtout la reproductibilité des couleurs, donc un IRC le plus élevé possible. Notre série Zenigata, dont l’IRC atteint 94, est alors mieux adaptée.

Mais ces performances colorimétriques de choix s’obtiennent au prix d’une baisse sensible du rendement lumineux de ces modules.

Uwe Hock : Effectivement, l’ajout de phosphores induit immanquablement une baisse de rendement, donc de flux lumineux. Et cela reste un défi à relever pour l’éclairage à LED. Aujourd’hui, nos modules à LED émettant en blanc chaud avec un IRC supérieur à 80 fournissent un flux lumineux équivalent à celui d’une ampoule de 40 watts avec un rendement lumineux de l’ordre de 60 à 80 lm/W (soit 4 à 5 fois le rendement d’une lampe à incandescence). C’est bien, mais nous devons faire mieux et être capables de fournir des modules à LED dont le flux lumineux flirte avec ceux des lampes à incandescence de 60 et 100 W que l’Union européenne est en train de bannir. Sharp va faire un pas supplémentaire dans ce sens d’ici à la fin de l’année avec la production de modules à LED de 10 W, fournissant un flux lumineux digne de celui d’une lampe de 50 W et ce, quelle que soit la température de couleur de ces modules.

Les sceptiques de l’éclairage à LED pointent la difficulté des fabricants à produire une grande quantité de LED avec des caractéristiques identiques.

Uwe Hock : Beaucoup de fabricants de LED acceptent une certaine tolérance quant à la variation des performances colorimétriques d’une LED à l’autre et effectuent ensuite un tri, ou « binning », en sortie d’usine pour rassembler dans un même lot les composants présentant les mêmes performances. Sharp opère différemment et a préféré optimiser le procédé de fabrication de telle sorte que les variations de performances colorimétriques soient si faibles d’une LED à l’autre, qu’elles ne nécessitent plus de « binning », même pour des LED issues d’un bain différent et même pour une application d’éclairage.

Propos recueillis par Pascal Coutance

Copy link
Powered by Social Snap