Jean-Pierre Quémard, Président du Gixel : « Pour sortir de la crise, l’industrie électronique manque de résilience »

Le 10/02/2011 à 20:59 par La Rédaction

Réélu à la tête du Gixel pour un mandat de deux ans, Jean-Pierre Quémard nous livre le bilan de son action au cours de son premier mandat et les objectifs du second. Il évoque également avec nous son sentiment sur la pénurie de composants et sur le Cien. Quel bilan tirez-vous de votre premier mandat à la présidence du Gixel ?

Jean-Pierre Quémard : Au Gixel, nous nous sommes principalement attachés à nous mettre en mouvement, à élargir notre périmètre d’action, notamment en créant trois nouvelles sections : SSI (intégration de systèmes intelligents), capteurs et microsystèmes, et TIC de santé. Elles sont venues s’ajouter aux sections existantes que sont les composants d’interconnexion, les circuits imprimés, les composants discrets et les cartes à puce. Il est bien loin le temps où le Gixel représentait uniquement les acteurs français des composants passifs! C’est d’ailleurs pour cela que notre dénomination est aujourd’hui Groupement professionnel des industries de composants et de systèmes électroniques. Le Gixel a également participé activement aux états généraux de l’industrie en coopération avec nos partenaires de la Fieec (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication) et du Club Rodin (ex-Fien) qui joue un rôle de laboratoire d’idées auprès de la filière électronique pour sensibiliser les pouvoirs publics.

Vous venez d’être réélu à ce poste. Quels sont vos objectifs pour les deux années à venir ?

Jean-Pierre Quémard : Nous avons la chance d’être à l’aube d’une révolution douce dans le domaine de l’électronique qui va contribuer de plus en plus à apporter des solutions aux besoins sociétaux. La voiture électrique, les réseaux électriques intelligents «smart grid» et la télésanté sont autant d’exemples qui prouvent que l’électronique est indissociable des avancées technologiques qui vont modifier notre société de demain. A nous de saisir cette occasion unique et de fédérer une filière électronique forte qui sera capable de dépasser les problèmes individuels de chaque industriel – comme le fait la filière de la carte à puce– pour être capable de répondre à cette lame de fond, de rebondir après la crise et de continuer à produire en France. Je travaillerai dans ce sens dans les deux ans à venir.

Depuis plus d’un an, la pénurie de composants empoisonne toute la supply chain. Quel regard portez vous sur ce phénomène ?

Jean-Pierre Quémard : Je pense que l’industrie française de l’électronique n’a pas réagi avec mesure, ni sérénité, chacun cherchant à faire porter la responsabilité de l’aggravation de la situation à l’autre. La vérité est que nous avons difficilement géré cette pénurie et son ampleur, alors qu’elle était prévisible, compte tenu de la gravité de la crise de 2008-2009. En effet, nous savons tous qu’il est aussi difficile de passer, en peu de temps, de 100 à 0, que de passer, tout aussi rapidement, de 0 à 100 car il est difficile de recréer de la capacité de production d’un simple coup de baguette magique. Le secteur automobile en est le parfait exemple: aujourd’hui, nos carnets de commandes pour ce secteur sont pleins, et nous peinons à satisfaire la demande, alors qu’il y a un an, ils étaient vides. Toute expérience douloureuse étant toujours source d’enseignement, cette situation est aussi l’occasion pour l’industrie électronique de se remettre en question et de voir en face son manque de résilience pour sortir de la crise. Dans une telle situation, nous voyons bien les limites du paysage industriel français qui n’est pas suffisamment souple, car il privilégie surtout les sources d’approvisionnement à bas coût. Or le coût, même s’il est essentiel, n’est pas le seul critère à prendre en compte. Il est donc capital de multiplier les sources d’approvisionnement, en particulier d’un point de vue géographique, pour être plus réactif.

Le Gixel et le Snese se sont désengagés du Cien. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?

Jean-Pierre Quémard : Le terme de désengagement est un peu fort car la seule décision que nous ayons prise est de ne plus participer au comité de pilotage du salon, c’est tout. D’ailleurs, nous restons impliqués dans l’organisation des conférences dispensées lors des conférences du Cien. Quant à la participation ou non des membres du Gixel à l’exposition, le comité directeur du Gixel n’a donné aucune consigne. Chaque adhérent est libre d’y tenir un stand s’il le souhaite. Là encore, les uns et les autres avons manqué de mesure dans cette affaire, ce qui a créé une sorte de buzz qui n’a pas lieu d’être. Nous devrions plutôt nous mettre tous autour d’une table pour réfléchir à un ou des événements fédérateurs en France. Et de grâce, ne nous comparons pas aux Allemands et à Electronica, modèle difficilement transposable en France. Focalisons-nous plutôt sur les besoins des acteurs français de la filière et tentons d’y répondre par des événements ciblés. Personnellement, je préconise trois types d’événements ne prenant pas forcément place en même temps ni au même endroit : un grand salon pour les acheteurs et les commerciaux, une convention d’affaires orientée marchés pour les décideurs, et enfin un ensemble de conférences techniques pour les techniciens et les ingénieurs de conception. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons créé la Journée technique de l’électronique (JTE), qui rencontre un grand succès et qui rassemble les concepteurs et les responsables de laboratoire autour de conférences et d’expositions à forte valeur ajoutée technique. Les JTE ne sont pas concurrents du Cien mais complémentaires. Car il ne faut surtout pas oublier la technologie et les concepteurs qui sont au cœur de nos métiers. Nous devons rétablir le lien technologique qui est notre fil d’Ariane. Dans la filière electronique, nous avons trop privilégié l’aspect financier et commercial.

Propos recueillis par Pascal Coutance

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