Couverture ElectroniqueS n°127

À L'INSTAR DU GaN, LES SEMI-CONDUCTEURS À GRAND GAP À BASE DE SiC SUSCITENT UN VIF INTÉRÊT DANS LES APPLICATIONS DE COMMUTATION DE PUISSANCE, AU DÉTRIMENT DU SILICIUM. MAIS IL NE SUFFIT PAS DE PASSER DU SILICIUM AU SiC POUR BÉNÉFICIER D'UNE SOLUTION DE COMMUTATION OPTIMALE. LES CONSIDÉRATIONS DE DESIGN SONT AU MOINS AUSSI IMPORTANTES QUE LES PERFORMANCES MÊME DES SEMI-CONDUCTEURS À GRAND GAP. Depuis quelques années, les semi-conducteurs à large bande interdite (WBG, wide band gap) – appelés également semi-conducteurs à grand gap – suscitent un vif intérêt dans les applications de puissance et de conversion d'énergie. Au point qu'ils ont rapidement changé de statut, passant en peu de temps de celui de technologie en devenir à celui de segment de marché majeur à part entière. En témoignent les prévisions de certains analystes qui tablent sur une croissance moyenne annuelle pondérée (CAGR) de 33,4 % au cours des cinq prochaines années pour atteindre 1,82 milliard de dollars en 2024 (1) . Les dispositifs à grand gap sont fabriqués à partir de matériaux en carbure de silicium (SiC) ou en nitrure de gallium (GaN). Des deux technologies, le SiC reste le plus répandu avec 98 % du marché des semi-conducteurs à grand gap, selon les données rapportées par le cabinet d'études Yole Développement en 2018 (2) . Et les analystes prévoient que l'industrie automobile sera le principal moteur du marché du SiC, avec une part de marché de 50 % en 2024 dans les commutateurs de puissance dédiés à l'automobile, et cela toutes technologies confondues. Le module SiC Infineon représenté ici affiche des caractéristiques tension/courant de 1 200 V/25 A pour une charge totale de la grille de seulement de 62 nC. Mais avant d'avancer davantage dans cet article, il convient de préciser ce que l'on entend par dispositifs à grand gap. Il s'agit de semi-conducteurs fabriqués avec des matériaux qui nécessitent une énergie relativement élevée pour que les électrons puissent passer de la bande de valence de base du matériau à sa bande conductrice. Cette large bande interdite (ou grand gap) est mesurée en électronvolts (eV). Dans le cas du silicium traditionnel, sa valeur est de 1,1 eV. Mais pour le SiC et le GaN, elle est environ trois fois supérieure (3,26 eV exactement pour le SiC et 3,4 eV pour le GaN). Les dispositifs à grand gap présentent également une meilleure vitesse de saturation des électrons que le silicium. Ces différences – et d'autres –sont compilées en figure 1. Elles garantissent certaines propriétés qui constituent des avantages essentiels pour les dispositifs à grand gap. Par ailleurs, si, comme le montre la figure 1, les caractéristiques des solutions à base de GaN et de SiC sont assez proches, le SiC bénéficie toutefois d'une conductivité thermique particulièrement bonne alors que celles du GaN et du silicium se valent. TENSION DE CLAQUAGE DIX FOIS SUPÉRIEURE Comme nous pouvons l'observer sur la figure 1, avec une caractéristique de tension de claquage environ dix fois meilleure pour une épaisseur donnée par rapport au silicium, les appareils à base de matériaux SiC peuvent par exemple posséder une couche de dérive dix fois plus mince avec une concentration de dopage décuplée. Cela garantit une résistance beaucoup plus faible que pour le silicium pour une tension de blocage identique, ce qui a également pour conséquence directe une dissipation plus faible par rapport au silicium pour une même surface de structure semi-conductrice. Grâce à sa conductivité thermique extrêmement élevée, la puce SiC peut dissiper efficacement la chaleur du boîtier des composants, ce qui permet d'obtenir une puissance élevée dans un espace minimal. Les courants de fuite sont également plus faibles grâce à une meilleure caractéristique de tension de claquage, en particulier à des températures élevées. 3,0 La petite taille de la structure se4 mi-conductrice réalisable à une tension 2,5 de blocage élevée avec les semi-conduc3 teurs à grand gap entraîne de faibles 2,0capacités internes de l'élément. Dans les 1,5 applications liées 2 à la commutation, il est nécessaire de charger et de décharger la 3,0 capacité après chaque cycle, représentant 4 le courant circulant et la dissipation de la 2,5 puissance. Donc une fois encore, le SiC et 3 le GaN présentent 2,0 un grand avantage sur le silicium. Par exemple, du fait des capa1,5 citances grille-source et grille-drain, 2 la charge de la grille peut s'élever à plusieurs microcoulombs dans les transistors IGBT 40 traditionnels et à des centaines de nano-coulombs dans les transistors de puis30 sance Mosfet, alors que pour les solutions en SiC, cette valeur n'atteint que quelques dizaines de nanocoulombs, 20 même pour des dispositifs de forte puissance tels que le module FF45MR12W1M1_B11 d'In-fineon (3) qui affiche une tension et une intensité nominales respectives de 1 200 V et 25 A (voir photo page 54). Cette propriété permet non seulement d'effectuer une commutation rapide mais également de réduire l'énergie nécessaire à l'alimentation de la grille – certains IGBT peuvent nécessiter plusieurs watts pour alimenter leur grille tandis qu'en cas de solutions SiC et de GaN, on parle typiquement de milliwatts. FONCTIONNEMENT À DES TEMPÉRATURES PLUS ÉLEVÉES La capacité de fonctionnement à des températures de jonction plus élevées que le silicium est l'une des caractéristiques utiles du SiC et du GaN. Certains fabricants ont démontré que leurs dispositifs sont capables de fonctionner à des températures maximales supérieures à 500 °C, bien qu'en pratique, l'encapsulation des composants limite ces valeurs à celles communément observées pour les solutions en silicium. Cependant, les meilleures valeurs nominatives offrent une large marge dans des conditions thermiques transitoires pour les dispositifs à grand gap. La variation des paramètres critiques qui dépendent de la température, tels que la résistance pendant le fonctionnement et les pertes à la grille, est également significativement plus faible pour le SiC que pour le silicium. AVANTAGES DE L'APPLICATION Les pertes plus faibles dans les applications liées à la commutation constituent un argument de poids en faveur de l'utilisation des composants à grand gap. Les rendements visés pour les applications telles que les alimentations de serveurs dépassent couramment les 98 %, valeurs qui, en pratique, ne peuvent être atteintes qu'en utilisant la technologie SiC ou GaN. Cependant, les solutions optimales ne sont pas forcément celles obtenues par le simple fait de remplacer les technologies plus anciennes, telles que Si-Mosfet, par du SiC par exemple. En faisant cela, les valeurs finales seront certes plus rapides, offrant ainsi des pertes plus faibles dans le module, mais les interférences électromagnétiques (EMI) seront parallèlement considérablement plus élevées, ce qui nécessitera une atténuation et un filtrage supplémentaires et entraînera des pertes additionnelles. L'avantage maximal est obtenu grâce à des modifications de conception profondes qui permettent d'augmenter la fréquence jusqu'à un point de fonctionnement où les pertes de commutation restent faibles, mais où des économies sur les composants externes peuvent être réalisées, en particulier sur les composants magnétiques dont l'encombrement et les coûts diminuent généralement à mesure que la fréquence augmente. Lorsque les fréquences de fonctionnement sont plus élevées, la disposition des modules sur le circuit imprimé est également très importante. La solution optimale doit prendre en compte les coûts, l'encombrement et le poids de l'équipement. Par exemple, pour les entraînements électriques de véhicules, l'accent est surtout mis sur le rendement, la taille et le poids du système afin d'augmenter l'autonomie des voitures électriques. Les composants externes ne sont pas tellement affectés dans cette application dans la mesure où les composants magnétiques utilisés – en l'occurrence, les enroulements du moteur – sont davantage dimensionnés pour le couple et la puissance que pour la fréquence de commutation. C'est la raison pour laquelle les fréquences de commutation de l'entraînement moteur ne sont pas trop élevées. Les dispositifs à grand gap commutent en quelques nanosecondes, mais certaines conceptions pratiques ralentiront intentionnellement le rendement de commutation avec des résistances de grille série et des perles de ferrite afin d'éviter les problèmes d'interférences électromagnétiques et de variations rapides de courant. Dans les applications liées aux entraînements industriels, le poids ne constitue pas un problème. En revanche, l'amélioration du rendement et la réduction de l'encombrement des systèmes permettent d'intégrer davantage de ces entraînements dans les armoires de commande, et ainsi de gagner un espace précieux à l'échelle d'une usine et d'améliorer la productivité d'un site de production. CONSIDÉRATIONS DE CONCEPTION Lors de la conception des dispositifs à grand gap, il est nécessaire de prendre en considération certaines questions. Les tensions de commande de grille sont critiques pour des performances de commutation optimales et varient selon le type de solution choisi : par exemple, les valeurs de fonctionnement recommandées par le fabricant Littelfuse (Ixys) pour ses Mosfet SiC référencés LSIC1MO120E0080 (3) s'élèvent à + 20 V/-5 V, avec un maximum à + 22 V/-6 V. Selon la fiche technique de ce produit, la tension seuil de grille ne dépasse pas 1,8 V, tandis que pour la résistance la plus faible à l'état passant, une tension de 20 V doit être appliquée. Les modules seront éteints avec l'application d'une tension de 0 V à la grille, mais il est généralement recommandé d'utiliser une tension négative pour compenser les effets transitoires causés par les variations rapides du courant (di/ dt) au niveau de la connexion à la source, qui réagit avec le boîtier de la source et l'inductance d'interconnexion en créant des tensions transitoires qui peuvent mettre en marche le dispositif de manière intempestive. Les solutions à grand gap commutent en quelques nanosecondes, mais certaines conceptions pratiques ralentiront intentionnellement le rendement de commutation avec des résistances de grille série et des perles de ferrite afin d'éviter les problèmes d'interférences électromagnétiques et de variations rapides de courant (voir figure 2). Dans de nombreuses applications telles que les circuits en pont dans les onduleurs, il existe une « commutation » – donc un flux de courant – dans le sens inverse provoquée par des charges inductives. Dans le cas des circuits IGBT, une diode montée en parallèle est nécessaire pour permettre la commutation. Mais dans les Mosfet, une diode est inhérente au boîtier et peut, dans certaines circonstances, remplacer la diode externe. Pour les Mosfet en silicium, la diode est relativement lente et fait chuter la tension, donc elle n'est pas efficace. Pour un Mosfet SiC, la diode est beaucoup plus rapide (typiquement 45 ns pour le dispositif Littelfuse mentionné plus haut), mais elle Puissance Les so néces a toujours une chute de tension directe relativement élevée (3,3 V) par rapport à une diode rapide en silicium. Les dispositifs GaN, quant à eux, n'ont pas de diode interne au boîtier mais sont capables de conduire à travers leur canal dans le sens inverse, et sans charge de récupération inverse. APPAREILS DISPONIBLES Pour éviter les effets parasites dans les applications à très haute fréquence, les solutions de montage en surface sans plomb telles que le boîtier utilisé par Infineon pour ses modules GaN référencés PG-HSOF-8-3 (3) sont à privilégier. Toutefois, la plupart des fournisseurs proposent des modules dans des boîtiers TO-247 en plomb afin d'améliorer l'évacuation de chaleur mais aussi de faciliter la transition à partir de la technologie antérieure (IGBT ou Mosfet silicium) sans changer de boîtier. Les dispositifs couramment utilisés sont généralement des Mosfet SiC normalement ouverts, mais des Jfet SiC normalement fermés sont également disponibles. Certains fournisseurs, comme UnitedSiC, proposent des cascodes (3) – une combinaison de la technologie Jfet SiC et Mosfet silicium. Ces modules cumulent les avantages des solutions SiC en termes de température et de vitesse avec la facilité de commande de grille d'un Mosfet silicium. Ils ne disposent pas de diode de boîtier mais sont conducteurs dans le sens inverse avec une faible chute de tension et sans charge de récupération inverse. Ils sont également disponibles dans des versions « empilées » pour un fonctionnement à des tensions plus élevées. Les solutions SiC sont particulièrement bien adaptées aux applications nécessitant fréquences élevées et large plage de puissance. APPLICATION aN applications e. Les semi-conducteurs SiC sont actuellement très populaires dans les alimentations AC-DC pour la correction du facteur de puissance et les étages de conversion. Les centres de données sont un domaine d'application important compte tenu de leurs exigences en termes de densité de puissance élevée et d'économies d'énergie. Les solutions SiC sont actuellement largement utilisées dans les entraînements de moteurs et dans les onduleurs, les chargeurs électriques étant une application phare. Les onduleurs de traction dans les entraînements électriques et d'autres domaines tels que le ferroviaire passent également de l'IGBT au SiC. D'autres technologies ont aussi leur rôle à jouer mais les solutions SiC sont particulièrement bien adaptées aux applications nécessitant fréquences élevées et large plage de puissance, comme l'illustre la figure 3. (1) https: //www.fiormarkets.com/report/global-wbgpower-devices-market-growth-2019-2024-372736.html (2) https: //www.yole.fr (3) Les dispositifs mentionnés dans cet article sont disponibles auprès du distributeur TME : https: // www.tme.eu/fr/

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