Alain Dutheil, directeur général de STMicroelectronics : ”Nous sortons renforcés de la crise”

Le 16/06/2010 à 12:18 par La Rédaction

A l’issue du “Field Trip” annuel du 3 juin dernier au cours duquel la stratégie, les marchés et les technologies de la société ont été détaillés à la communauté financière, Alain Dutheil, directeur général de STMicroelectronics, nous a accordé une interview sur ses perspectives à moyen terme.

Quelles sont les conséquences pour l’entreprise de la faiblesse de l’euro par rapport au dollar ?

Alain Dutheil : La très grande majorité de nos ventes – approximativement 85 % du total de notre activité — est réalisée en dollars, tandis qu’une part de seulement 15 % est réalisée, pour l’essentiel, en euros. Au niveau mondial, le marché du semiconducteur se traite presque totalement en dollars et c’est donc aussi la monnaie de référence pour nos concurrents.
“1 % de variation de l’euro par rapport au
dollar représente un impact de de 8 à 10
millions de dollars par trimestre.”

Nos ventes, même lorsqu’elles sont faites en euros, sont indexées sur le dollar et on peut affirmer que 100 % de notre chiffre d’affaires est dépendant du cours de cette monnaie, alors que celle-ci n’influe que sur environ 50 % de nos coûts. Dans le détail, nous utilisons le dollar pour 60 % de nos coûts de fabrication, et pour 40 % de nos dépenses opérationnelles, dans lesquelles on inclut les frais généraux administratifs et la R&D qui est effectuée en grande partie en Europe.
1 % de variation de l’euro par rapport au dollar, dans un sens ou dans l’autre, représente chaque trimestre un impact de 4 à 5 millions de dollars sur les coûts de fabrication et autant sur les dépenses opérationnelles, soit un total de 8 à 10 millions de dollars par trimestre. Comme nous venons de vivre une variation de 10 % du cours de l’euro par rapport au dollar, l’impact est énorme, et en ce moment, la situation est très favorable pour les entreprises comme les nôtres qui fabriquent majoritairement en Europe et vendent en dollars. Toutefois, les effets se feront sentir progressivement mais à 100 % à partir du 2è trimestre 2011, car nous avons une politique de couverture des changes pour amortir ce type de variations.

Après le plan de restructuration de l’an passé et la vente de votre participation dans Numonyx, quelle est votre situation sur le plan financier actuellement ?

Alain Dutheil : La vente de Numonyx, qui marque notre sortie du marché des mémoires, augmentera nos liquidités, mais son activité n’était pas consolidée dans les comptes du groupe. Par contre, nous avons effectivement engagé l’an passé un plan de réduction de coûts d’un milliard de dollars incluant notre société commune ST-Ericsson qui a conduit à plusieurs fermetures d’usines. Ce plan est quasiment achevé. Il a été mené à bien à 75 %, ce qui nous a déjà permis de faire une économie de 750 millions de dollars sur une base annuelle. Il nous reste donc encore à réaliser 250 millions de dollars de réduction de coûts d’ici la fin de l’année, essentiellement chez ST-Ericsson.

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“Dans notre industrie, la demande reste excédentaire par rapport à la capacité de
production et nous n’avons aucun signe qui montre que cela pourrait rapidement changer”

La situation de pénurie qui touche un grand nombre de circuits intégrés, va-t-elle, à votre avis, durer encore longtemps ?

Alain Dutheil : Actuellement, l’industrie du semiconducteur reste dans une situation où la demande est excédentaire par rapport à la capacité de production et nous n’avons aucun signe qui montre que cela pourrait rapidement changer.
Comme notre président, Carlo Bozotti, vient de l’indiquer devant les analystes financiers – et je tiens à dire qu’il est très rare que nous donnions cette indication –, notre carnet de commandes est plein pour le troisième trimestre, et nous nous attendons à une progression normale de notre activité au quatrième trimestre.
Le taux d’occupation de nos usines était de 90 % au trimestre dernier et il pourrait augmenter jusqu’à 95 %. Nous avons prévu d’accroître nos capacités de production de 20 % d’ici la fin de l’année.

Comment percevez-vous la situation économique pour les mois à venir ?

Alain Dutheil : Tous les ingrédients sont réunis pour augmenter la valeur de l’entreprise et nous sortons de la crise en étant bien plus forts que lorsque celle-ci a démarré. Nous sentons qu’il existe un grand nombre d’opportunités que nous n’avons pas encore exploitées. Prenons l’exemple des gyroscopes qui sont de plus en plus présents dans les produits nomades. Nous n’en vendions pas au premier trimestre, nous avons commencé à en livrer au 2è trimestre et nous pensons que nous pourrons générer 100 millions de dollars de ventes avec ce type de produits d’ici la fin de cette année. Nous avons un vaste portefeuille de technologies et la possibilité de miser sur de nombreux produits innovants. Sur les marchés que nous adressons, nous sommes bien placés pour gagner des parts de marché. L’année passée, nous étions dans le rouge, aujourd’hui nous sommes redevenus bénéficiaires et toutes les conditions sont réunies pour aller encore de l’avant.

Propos recueillis par Jacques Marouani

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