Christian Estrosi, ministre délégué à l’Industrie : ”Un appel à projets va être lancé cet été en semiconducteurs”

Le 29/06/2010 à 14:40 par La Rédaction

Un plan d’actions portant notamment sur des “programmes de R&D ambitieux” sur les sites de production français de micro- et nanoélectronique va être lancé. La contribution publique “devrait se compter en plusieurs centaines de millions d’euros, dont la majorité sera issue de l’emprunt national”, nous a précisé Christian Estrosi.

Pourriez-vous détailler le plan d’actions “d’un à deux milliards d’euros” que vous venez d’annoncer suite au rapport remis par Laurent Malier, directeur du CEA-Leti ?

Christian Estrosi : Les enjeux de la nanoélectronique, tels qu’ils sont développés dans le rapport Malier, sont structurants pour l’innovation et la compétitivité de notre industrie. Les puces électroniques sont en effet présentes dans toutes les filières, de l’aéronautique aux télécommunications, et dans l’ensemble des produits d’avenir, des dispositifs de santé à la gestion de l’énergie, en passant par les nouveaux systèmes de transport.

Il sera essentiel de retrouver les paramètres
qui ont fait le succès du modèle de Crolles.

(crédit photo : MINEIE)

Sans la microélectronique : pas de freinage ABS ou de système de navigation GPS. C’est pourquoi j’ai voulu qu’un plan d’actions soit rapidement préparé, sur la base des analyses présentées par Laurent Malier.
Les modalités précises de ce plan seront définies à l’issue de la consultation publique lancée le 7 juin dernier, en lien avec Nathalie Kosciusko-Morizet et avec René Ricol, sur le volet numérique des “investissements d’avenir”.
Ce plan d’actions pourrait notamment porter sur des programmes de R&D ambitieux sur les sites de production français de micro- et nanoélectronique, sur l’investissement dans des lignes de production “pilotes”, prototypes des usines de demain, ou encore sur des actions complémentaires visant à assurer la diffusion de ces technologies dans des secteurs industriels variés. Un premier appel à projets sera lancé dès cet été.
Dans tous les cas, nous serons exigeants sur la qualité et l’ambition des projets présentés par les industriels. En particulier, il sera essentiel de retrouver les paramètres qui ont fait le succès du modèle de Crolles dans le domaine des technologies dites “Cmos avancé” : partenariat public-privé précis, inscription dans la durée, ciblage sur des verrous technologiques ambitieux et permettant la maîtrise des technologies clefs, transformation des résultats de la recherche en production industrielle.
Quant à la contribution publique (Etat, collectivités), elle devrait se compter en plusieurs centaines de millions d’euros, dont la majorité sera issue de l’emprunt national.

Quels en seront les principaux bénéficiaires au plan industriel ?

Christian Estrosi : L’industrie des semiconducteurs recouvre un tissu diversifié, non seulement quant à la taille des entreprises, mais aussi quant à leur positionnement dans la chaîne de valeur (fondeurs, IDM – “integrated devices manufacturers” – ou “fabless” ; équipementiers, fournisseurs de matériaux ou encore d’outils de conception…). Ce qui est déterminant à mes yeux, c’est la contribution de chaque acteur à la compétitivité industrielle et technologique de notre territoire.

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Les intégrateurs, qu’il s’agisse de PME ou de grands groupes, dépendent de plus en plus étroitement, pour l’innovation de leurs produits et systèmes, des avancées technologiques de la micro- et nanoélectronique.

Au-delà, les enjeux de la micro- et nanoélectronique intéresseront également l’ensemble des branches industrielles. En effet, les intégrateurs, qu’il s’agisse de PME ou de grands groupes, dépendent de plus en plus étroitement, pour l’innovation de leurs produits et systèmes, des avancées technologiques de la micro- et nanoélectronique. Et le poids relatif de ces technologies dans la valeur ajoutée intégrée dans les produits et systèmes des industriels français est croissant. Le plan d’actions porté par le gouvernement et les retombées en termes de croissance et d’emplois bénéficiera donc à l’ensemble de nos filières industrielles.

Une des chances majeures de la France est de disposer d’une pluralité de sites de micro- et nanoélectronique dotés d’atouts solides, aussi bien en termes de technologies que de marchés. En outre, ces sites présentent un positionnement différencié et correspondent chacun à un domaine technologique clef pour l’innovation et donc la compétitivité d’une ou plusieurs filières industrielles structurantes (télécommunications, transports, systèmes sécurisés, énergie, santé, éclairage…). En retour, ces filières constituent autant d’opportunités de croissance pour les sites concernés. Ce sont bien ces atouts et notamment la différenciation des technologies et produits qu’il convient de renforcer. J’ai la conviction que le plan d’actions que nous proposons dans le cadre des investissements d’avenir peut y contribuer de manière décisive et conforter le rôle de la France dans le club restreint des pays leaders du secteur.

Vous avez rencontré à plusieurs reprises des représentants de la fédération des industries électroniques (Fieec). Quel bilan tirez-vous de ces rencontres ?

Christian Estrosi : Ces rencontres ont été très riches, notamment dans le cadre des Etats Généraux de l’Industrie. Je retiens de ces rencontres notamment deux idées fortes : d’une part, l’ampleur des gisements de croissance offerts par les nouveaux usages numériques (très haut débit accessible à tous, cloud computing, ville numérique, réseaux électriques intelligents, e-santé, sécurité des réseaux, systèmes de transports intelligents…); d’autre part, le rôle déterminant que les technologies de base du numérique – essentiellement le “couple” formé par la nanoélectronique et les briques génériques du logiciel embarqué – jouent dans l’ensemble de l’innovation industrielle et des grands investissements d’avenir. Je vise ici non seulement les nouveaux usages numériques, mais aussi, par exemple, les enjeux du développement durable (véhicules du futur, aéronautique, gestion intelligente et efficace de l’énergie, en particulier dans les bâtiments…).

Est-il envisageable de prévoir des incitations à l’investissement dans le domaine du semiconducteur (avec, par exemple, des exonérations fiscales) comme le font certains pays volontaristes dans ce domaine comme Taïwan ?

Christian Estrosi : Le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, effectif dès 2010, se traduit par un environnement fiscal désormais beaucoup plus favorable à l’investissement industriel. Il s’agit là d’une réforme structurante, et tout à fait volontariste.
Par ailleurs, le Gouvernement mène une politique très dynamique d’incitation à l’implantation et au développement sur le territoire des activités de R&D industrielle, d’une part, avec la réforme majeure du Crédit d’impôt-recherche (CIR) en vigueur depuis le 1er janvier 2008, d’autre part, avec un soutien public très significatif à des programmes de R&D structurants, comme le montre l’exemple de Crolles. Les effets induits du développement de la R&D industrielle sur l’investissement de production en sont bien connus, notamment, dans le domaine du semiconducteur, au travers du concept de “lab-fab”.

Propos recueillis par Jacques Marouani

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