Thierry Ballenghien, président et fondateur de la société Icape : « Circuits imprimés : l’avenir plaide pour un regain de production en Europe »

Le 15/05/2011 à 10:46 par La Rédaction

Qui sait mieux que Thierry Ballenghien, fondateur et président d’Icape, entreprise spécialisée dans la recherche, l’audit et la fourniture de circuits imprimés fabriqués en Chine, et ex-directeur du commerce international de Cire, premier fabricant français de circuits imprimés, quelles sont les forces, les faiblesses et les complémentarités des Chinois et des Européens dans ce domaine ? Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Icape ?

Thierry Ballenghien : Après treize ans dans le circuit imprimé, dont deux chez Matra-Comelim et onze chez Cire, où je servais en tant que directeur du commerce international, j’ai, suite à des divergences sur la stratégie à suivre, quitté cette entreprise et créé Icape. C’était en 1999 et Icape a d’abord été une société de consultant international en circuits imprimés. Dès la mi-1999, elle s’est spécialisée dans l’achat en Chine de ces produits. Je souhaitais également apporter à l’assemblage de cartes électroniques de l’Hexagone et de l’Europe, des moyens pour contrer la montée en puissance des fabricants installés dans les pays émergents. De fait, nos clients ont pu gagner des marchés parce qu’ils ont reçu des circuits imprimés de qualité irréprochable à des « prix chinois ». En 2004, une deuxième entreprise, Cipem, dédiée, elle, à la fabrication en Chine de pièces à façon et sur plan pour l’électronique et l’automobile, est venue compléter Icape. Cette même année, Ie bureau chinois d’Icape a vu le jour. Il s’appuie aujourd’hui sur 110 collaborateurs multilingues qui se chargent de la gestion du réseau d’usines en Asie. Une trentaine d’assistants logistiques s’occupent du suivi des commandes et des livraisons. En 2009, Icape a été réorganisée et s’est agrandie avec la création de filiales aux Etats-Unis et au Brésil. En 2010, le chiffre d’affaires du groupe a bondi de 42 % à 32 millions d’euros, alors que sa croissance annuelle moyenne était jusqu’alors comprise entre 20 et 30 %. Pour 2011, nous prévoyons au moins 40 M€. L’activité circuits imprimés représente 90 % des ventes contre 10 % pour Cipem. L’Europe compte pour environ 80 % des ventes du groupe.

Comment devient-on un expert en circuits imprimés chinois ?

Thierry Ballenghien : Mieux vaut d’abord bien connaître le circuit imprimé et sa fabrication. Ensuite, en onze ans, j’ai fait 65 voyages en Chine, y passant quelque 4 années et demi à visiter plus de 800 usines de circuits imprimés. Ces nombreux déplacements m’ont permis de comprendre la psychologie de ce pays, ses avantages et ses inconvénients. Or, ce qui importe pour une société de services comme Icape, c’est de connaître parfaitement tant la demande que l’offre. En effet, notre travail consiste en premier lieu à mettre en relation les demandes des clients avec les offres des fournisseurs les plus à même d’y répondre. Aujourd’hui, Icape s’appuie sur un réseau de 25 sites de production de circuits imprimés basés en Asie (90 % en Chine). Chacun d’eux est spécialisé dans des technologies et des services différents, ce qui nous permet d’offrir un catalogue complet de produits : simples faces, doubles faces, multicouches, flexibles et spéciaux.

La qualité est une préoccupation importante des acheteurs qui se fournissent en Chine. Comment faites-vous pour qu’elle satisfasse vos clients ?

Thierry Ballenghien : La qualité est excellente à condition qu’elle soit contrôlée régulièrement. Elle commence par l’affectation de la commande au fournisseur le plus à même d’y répondre. Nos 110 techniciens et ingénieurs process basés en Chine assurent les visites d’usines, les audits de process et le contrôle de la qualité. La production de chacun des fabricants de notre réseau est régulièrement évaluée. Si l’indicateur qualité dépasse 300 ppm (pièces défaillantes par million de pièces produites), nos experts se déplacent pour imposer des rectifications selon un programme que nous avons mis au point. Ils sont sur place jusqu’à ce que le fournisseur revienne à un niveau inférieur à 300 ppm. Pour l’automobile, notre objectif est de 50 ppm.

Comment voyez-vous l’avenir de la fabrication des circuits imprimés en France, celle-ci étant sévèrement attaquée par la concurrence asiatique, notamment chinoise ?

Thierry Ballenghien : Il faut que les fabricants français de circuits imprimés produisent ce que les Chinois ne savent pas faire, ne peuvent pas faire ou ne veulent pas faire. Commerçants dans l’âme, les Chinois n’investissent pas pour la production de petites séries. Ou bien, lorsqu’ils le font, c’est rarement dans un esprit de continuité, l’appât d’une grosse commande ayant souvent raison de leur détermination première. En outre, ils n’ont pas intérêt à fabriquer des circuits imprimés à partir de matières premières en provenance d’Europe ou des Etats-Unis comme c’est le cas pour le téflon et certains matériaux spéciaux. En effet, les coûts d’importation et de transports grèveraient leurs bénéfices. Pour des raisons similaires (coûts logistiques élevés), ils ne s’intéressent guère à l’exportation de produits trop lourds, comme le SMI (substrat métallique isolé : circuit imprimé simple face allié à une base métallique), ou très simples. De manière générale, l’augmentation des coûts salariaux en Chine, la hausse du prix du pétrole et la réévaluation inéluctable à venir du yuan vont favoriser un rééquilibrage en faveur de la production européenne de circuits imprimés. Des technologies de fabrication à bas coût qui avaient été délaissées, vont redevenir rentables et reprendre vie. C’est la raison pour laquelle il importe que la France demeure une base industrielle forte en circuit imprimé. Icape, société française à capitaux français, sera bien entendu un acteur stratégique majeur et responsable qui militera pour ce rééquilibrage harmonieux entre les productions européennes et chinoises.

Propos recueillis par Didier Girault

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