La conception pour la fabrication, ou DFM ( design for manufacturing ), fait partie intégrante de la conception et de la fabrication des produits électroniques depuis des décennies. En fonction de leur taille, les entreprises mettent en œuvre la DFM de façon différente : certaines délèguent ce travail à leurs fournisseurs, d’autres utilisent encore une liste de contrôle et recherchent manuellement les violations des règles de DFM dans leurs conceptions, et d’autres effectuent leur analyse DFM à l’aide d’un logiciel spécialisé sophistiqué. Mais quelle que soit la manière dont elles mettent en œuvre la DFM dans leur processus de conception, pour garantir la qualité et la fiabilité de leurs produits elles doivent s’assurer que tous les problèmes de DFM sont résolus avant de lancer la fabrication de leurs conceptions.
Une étude récente menée par Aberdeen, intitulée « PCB Design Best Practices in 2023 » (Meilleures pratiques en matière de conception de circuits imprimés en 2023), montre que 85 % des grandes entreprises OEM (plus de 5 000 employés) mettent en œuvre la DFM en interne, contre 45 % pour les petites structures (moins de 100 employés). L’étude a révélé que la capacité d’une entreprise à respecter ses objectifs en matière de délais, de qualité et de coûts ne dépendait pas de sa taille mais était directement corrélée au fait que l’entreprise utilisait ou non un logiciel de DFM. Les entreprises utilisant un logiciel de DFM et appliquant des meilleures pratiques de DFM rigoureuses ont produit 27 % de conceptions supplémentaires par an et ont réduit leur cycle de développement de plus d’un mois en moyenne.
En général, les grandes entreprises ont tendance à mieux mettre en œuvre la DFM dans leurs processus, car elles la pratiquent depuis longtemps et possèdent donc davantage de connaissances en la matière. Voyons à quels stades ces grandes entreprises vérifient que leurs conceptions respectent les règles de DFM et quels types de contraintes elles mettent en œuvre lors des différentes étapes de la conception.
Figure 1. Étapes classiques du processus de conception.
Définition des contraintes DFM à l’étape de la conception schématique
Certaines grandes entreprises lancent leur processus d’examen DFM dès l’étape de la conception schématique. Par exemple, un ingénieur en matériel termine la version initiale d’un schéma destiné à un nouveau circuit imprimé, puis l’envoie à un ingénieur en placement-routage, qui crée un schéma d’implantation. Toutefois, ces opérations ne visent pas à créer la conception finale du produit mais uniquement à permettre l’examen DFM.
Voici quelques contraintes DFM qui peuvent être mises en œuvre à cette étape initiale :
Taille des boîtiers – Les boîtiers de grande taille ont tendance à présenter un gauchissement plus important pendant le processus de refusion et doivent donc être évités.
Composants sensibles aux contraintes mécaniques – Les condensateurs céramiques multicouches (MLCC) de grande taille peuvent facilement être endommagés pendant le processus d’assemblage.
Autres composants à haut risque – L’utilisation de composants ayant précédemment présenté un faible taux de rendement ou une faible fiabilité lors de leur production doit être limitée ou évitée.
En raison des capacités limitées des procédés et du matériel de fabrication, l’utilisation de composants à pas très fin doit être limitée. La définition du « pas fin » varie toutefois selon les types de boîtiers et de produits. Par exemple, les boîtiers BGA ( ball grid array , boîtier à matrice de billes) dont le pas est inférieur à 0,5 mm ou les boîtiers QFN ( quad flat no-leads , boîtier plat sans broches) dont le pas est inférieur à 0,4 mm doivent être évités dans les circuits imprimés de serveurs si leur prise en charge est insuffisante.
Figure 2. Un boîtier BGA à pas très fin ne doit jamais être utilisé pour certains types de produits.
Autres contraintes DFM au stade de la conception mécanique ou de la conception du châssis
Une fois la conception mécanique ou la conception du châssis terminée, un ingénieur en placement-routage importe le dessin mécanique dans un outil de placement-routage et procède à l’implantation préliminaire des composants afin de s’assurer que les connecteurs et certains composants-clés sont placés au bon endroit.
Dans un dessin mécanique, différentes zones d’exclusion de composants, de restriction de hauteur de composants et d’exclusion de routage sont définies. Bien qu’un ingénieur ne puisse pas savoir si la hauteur de tous les composants du schéma respecte la restriction de hauteur mécanique, il doit avoir la possibilité de le vérifier. Sinon, tout problème de conception mécanique sera détecté dans le prototype sur la ligne de production.
Figure 3. Zones d’exclusion et zones de restriction de hauteur dans le dessin mécanique.
Autres contraintes DFM pouvant être mises en œuvre à l’étape de la conception mécanique :
Taille et épaisseur de la carte – Toute taille de carte dépassant les capacités du matériel de fabrication doit être évitée.
Forme de la carte – Une forme inappropriée peut entraîner un blocage de la carte pendant son transport sur la ligne de production. En outre, une forme spéciale peut entraîner une utilisation inefficiente du panneau lors de la fabrication, ce qui augmentera considérablement le coût de celle-ci.
Première mise en œuvre de la DFM, à l’étape de l’implantation
Une fois les composants mécaniques placés, un ingénieur en placement-routage commence à placer les composants restants à partir du schéma. Grâce aux outils de vérification du respect des règles de conception (DRC, pour design rule checking ), il peut procéder à une vérification élémentaire pour s’assurer que les composants n’interfèrent pas entre eux.
Cependant, le placement peut être une tâche des plus complexes si l’on tient compte de l’assemblage du circuit imprimé, et, en la matière, l’absence de chevauchement des composants est une exigence fondamentale. L’assemblage des circuits imprimés peut impliquer de nombreux processus différents ; placement, impression de pâte à braser, refusion, brasage à la vague, insertion en force des composants, tests ICT, etc. Les différents processus d’assemblage ont des exigences de placement différentes. Par exemple, les composants CMS (ou SMD, pour surface-mounted device ) à pas fin doivent être éloignés du bord de la carte situé dans le sens du transport, car c’est généralement là que se dépose un excès de pâte à braser, ce qui provoquera des courts-circuits. Un connecteur SMT de grande longueur doit être maintenu horizontal par rapport au sens du transport pendant le processus de refusion, afin de garantir un gauchissement minimal de la carte. Un gauchissement important entraînera des défauts dus à une quantité de brasure insuffisante ou à une brasure ouverte après la refusion.
Figure 4. Un composant SMD à pas fin trop proche du bord de transport a tendance à provoquer des défauts de brasage de type court-circuit.
Il existe des dizaines de contraintes DFM concernant le placement des composants, mais voici quelques contraintes-clés à prendre en compte :
Réparation – Quel que soit le type de boîtier considéré, un espace suffisant est nécessaire entre le boîtier et les composants. Pour les composants de grande hauteur et les composants sensibles à la chaleur tels que les cristaux, une distance plus importante est nécessaire.
Brasage à la vague – La contrainte la plus courante pour le placement des composants brasés à la vague impose qu’il y ait suffisamment d’espace entre leur broche et les composants SMD adjacents du côté secondaire.
Insertion en force – Le processus d’insertion en force entraîne davantage de contraintes et de déformations lors de l’assemblage ; les composants sensibles aux contraintes doivent donc être placés loin de ceux insérés en force.
ICT (test en circuit) – Il convient de prévoir un nombre suffisant de points de test et de veiller à ce qu’ils soient suffisamment espacés les uns des autres, mais aussi des composants. Plus la hauteur du composant est grande, plus l’espacement doit être important.
Mise en œuvre de la DFM à l’étape cruciale du routage
L’étape cruciale du routage commence lorsque tous les composants du schéma sont correctement placés dans la conception. L’ingénieur en placement-routage commence à router la conception conformément aux exigences de la netlist (liste d’interconnexions), après avoir routé la plupart des réseaux-clés. C’est à ce moment-là que le processus DFM peut intervenir à nouveau. La vérification DRC garantit que les pistes routées et les autres éléments en cuivre respectent un espacement de base les uns par rapport aux autres. Cependant, dans la perspective de la DFM ou de la fabrication du PCB, un espacement supplémentaire peut être nécessaire à un emplacement spécifique de la conception.
Par exemple, lors du processus de gravure du PCB, si deux éléments en cuivre sont insuffisamment espacés, cela peut entraîner la formation d’éclats ( slivers ), c’est-à-dire d’étroites bandes métalliques, entre ces éléments. Lors de la fabrication, un éclat se forme par détachement d’une partie du matériau photosensible lors de la photogravure, et ce débris flottant peut provoquer des défauts et des courts-circuits à n’importe quel endroit de la conception, ce qui réduira le taux de rendement.
Figure 5. Les éclats peuvent causer des défauts répétés par suite de l’écaillage de la résine photosensible.
La fabrication des circuits imprimés implique des centaines de processus qui peuvent être plus complexes que le processus d’assemblage. Voici quelques exemples de contraintes pouvant être mises en œuvre pour préparer cette fabrication :
Largeur et espacement des pistes – Le concepteur doit calculer la largeur des pistes de cuivre et leur espacement à partir de la masse de cuivre et de la position des couches dans la matrice (à l’extérieur ou à l’intérieur). Ces variables ont une incidence sur les procédés de fabrication utilisés.
Joint annulaire – Pendant le processus de perçage, le foret dévie légèrement. En outre, pendant le processus de lamification, l’alignement entre les couches se dégrade légèrement. Pendant l’imagerie, l’alignement de l’image du circuit imprimé ne sera donc pas centré par rapport aux couches prévues. Si la largeur du joint annulaire est inadéquate, il se peut que le trou touche presque les limites du plot de perçage.
Pistes d’isolation thermique – Selon la norme IPC-2222A (décembre 2010), un rapport de 60 % doit être maintenu entre la largeur combinée des pistes d’isolation et le diamètre du plot.
Couverture du masque de brasage – Les circuits proches d’un plot doivent être entièrement recouverts par le masque afin d’éviter la formation de ponts de brasure lors de l’assemblage.
Mise en œuvre de la DFM lors de la conception finale
L’étape de la conception finale peut impliquer différents aspects de la DFM, tels que des vérifications du routage complet, la validation de la nomenclature, la validation de la netlist et d’autres vérifications finales.
La vérification du routage aide les concepteurs à identifier toutes les violations potentielles des règles DFM dans le routage complet susceptibles d’impacter la fabrication du circuit imprimé. À ce stade, les contraintes de routage peuvent être similaires à celles utilisées lors de l’étape cruciale du routage, mais elles sont plus complètes qu’au stade du routage initial.
La validation de la nomenclature (BOM) sert à vérifier que tous les composants qui y sont répertoriés correspondent bien à leur empreinte sur le circuit imprimé. Toute différence peut signifier que le composant ne pourra pas être assemblé. La non-concordance des nombres de broches, le chevauchement des composants et la position des broches par rapport à leur plot ou leur trou d’insertion sont des contraintes couramment utilisées lors de la validation de la nomenclature.
Figure 6. Un composant de la nomenclature ne correspond pas à son empreinte dans la conception.
La validation de la netlist est également importante dans le processus de conception final. Toute violation, telle qu’une netlist traduisant un circuit ouvert ou un court-circuit, est fatale pour une conception, car elle peut entraîner une défaillance fonctionnelle. La vérification du respect des règles de conception (DRC) peut aider à détecter la plupart des problèmes liés à la netlist , mais il est fortement recommandé de vérifier la netlist par rapport aux données FAO.
Outre les vérifications DFM portant sur le routage complet, la validation de la nomenclature et celle de la netlist , les vérifications finales doivent également concerner toutes les contraintes des étapes de conception précédentes afin de garantir que la conception répond intégralement aux exigences de fabrication.
Conclusion
La qualité de leur production se reflète dans la part de marché des grandes entreprises, qui jouissent généralement d’une bonne réputation auprès de leurs clients. L’un des secrets de leur succès réside dans la mise en œuvre d’un nombre suffisant de vérifications DFM dès le début et tout au long du cycle de conception de leurs produits. Un outil de DFM fiable leur permet de valider leurs conceptions à différentes étapes de leur développement, ce qui les aide à fabriquer des produits robustes offrant un rendement, un coût et une fiabilité compétitifs. Les PME n’ont peut-être pas les moyens d’investir dans les derniers logiciels d’entreprise ou d’employer du personnel spécialisé dans la DFM, mais elles peuvent mettre en œuvre les meilleures pratiques utilisées par les grandes entreprises, afin d’acquérir, comme ces dernières, une bonne réputation dans un secteur hautement concurrentiel.
Figure 7. Les grandes entreprises procèdent à différentes validations DFM tout au long des étapes de conception.
Bill Ji est ingénieur technico-commercial chez Siemens EDA. Avant de rejoindre Siemens EDA en 2019, c’est en Chine qu’il a acquis de l’expérience en matière de DFM, dans une grande entreprise de services de fabrication électronique (EMS) et une entreprise de communication renommée. Bill a pu constater les avantages de la DFM tant du point de vue de la conception que de la fabrication. Il a commencé sa carrière dans le domaine de la DFM en 2006 et occupe depuis 2011 des postes liés à Valor NPI.
Pour en savoir plus : EDA Software, Hardware & Tools | Siemens Software






