Couverture ElectroniqueS n°127

Le MicroTCA, fondé sur l'insertion de cartes AMC dans un châssis dédié, a su creuser son sillon depuis sa naissance en 2006. Car, malgré les obstacles liés à sa complexité inhérente, le MicroTCA intéresse bien au-delà du domaine des télécoms pour lequel il a été pensé. Et les initiatives se multiplient pour le simplifier et faciliter son essor vers d'autres horizons. Deux ans après la publication de son acte de naissance au sein du PICMG, l'architecture MicroTCA a fait beaucoup de chemin. Selon la société d'étude américaine VDC, le marché du MicroTCA devrait atteindre dès 2009 environ 180 M$, pour s'envoler vers le milliard de dollars à l'horizon 2011. Des chiffres qui sont encore plus élevés, si l'on intègre les activités d'intégration et de développement logiciel, qui sont très importantes dans le cas de cette technologie. Certes, les chiffres publiés par VDC sont très optimistes et ne reflètent pas toujours la réalité du terrain. Toutefois, quels que soient les débats sur le montant exact de ce marché dans le monde, personne ne remet en cause aujourd'hui l'idée qu'il est en pleine croissance, une tendance qui ne devrait pas s'infirmer dans les années qui viennent.Pourtant, les débuts du MicroTCA ont été quelque peu difficiles. Rappelons d'abord que cette architecture fait partie de la mouvance générale vers des systèmes entièrement commutés, où des cartes insérées dans un châssis communiquent entre elles via des liaisons point à point, selon divers protocoles (Ethernet, Serial RapidIO, PCI Express), tournant ainsi le dos aux traditionnels systèmes dotés d'un bus en fond de panier comme le VME ou le CompactPCI. Avec le Micro-TCA, l'originalité a été de décider d'utiliser un standard de cartes existant, les AMC (Advanced mezzanine cards), utilisées comme cartes-filles au sein des systèmes Advanced TCA, dédiés au marché des télécoms, pour les utiliser directement dans un châssis ad hoc. Avec comme objectif de tirer parti de deux caractéristiques fondamentales de ces cartes : leur capacité d'être extraites et/ou insérées à chaud, c'est-à-dire en cours de fonctionnement (c'est le hot swap) ; et l'intégration en leur sein d'un contrôleur IPMI (Intelligent platform management interface), qui permet de coller au concept de gestion centralisée d'un châssis décrit dans les spécifications de l'ATCA.C'est à ce niveau que les choses se compliquent car, pour mettre en &oelig;uvre cette fonction de gestion centralisée d'un châssis, le PICMG a décidé de spécifier une carte AMC particulière, la MCH (MicroTCA CarrierHub) dont la tâche consiste à gérer les opérations de commutation et l'administration du châssis via l'IPMI. Or, dès le début, la conception d'une telle carte s'est avérée délicate, peu de fabricants dans le monde prenant le risque de se lancer dans son design. Parallèlement, le PICMG a spécifié l'utilisation de modules d'alimentation spécifiques, insérables dans un châssis MicroTCA. Là aussi, la conception de telles alimentations, qui doivent tirer parti de l'IPMI, est loin d'être triviale.Ces deux écueils ont incontestablement freiné le démarrage du MicroTCA, faisant peser sur ses épaules deux reproches majeurs : des difficultés techniques importantes pour sa mise en &oelig;uvre et des coûts d'achat trop élevés.Du MicroTCA complet à des versions bas coûtCette situation d'origine amène aujourd'hui à faire plusieurs constats. D'abord, malgré les difficultés énoncées, le concept du MicroTCA intéresse un nombre croissant d'utilisateurs bien au-delà du secteur des télécoms pour lequel il a été pensé. D'ailleurs, VDC estime que, dans les années qui viennent, de 40 à 80 % de la valeur de ce marché viendra de domaines d'applications hors télécoms. Cette attirance vient en partie du fait que le MicroTCA, contrairement au VME ou au CompactPCI, offre une multitude de possibilités tant sur les plans mécaniques qu'électroniques.Cet aspect protéiforme du MicroTCA autorise par exemple la conception de systèmes classiques de 19 pouces de largeur avec 12 cartes AMC sur une hauteur de 2 à 6U, mais aussi de châssis dans lesquels les cartes AMC sont enfichées en position horizontale plutôt que verticale. Ou bien encore des châssis qui permettent de mixer les différents formats de cartes AMC, des concepts plus originaux avec des systèmes sous forme de cube dans lesquels on trouve jusqu'à 12 cartes AMC, ou bien enfin des petits systèmes dits « Pico » dotés de 2 à 3 cartes AMC seulement (une carte processeur, une carte de stockage, une carte d'entrées/sorties).Du point de vue électronique, le MicroTCA offre aussi de multiples voies : systèmes avec une seule carte MCH qui pilote le châssis en utilisant les liens Gigabit Ethernet de base, ou deux cartes MCH pour créer des systèmes redondants, avec des connexions en simple ou double étoile avec les protocoles Gigabit Ethernet, PCI Express ou Serial RapidIO pour construire des architectures entièrement ou partiellement maillées. Le champ des possibles est immense et ne dépend presque que de la fertilité de l'imagination des développeurs de systèmes.Cette réalité fait qu'aujourd'hui, on distingue clairement deux marchés pour le MicroTCA. Celui des équipements de télécommunication dits de bordure, comme les systèmes WiMax, dans lesquels il y a des besoins de redondance, d'insertion/extraction à chaud, d'alimentation supervisée, etc. Sur ce secteur, les prix des châssis MicroTCA équipés peuvent aller de 5 000 euros à 10 000 euros l'unité. Des prix manifestement beaucoup trop élevés pour les autres segments de marché séduits par le MicroTCA, notamment celui des systèmes d'imagerie et de traitement de données médicales. D'où l'émergence ces derniers mois de diverses initiatives visant à lever cet obstacle du coût ; en particulier pour les marchés industriels avec comme objectif d'aller en dessous des 3 000 euros.On peut ainsi citer l'initiative Simple MicroTCA, lancée en juin dernier par un groupe de fabricants et de distributeurs (ADLink, Tews, Schroff, Power-Bridge, Ecrin Systems, Acal et Goma). L'idée est de remplacer la carte MCH par une carte spécifique, dite SSM (Simple support module), qui assure les fonctions de gestion du fond de panier et de commutation des liens PCI Express 1x, et de substituer aux modules d'alimentation sur cartes AMC des alimentations industrielles classiques adaptées pour s'insérer dans un châssis MicroTCA. La compatibilité avec les cartes AMC du marché est garantie à 100 % dans cette spécification, qui toutefois ne fait pas l'objet, pour l'instant, d'une demande de normalisation auprès du PICMG. Le français Ecrin Systems a notamment montré une illustration concrète de cette approche avec son produit Pico Diamant construit au sein d'un châssis de 19 pouces de large sur 2U de hauteur, doté de huit emplacements pour cartes AMC, d'une carte AMC processeur basée sur le Core 2 Duo Mobile d'Intel et d'une alimentation de 350 W incorporée dans le châssis (photo ci-dessus).De son côté, Advantech vient de lancer l'initiative Inca dans laquelle la carte MCH est remplacée par une carte dite PMCH (Processor MCH), qui intègre un processeur d'application classique (alors que la spécification MicroTCA prévoit une carte MCH et une carte processeur). Parallèlement, l'initiative Inca prévoit un nouveau type de carte AMC, baptisée LMC (Lean mezzanine card), dans laquelle l'interface IPMI et la gestion du hot swapping (insertion/extraction « à chaud ») ont carrément été supprimées. Avec cette approche, la compatibilité avec le catalogue de cartes AMC du commerce reste toutefois conservée et il demeure possible de mixer dans une architecture Inca des AMC classiques dotées d'une interface IPMI avec des LMC, et d'utiliser, c'est une nouveauté, des ports standard USB 2.0, en sus des traditionnels liens Gigabit Ethernet ou PCI Express, pour assurer les communications intrachâssis entre cartes AMC et la carte PMCH. Advantech souhaite proposer cette spécification au sein du PICMG pour en faire un standard ouvert.Enfin, autre approche, celle de Kontron, aussi développée par Advantech, qui propose une carte MCH simplifiée (la carte AMC 4901) gérant uniquement des commutations entre cartes AMC en fond panier via des liens Gigabit Ethernet.Ce bouillonnement d'idées pour trouver des solutions adaptées à chaque grand secteur d'activité se double d'une activité importante de normalisation au sein du PICMG. Ainsi, un groupe de travail planche actuellement sur les spécifications de durcissement du MicroTCA, ouvrant la voie du marché militaire à ce standard. D'autre part, plus récemment, les utilisateurs de grands équipements scientifiques, où le VME règne encore en maître, réfléchissent à l'opportunité de créer un groupe de travail spécifique à leurs besoins, notamment avec plus de souplesse pour mettre en &oelig;uvre des entrées/sorties en face avant, au sein du PICMG. On le voit ici, le MicroTCA devrait à terme bouleverser le paysage des architectures industrielles, et commence à marcher sur les plates-bandes des systèmes installés de longue date comme le VME, ou plus récemment le CompactPCI. Au point qu'aujourd'hui, on peut s'interroger sur l'avenir des fournisseurs des calculateurs industriels qui n'ont pas encore pris le virage du MicroTCA.

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