Couverture ElectroniqueS n°127

Les fabricants d'électronique de puissance et d'équipements télécoms procèdent en ce moment à la qualification de composants en nitrure de gallium. La demande en semi-conducteurs et en wafers de GaN devrait décoller en 2015. D ans cet article, nous ne parlerons pas des Led qui sont fabriquées à partir de nitrure de gallium (GaN). Nous nous limiterons aux semi-conducteurs hyperfréquences et aux composants de puissance réalisés en GaN. Historiquement, l'aérospatial et la défense ont été à l'origine d'une demande de composants actifs à tension de claquage élevée et à faible dissipation thermique. Ces semi-conducteurs sont notamment destinés aux mesures et aux contre-mesures. Ces contraintes (tension de claquage élevée et/ou fonctionnement à haute fréquence) ont conduit à l'utilisation de nouveaux matériaux : l'arséniure de gallium a supplanté le silicium et, depuis une dizaine d'années, les recherches et les développements portent sur le carbure de silicium (SiC) et sur le nitrure de gallium (GaN). En parallèle, la demande pour de tels matériaux continue à croître : en effet, de nouveaux secteurs d'activités ne peuvent se développer qu'à la condition d'intégrer des circuits très hautes fréquences (matériels pour stations de base 3G, radars civils, systèmes CATV…) ou des semi-conducteurs de puissance à très faible dissipation thermique (énergies renouvelables, voiture électrique et hybride…). Le GaN est de toute façon appelé à un brillant avenir. Yole Développement note, par exemple, que le remplacement de composants silicium par des composants GaN dans un convertisseur DC – DC permet d'augmenter de 10 points le rendement de ce dernier (95 % avec le GaN contre 85% avec le Si). l'année 2015 représentera un tournant pour le marché des semi-conducteurs gan de puissance et pour celui des wafers de gan. Car 2015 sera une année bilan pour les qualifications de composants aujourd'hui en cours. Le marché potentiel pour ce matériau est conséquent. La société d'étude estime en effet que le seul segment des semi-conducteurs de puissance représentait, en 2011, un chiffre d'affaires mondial de 17,7 milliards de dollars, et pourrait atteindre 35,7Md$ en 2020. Simultanément, le marché amont des wafers destinés aux semi-conducteurs de puissance passerait, lui, de 1,19Md$ en 2011 à 2,62Md$ en 2020. Or, les composants réalisés en GaN ne représentent encore qu'une infime partie de ces ventes, avec, selon Yole, un chiffre d'affaires mondial de l'ordre de 2,5 millions de dollars en 2011, 10 M$ en 2012 et environ 50 M$ en 2013. La progression du GaN pourrait toutefois se précipiter : la société d'études estime en effet que l'année 2015 représentera un tournant. Car 2015 sera une année bilan pour les qualifications de composants de puissance en GaN aujourd'hui en cours chez les fabricants de matériels électroniques. « Tous les grands équipementiers de l'aérospatial, de la défense et des télécoms évaluent en ce moment des composants de puissance en GaN (principalement sur SiC) dans le cadre d'applications hyperfréquences », confirme-t-on chez Thales. « En 2014 et 2015, les résultats des qualifications de wafers de GaN sur Si seront annoncés », complète Marianne Germain, Pdg d'EpiGan, un spécialiste belge de la production de wafers de GaN de puissance ( voir encadré page 42 ). En tout cas, Yole anticipe une envolée du marché du GaN en 2015. la start-up belge epigan livre des wafers de nitrure de gallium de diamètre 200 mm Créée en 2010 à l'initiative de trois spécialistes du nitrure de gallium (gan) à l'imec, la société belge epigan (8 personnes) est un fabricant de wafers de gan sur silicium et sur carbure de silicium. «d'abord centrées sur les composants gan à destination des hyperfréquences, nos recherches ont bifurqué vers les composants gan de puissance à haute tension», indique marianne germain, pdg d'epigan. depuis juin 2012, cette entreprise dispose d'un site de production à hasselt (belgique), site équipé d'une salle blanche abritant une ligne de réacteurs moCvd (marque aixtron). entre aixtron et epigan, une relation de confiance s'est instaurée: «epigan dispose des dernières générations de réacteurs aixtron et ce dernier bénéficie des feedbacks d'epigan pour d'éventuelles corrections et des améliorations de ses machines», explique marianne germain. aujourd'hui, epigan vend ses produits dans le monde entier: des wafers de gan sur si de diamètres 3 pouces (75mm), 4 pouces (100mm), 6 pouces (150mm) et 8 pouces (200mm). «pour le 200mm, epigan ne fournit actuellement que des échantillons à des clients sélectionnés», précise mme germain. le produit phare d'epigan est le wafer de gan sur si à tension de claquage 600v, de diamètre 6 pouces (150mm). la société propose une passivation, brevetée, de la surface du wafer de façon à stabiliser cette dernière. normalement, une telle passivation n'intervient que chez le fabricant de composants: «c'est trop tard: il y a déjà eu génération d'instabilités», estime la pdg d'epigan. dans la pratique, cette opération améliore les paramètres de fonctionnement dynamique, paramètres dont les valeurs sont traditionnellement très en deçà de celles des paramètres de fonctionnement en continu: «en particulier, la résistance dynamique est traditionnellement plus élevée que la résistance “on” statique en raison des effets de piégeage en surface», explique mme germain. or, l'intérêt de la passivation est notamment de diminuer le piégeage en surface. epigan se distingue aussi en proposant aux clients, la spécification des wafers de gan sur si en fonction des applications: dans la pratique, epigan opère une différenciation de la partie active de la couche – qui détermine les caractéristiques du transistor. La fabrication des wafers de gaN est un métier Yole subdivise les semi-conducteurs de puissance en deux sousensembles : les composants à tension de claquage inférieure à 900 V (67 % du marché mondial des semi-conducteurs de puissance en 2011) et les composants à tension de claquage supérieure à 900 V. Le GaN sur substrat silicium (GaN sur Si) intéresse le premier de ces sous-ensembles. Le second fait appel aux circuits GaN sur substrat carbure de silicium (GaN sur SiC) ainsi qu'aux circuits SiC. Le défi du GaN sur Si sera de réussir à s'imposer dans les composants (diodes…) destinés à des applications grand public (convertisseurs AC-DC…). Déjà, l'américain Transphorm vient de présenter une gamme de semi-conducteurs de puissance en GaN sur Si à tension de claquage 600V. Par la suite, il devrait être possible de fabriquer en GaN sur Si, des semi-conducteurs à tension de claquage 900V puis 1200V. « Ce sont les tensions mécaniques entre le GaN et le Si qui induisent aujourd'hui la limitation : pour atteindre des tensions de claquage plus élevées, il faut déposer des couches plus épaisses de nitrure sur Si, ce qui requiert une ingénierie spécifique au stress mécanique dans les matériaux », remarque Marianne Germain. Le GaN sur Si va donc intéresser de plus en plus de composants de puissance supportant de fortes tensions. « En outre, la production en volume de composants en GaN sur Si aura pour conséquence une diminution du prix de revient de ceux-ci, et améliorera donc la compétitivité du GaN sur Si par rapport au silicium », indique Mme Germain. « Ce qui pourrait permettre à de tels composants de prendre également place sur le marché des basses tensions (jusqu'à 200V)», prévoit-elle. In fine, nombre de spécialistes de la puissance annoncent une très forte progression des semi-conducteurs de puissance en GaN sur Si. Comme, d'autre part, peu de fabricants de composants de puissance produisent ou prévoient de produire leurs propres wafers de GaN sur Si – c'est néanmoins le cas d'International Rectifier et de Transphorm–, les fournisseurs de wafers de GaN ont de beaux jours devant eux. « Spécialistes de la puissance et du design de composants, les fabricants de composants manquent toutefois d'expertise en matériaux GaN sur Si. Et ils n'auront pas le temps d'acquérir cette expertise s'ils veulent rester dans la course », confirme Mme Germain. « Il leur faudra se fournir auprès des spécialistes de la production de wafers de GaN sur Si », conclut-elle. Aujourd'hui, les fournisseurs de wafers de GaN ne sont pas légion. Citons Azzurro (Allemagne), EpiGaN (Belgique), Nitek (Etats-Unis), NTT (Japon) et Powdec (Japon). EpiGan et NTT fabriquent des wafers de GaN sur Si destinés aux composants de puissance ou aux composants RF. Parmi les spécialistes du GaN, n'oublions pas le français Soitec qui dispose d'un portefeuille de technologies propriétaires : procédé de fabrication de matériaux en GaN sur Si par épitaxie MOCVD, et procédé de report de film par collage moléculaire, dit Smart-Cut. Enfin, dans le domaine du GaN de puissance, outre les fournisseurs de wafers, les fabricants de semi-conducteurs et les sociétés fabless , Yole a isolé la famille des fabricants de Led présentant actuellement des surcapacités de production. Toutefois, « l'utilisation de réacteurs MOCVD dédiés initialement à la production de Led, pour la fabrication de composants RF ou de puissance en GaN requiert le développement d'une expertise spécifique (croissance de GaN sur Si pour applications en tension)», tempère Marianne Germain. Aussi, même s'il y a, en Chine, pléthore de réacteurs dédiés à la fabrication de wafers de GaN pour Led aujourd'hui inutilisés et qui pourraient être réorientés vers la fabrication de wafers de puissance, leur adaptation prendra du temps… aixtron est un leader mondial de la fabrication de réacteurs moCvd utilisés pour la fabrication des wafers épitaxiés de gan sur si. marianne germain, pdg d'Epigan “ La production en volume de composants en gaN sur Si aura pour conséquence une diminution du prix de revient de ceux-ci, et améliorera donc la compétitivité du gaN sur Si par rapport au silicium. ” Une filière européenne Impliquée en énergies renouvelables, en véhicule électrique et hybride, l'Europe représente, selon Yole, 22 % du marché des composants de puissance alors que les Etats-Unis comptent pour 13%. «En Europe, nous disposons de grands fabricants de semi-conducteurs de puissance impliqués en GaN sur Si: EpiGan travaille, par exemple, avec Infineon dans le cadre du projet HipoSwitch; nous pouvons aussi nous appuyer sur Aixtron, un leader mondial en fabrication de réacteurs» , souligne la Pdg d'EpiGan. «L'Europe regroupe donc tous les acteurs clés de la chaîne de production», conclut-elle. Surtout, plusieurs fabricants européens de matériels électroniques ont très tôt milité pour la mise en place d'une filière européenne du GaN. De façon à ne pas subir, le cas échéant, des embargos de la part des Etats-Unis (règles Itar) ou de l'allié de ce dernier, le Japon. Alcatel, l'ESA (Agence spatiale européenne) et Thales font partie de ceux qui ont poussé à la constitution d'une telle filière. En 2004, Alcatel et Thales ont créé, en France, le Lab III-V (130 personnes) dédié aux recherches sur les matériaux III-V. Le CEA-Leti l'a rejoint en 2011. Côté fabricants de composants, la France s'honore de la présence d'UMS qui constitue un des piliers de la filière GaN en Europe, et d'Ommic (ex-Philips) qui est un fondeur et un fabricant de circuits en GaN et en arséniure de gallium (GaAs).

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