Couverture ElectroniqueS n°127

Craignant une fausse reprise, les fabricants de semiconducteurs montrent une grande prudence à relancer des lignes de production. Les équipementiers et les sous-traitants, quant à eux, comptent beaucoup sur la distribution pour être servis envers et contre tout. Depuis mars-avril, les délais de livraison des semiconducteurs sont orientés à la hausse. Et depuis juin, le phénomène s’accentue. « Pour des commandes passées en mai puis confirmées en septembre, les livraisons sont décalées à novembre », nous annonce ainsi un expert de la distribution. Les délais ont même été multipliés par quatre pour des micro-contrôleurs et des transistors Mos, alors que certaines mémoires, des flash NAND par exemple, sont désormais en allocation. Que s’est-il donc passé ? Tout simplement, au cours de l’été, la Chine a augmenté sa consommation de matériels électroniques grand public et électroménagers. Une prime gouvernementale, octroyée aux ménages sous forme de coupons, a redynamisé la consommation et a relancé la production de ce type d’équipements, production basée en très grande majorité en Asie. D’où, à l’échelle mondiale, une progression des commandes de composants et un allongement des délais de livraison. Pour pallier ces derniers, certains fabricants de semi-conducteurs ont remis en service des productions qu’ils avaient arrêtées quelques mois auparavant. Requalifier des lignes Ainsi en est-il de Texas Instruments qui annonce une croissance séquentielle de 11 à 17 % de son chiffre d’affaires au troisième trimestre, après une progression de 18 % au deuxième trimestre. « Cette progression n’était prévue ni par nous ni par nos clients », avoue d’ailleurs la société américaine. Le redémarrage des fabrications n’est toutefois pas aussi simple que leur arrêt. Il faut en effet requalifier les lignes, ce qui demande couramment de deux à trois semaines. En outre, beaucoup d’effectifs licenciés, qui appartiennent à des populations migrantes en fonction du travail, ont quitté la région peu après leur licenciement. D’où, des retards dans la relance des productions, notamment en assemblage et test de boîtiers. Face à ces problèmes, les fabricants de semiconducteurs ont alors et par sécurité, annoncé des délais de livraison dépassant les vingt semaines. « Au cours de la phase de requalification des lignes, le fabricant a tendance à majorer ses délais », confirme un expert. Aussi, une fois que la production aura retrouvé son rythme de croisière, les délais réels pourraient-ils être inférieurs à ceux annoncés. Toujours est-il que dans ce contexte, pour obtenir des pièces, le distributeur doit savoir jouer des coudes. Un style de négociation qui favorise les grands groupes qui n’hésitent pas à mettre en avant leur puissance d’achat. Les recherches de pièces mobilisent aussi toutes les forces vives du distributeur qui a donc intérêt à ne pas avoir trop taillé dans ses effectifs. Dans l’Hexagone, seul EBV Elektronik n’a pas licencié ; et Silica n’a supprimé que 10 % de ses emplois. Les autres grands ont davantage réduit leurs équipes. Enfin, certains fabricants de semiconducteurs estiment que cette reprise n’est qu’un rebond et hésitent à réinvestir en production. D’autres encore, comme Linear Technology et Microchip, par exemple, n’ont rien changé parce que leurs délais n’ont pas bougé (cinq à six semaines). En France, plusieurs distributeurs sonnent l’alarme depuis le deuxième trimestre, invitant leurs clients à passer commande en avance pour éviter des difficultés d’approvisionnement à la reprise. Ils ne sont pas toujours entendus. Parfois même, ils sont suspectés de dramatiser la situation. Le problème rencontré ici par la distribution est le même que celui auquel fait face la sous-traitance avec certains de ses donneurs d’ordre. Plusieurs sous-traitants ont en effet pointé du doigt le manque de connaissances techniques des nouveaux acheteurs qui « ne comprennent pas les problèmes de production » (voir EI n° 669). Certains acheteurs méconnaissent la production De la même façon, certains donneurs d’ordre français ont externalisé leurs achats et méconnaissent maintenant les contraintes logistiques et de production. « Les acheteurs raisonnent trop en termes de prix et ne s’inquiètent pas assez des coûts globaux », résume un distributeur. Une maxime qui semble applicable à beaucoup de domaines, comme le montre l’actualité sur les traders. « Avec de telles pratiques, un acheteur peut décrocher sa prime en gagnant 100 000 euros sur une affaire qui fera dévisser son entreprise », s’indigne d’ailleurs un spécialiste. « A l’inverse, les donneurs d’ordre qui s’impliquent dans la production et les achats, qui dialoguent avec leurs sous-traitants et leurs distributeurs sont crédibles ; pour eux, le distributeur peut prendre des risques », poursuit ce dernier. Il s’agit donc de substituer à une attitude opportuniste, une stratégie gagnant-gagnant reposant sur la confiance. Un premier trimestre 2010 déterminant Lors de la crise, des distributeurs ont d’ailleurs octroyé à des clients en difficulté passagère des facilités de paiement que leur refusaient les banques (voir l’entretien avec François Kurek, p. 5). Plusieurs distributeurs reconnaissent d’ailleurs « ne jamais avoir eu autant d’encours financiers ». Aujourd’hui, les mêmes sont concernés au premier chef par la réussite de leurs clients, conscients que tout retard dans les livraisons peut signifier la mort de ces derniers. Au sein de la supply chain, les plus opportunistes seraient encore les fabricants de semiconducteurs. Par chance, si l’Asie est demandeur des plus grandes quantités de composants, c’est toujours l’Europe qui a besoin des produits les plus sophistiqués (militaire, aéronautique, spatial) qui offrent le plus de marge. Mais cet avantage durera-t-il ? In fine, les prévisions font aujourd’hui état de la continuation de difficultés de livraisons jusqu’au premier trimestre 2010. Ce premier trimestre sera déterminant pour l’année : si la reprise entamée cet été perdure jusque-là, alors il y aura des pénuries de composants en 2010. Les délais d’obtention des composants augmentent Tout se jouera au premier trimestre 2010. Si les commandes progressent durant cette période traditionnellement faible pour la distribution et les fabricants, alors des pénuries de semiconducteurs sont à prévoir dans l’année. Famille de circuits Eléments de la famille Délai moyen (1] Commentaires Discrets Diodes, transistors, thyristors et triacs 12-16 semaines Les délais augmentent. Des problèmes sur certains boîtiers (Dpack et D2Pack) Circuits linéaires et de puissance Amplis, convertisseurs, circuits de puissance 12-16 semaines (2) Les délais augmentent. L’encapsulation constitue un goulot d’étranglement Circuits logiques Bipolaires, Cmos 3 V et 5 V, BiCmos et ECL 10-12 semaines Les délais augmentent Micros et DSP Microprocesseurs ≤ 12 semaines Pas de problème Microcontrôleurs 16 semaines Les délais augmentent DSP 10-12 semaines Pas de problème Mémoires Flash NAND Allocations Allocations SDram et DDR2 Allocations Allocations pour certains modèles notamment DDR2 Eprom, Eeprom et Sram 10-16 semaines Pas de problème FPGA 10-16 semaines (1) Pour tous les éléments de la famille de circuits. (2) 5 à 6 semaines pour Linear et Microchip.

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