Couverture ElectroniqueS n°127

Alors que les prototypes d'écrans et autres composants à nanotubes de carbone se multiplient, une société lance un service de fonderie pour la réalisation de circuits intégrés Cmos à nanotubes de carbone. Premier pas vers une véritable industrialisation ? Considérés par beaucoup comme les nanomatériaux d'avenir de l'électronique (et d'autres domaines, voir encadré), les nanotubes de carbone (CNT) sont objets de toutes les attentions des chercheurs un peu partout dans le monde, depuis leur découverte en 1991 par un scientifique japonais. Jusqu'à présent toutefois, leurs applications se sont cantonnées à la réalisation de prototypes sans véritable perspective d'industrialisation à court terme. Mais les choses évoluent depuis le début de cette année et il n'est plus interdit de penser que les CNT vont enfin sortir du monde des laboratoires et faire leurs premiers pas dans l'industrie. Autoriser la production de circuits intégrés à base de nanotubes de carbone est société américaine Nantero. Après ainsi l'intention avouée de la une première tentative plus ou moins avortée il y a deux ans, la jeune pousse se dit en effet prête à lancer la production de films minces de nanotubes de carbone sur une large gamme de substrats, le silicium notamment, pour permettre aux sociétés de semi-conducteurs, avec ou sans usine, de tester à moindre risque cette technologie. Et donc d'accélérer la mise sur le marché de dispositifs électroniques à base de nanotubes de carbone. Un capteur de gaz ultrasensible grâce aux nanotubesL'offre des deux partenaires s'adresse à une large gamme d'applications et n'est pas uniquement limitée au domaine des semiconducteurs. Sont ainsi notamment ciblés les cellules solaires, les DEL, les capteurs ainsi que les Mems. C'est d'ailleurs grâce à l'utilisation de nanotubes de carbone que des chercheurs du MIT ont réussi à mettre au point un détecteur de gaz ultrasensible capable de déceler des gaz mortels tels que le sarin. Ce capteur expérimental, qui vient tout juste d'être dévoilé, peut détecter des quantités infimes de l'ordre d'une femtomole (soit un milliard de molécules), le principe reposant sur le changement de conductivité électrique des nanotubes en présence de différentes molécules. Il est constitué de microélectrodes sur lesquelles sont alignés des réseaux de CNT. Le capteur en lui-même ne consomme que 0,0003 W, ce qui ouvre la voie à la réalisation de capteurs à autonomie quasi infinie. Un autre intérêt des capteurs à CNT réside dans le fait qu'il est possible de détecter plusieurs gaz les uns après les autres. Autre exemple d'application récente des nanotubes de carbone, l'américain Unidym, filiale du groupe Arrowhead Research spécialisée sur le sujet, a présenté ce qu'il considère comme le premier écran LCD couleur à nanotubes de carbone lors de la manifestation dédiée à l'affichage, SID, qui s'est tenue du 20 au 23 mai à Los Angeles. Cet écran développé avec la société coréenne Silicon Display Technology met en &oelig;uvre des électrodes à base de nanotubes au lieu des traditionnelles électrodes ITO. Un autre développement, avec Samsung cette fois-ci, a donné lieu à la présentation d'un modèle d'écran à encre électronique lui aussi à base de CNT (voir notre article page 35). De manière plus expérimentale, Nec, entreprise où furent découverts les nanotubes de carbone, a réussi à fabriquer des transistors à CNT sur un substrat plastique. Ces transistors déposés par une technique d'impression seraient caractérisés par une mobilité électronique de 100 cm2/V.s, alors qu'en général les transistors imprimés ne dépassent guère 5 cm2/V.s. Signalons encore les travaux de Fujitsu, qui a réussi à combiner des nanotubes de carbone et du graphène, autre nanomatériau prometteur, ainsi que ceux d'IBM dans le même domaine. les résultats encourageants s'accélèrent depuis janvier 2008Depuis le début de l'année 2008, les résultats encourageants tendent à s'accélérer dans le domaine des nanotubes de carbone un peu partout dans le monde. En février, des chercheurs ont présenté le premier circuit intégré en technologie Cmos doté d'interconnexions à base de nanotubes de carbone. Ce circuit expérimental fonctionnant à 1 GHz a été développé par Toshiba. En mai, les premiers écrans LCD dont les électrodes font appel à des nanotubes de carbone ont fait leur apparition à SID. C'est au mois de juin enfin, que des chercheurs du MIT ont présenté un capteur de gaz mortels ultrasensible grâce à l'utilisation de nanotubes de carbone. Nantero a, lui, annoncé sa volonté de commercialiser sa technologie pour doper les circuits Cmos aux nanotubes de carbone. Deux familles de nanotubes pour toutes sortes d'applicationsIl existe deux familles de nanotubes de carbone, les nanotubes dits monofeuillets (SWNT pour single-walled nanotubes) et les nanotubes dits multifeuillets (MWNT pour multi-walled nanotubes). Les premiers, qui ont par ailleurs tendance à s'agglutiner en faisceaux, sont formés d'un feuillet de graphite constitué d'atomes de carbone placés aux sommets d'un réseau hexagonal enroulé sur lui-même et fermé à son extrémité par deux demi-fullerènes. Les seconds comprennent plusieurs feuillets enroulés concentriquement avec une structure plus complexe aux extrémités. Selon l'orientation des réseaux d'atomes de carbone par rapport à l'axe du cylindre, les nanotubes peuvent être soit conducteurs, soit semiconducteurs. Dans le premier cas, ils supportent des densités de courant beaucoup plus importantes que les métaux classiques (plus de 100 fois). Dans le second cas, ils se caractérisent par une bande de valence qui est inversement proportionnelle au diamètre du cylindre et une mobilité des électrons bien plus importante que celle de n'importe quel autre semiconducteur. Ils se prêtent bien à la réalisation de films minces extrêmement conducteurs et totalement transparents, d'où leur intérêt pour remplacer les classiques électrodes ITO dans les écrans LCD. En tant que semi-conducteurs, les CNT permettent d'envisager la réalisation de transistors imprimables. L'utilisation potentielle des nanotubes ne se limite toutefois pas à l'électronique. Les nanotubes sont également de très bons conducteurs de la chaleur, sont très stables thermiquement et chimiquement, et présentent une résistance mécanique à toute épreuve. Des chercheurs en ont ainsi tapissé le dos d'une puce en silicium, afin d'améliorer d'une dizaine de pourcents le transfert thermique. De son côté, la société Nanocomp a breveté des procédés permettant de produire rapidement des nanotubes de carbone de 100 µm à quelques millimètres de long, propres à être utilisés dans des supercondensateurs.

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