Couverture ElectroniqueS n°127

En ce début d'année 2008, la jeune pousse Sensitive Object ouvrait un salon d'exposition dans ses locaux parisiens. Un espace privilégié pour découvrir par les sens l'essentiel de la technologie tactile que l'entreprise française développe depuis près de quatre ans. L'expression « les murs ont des oreilles » vient de prendre un sens tout particulier depuis début janvier, dans les locaux de Sensitive Object, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), où l'entreprise vient d'installer son showroom. Il suffit de toucher, tables, vitres, panneaux de bois, de verre ou de plexiglas, pour se rendre compte qu'ils sont devenus sensibles au contact. Une véritable vitrine sur ce que pourrait devenir l'habitat de demain. Nous avions déjà présenté la technologie l'année dernière, après sa découverte au salon Display 2007, et même primée la société d'un Electron d'Or l'été suivant (Electronique n° 181, p. 49). Pour en résumer le principe, tout contact sur corps provoque un impact, qui produit une onde, audible ou non, se diffusant dans le support d'une façon particulière, en fonction de l'endroit du contact, de la nature du support (dureté, homogénéité…) et de sa forme. Ainsi, que ce soit un doigt, un stylo ou un coin de pièce de monnaie qui frappe n'a pas d'incidence majeure sur les caractéristiques utiles de l'impact. De ce son qui se définit alors par une signature acoustique, il est possible de déterminer une information de localisation. Pour ce faire, la technique employée par Sensitive Object est dérivée de recherches menées par le Laboratoire des ondes acoustiques (LOA) du CNRS sur le retournement temporel des ondes acoustiques. Dans la langue vulgate, il s'agit d'« écouter » la surface sensible au moyen de capteurs piézo-électriques, et à déterminer la zone touchée, le cas échéant, par comparaison à une base de données. Capteurs, traitement numérique du signal, mémorisation en phase d'apprentissage puis reconnaissance en phase d'utilisation et le tour est joué. Une électronique relativement simple, des algorithmes modestes également en terme de puissance de calcul requise, en font une technologie qui peu à peu se révèle à la portée de bien des applications. Robuste, quasi insensible à l'usure, utilisable en intérieur autant que pour les équipements extra-muros, la technologie ne craint ni la pluie, ni les rayures. Ses seules limites sont la détérioration majeure du support rendu sensible par la technologie, ou l'assourdissement. En effet, si l'écran ou le panneau sont endommagés dans leur structure (par un perte d'un morceau ou une déformation importante), la réponse acoustique est modifiée et nécessite un recalibrage intégral. Quant à la perte de sensibilité des capteurs dans un environnement trop bruyant, le seuil de dysfonctionnement de la solution Reversys est de l'ordre de 120 dB (1) pour une source sonore située à 1,5 m. Autrement dit, sauf casque anti-bruit ou surdité avérée, l'utilisateur éventuel aura atteint ses limites avant la technologie de Sensitive Object. Le français spécialiste de l'haptique (2) a profité de l'inauguration de son showroom boulonnais pour annoncer l'extension de sa gamme d'écrans tactiles SOTouch, jusque-là disponible pour des diagonales de 10 pouces à plus de 52 pouces, de version 12, 15, 17 et 19 pouces. Sensitive Object, financée par Sofinnova Partners à hauteur de 7,5 M d'euros, prévoit un chiffre d'affaires de 1,5 M d'euro en 2007 et vise 20 M d'euros de vente pour 2010, notamment grâce à la vente de licences et d'écrans tactiles. Si le français travaille actuellement sur des applications plutôt professionnelles, avec ses claviers pour le médical, vitrines interactives du commerce ou encore tableaux de bord sensibilisés pour l'automobile, des produits devraient prochainement arriver sur le marché du grand public. Il serait question de kits de « sensibilisation », vendus moins de 200 euros, permettant de rendre presque n'importe quel objet réactif au contact, à l'exception du tapis d'orient ou du fauteuil en cuir du salon. Cela étant, des travaux sont actuellement en cours pour que la technologie acquière une certaine souplesse… vis-à-vis de la souplesse du support. L'entreprise compte aujourd'hui 28 collaborateurs, localisés en France, près de Paris, et à Singapour. (1) Niveau sonore moyen d'un marteau-piqueur, il s'agit également du seuil de douleur de l'audition, le risque de lésions de l'oreille apparaissant dès 85 dB.(2) Du grec haptos, « toucher », nom donné à l'étude de la sensation du toucher tactile et de son interaction avec les applications informatiques.

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