Couverture ElectroniqueS n°127

Atypique, coincé entre le fabricant de composants et le distributeur, le rep, « extension de la force de vente du fabricant », a de plus en plus de mal à prospérer. « Faire appel à un rep coûte moins cher à un fabricant que de recruter un commercial et, a fortiori, que d'installer un bureau de ventes », lance Alain Le Corre, directeur d'Advance Rep et co-dirigeant du rep européen Spectrum. « Tant qu'il ne dispose pas d'infrastructure de ventes dans un pays, le fabricant n'a aucune connaissance de sa clientèle potentielle », renchérit Alain Mathieu, directeur d'Aptech. Selon les termes du contrat liant fabricant et rep, « le rep a pour objectif de promouvoir et développer les affaires du fabricant », rappelle, de son côté, Jean-Claude Chastanet, directeur du rep Avantage Technologies. Dans la pratique, le rep travaille pour des jeunes pousses et des groupes ayant déjà pignon sur rue. « Il a intérêt à se diversifier, car les start-up sont toujours susceptibles d'être rachetées », prévient M. Le Corre dont la société représente quatre fabricants. De toute façon, le rep, qui, à la différence du distributeur, ne possède pas de stocks, est structurellement fragile. Il peut être arrêté du jour au lendemain. Alors que le bureau de vente du fabricant (s'il y en a un) a tendance à travailler en direct avec les grands comptes et que le distributeur prend en charge les petits clients, le rep, lui, démarche surtout les clients potentiels de la catégorie intermédiaire pour laquelle il est nécessaire d'intervenir activement et de consacrer du temps. « Davantage de temps que ce que pourrait investir un vendeur du fabricant qui souhaite que son activité demeure rentable », reconnaît Jacques Le Beguec, directeur général d'Altera France. « Le rep est armé pour adresser de nouveaux marchés réputés difficiles », remarque, quant à lui, Pierrick Quinton, directeur général d'EBV Elektronik France. Le rep travaille la main dans la main avec le fabricant. Chez Xilinx, « dans beaucoup de pays, , le rep gère la distribution », annonce même Arnaud Lacarrière, directeur des ventes pour l'Europe du Sud chez Xilinx. « Le rep et le fabricant fonctionnent comme un couple », résume M. Le Beguec. Prendre en compte la durée de vie d'un matérielCe qui n'empêche pas le rep d'entretenir des rapports étroits avec la distribution qui est « comme les yeux et les oreilles du rep », selon M. Le Corre. Notamment pour l'implantation de nouveaux designs, qui est un travail de longue haleine dont le résultat n'est pas assuré. Durant la période d'installation du produit chez le client, le rep touche une commission de l'ordre de 7 à 9 % sur… « pas grand-chose ». « Quand les quantités augmentent, la commission chute à 5 % », constate M. Mathieu. « Après les quelque 18 mois nécessaires au passage en production d'un design, le fabricant nous octroie pendant encore deux ans ce niveau de commission », estime toutefois M. Le Corre. Au démarrage de son travail pour le fabricant, le rep bénéficie aussi d'une commission sur les ventes réalisées à partir du porte-feuille existant du fabricant. Alors que le rep touche une commission comprise entre 3 % et 10 % des ventes réalisées pour les composants à implanter, il ne reçoit que 1 à 3,5 % sur les ventes de produits dits « commodités ». Le calcul de la commission est complexe : « Chez Altera, il prend en compte le volume des ventes, ainsi que la valeur et le nombre de “ design win ” », indique M. Le Beguec. Il est aussi fonction du projet et du « profil » de la société cliente. « Un équipementier du grand public pourra réaliser plusieurs designs par an, alors qu'une société de l'industriel n'en réalisera qu'un en cinq ans », souligne M. Mathieu. « Il faut environ six mois pour concevoir un téléphone portable, de neuf à douze mois pour un équipement grand public, entre un et deux ans pour un matériel industriel, de trois à quatre ans pour un produit militaire et jusqu'à quatre ans pour un produit automobile », rappelle, pour sa part, M. Le Corre. Dans les faits, la société qui ne réalise qu'un design tous les cinq ans va, en revanche, acheter les mêmes composants durant cinq ans et plus… Partant de ce constat, M. Mathieu souhaite le maintien d'une commission de 8 % tout au long de la durée de vie du produit concerné par un design win. Le travail du rep peut aussi inclure des « objectifs » décidés par le fabricant tels que nouer des contacts… Depuis l'avènement des reps, le montant des commissions a chuté. Dernièrement, elles ont subi de plein fouet l'évaluation de l'euro par rapport au dollar. « Nous avons subi une baisse de revenu de l'ordre de 20 à 30 %, parce que nous payons nos frais en euros et que nous sommes rémunérés en dollars », indique M. Chastanet. Lors du transfert de production d'un équipement incluant un « design win » implanté par un rep, ce dernier prend en général l'initiative quant à traçabilité du design. « Si l'on ne pousse pas notre pion, on peut perdre le design et donc les commissions », remarque M. Le Corre. Pour établir la traçabilité, il se sert toutefois des outils du fabricant. Altera met ainsi « à la disposition du rep comme de tout vendeur interne à la société », son outil CRM (Customer relationship management). Un rep peut ainsi récupérer entre 80 et 90 % de sa commission. Un autre problème auquel se heurte régulièrement le rep est celui de la fin de son contrat avec le fabricant. Ces fins de contrat sont souvent conflictuelles, le rep s'estimant spolié d'une partie de sa rémunération. Aptech est par exemple en procès avec Samsung dont il représentait les microcontrôleurs et certaines mémoires. Dès que deux clients d'Aptech ont, chacun, représenté un chiffre d'affaires important (5 M d'euros), « Samsung a trouvé une excuse pour les reprendre en direct ». « D'une manière générale, la reprise en direct d'un client n'est pas la conséquence d'une augmentation des ventes de ce client, estime cependant M. Le Beguec. Elle est la conséquence d'une internationalisation de l'activité du client que le rep, qui travaille en local, ne peut suivre de manière économique ». En cas de conflit avec des fabricants américains, les contrats – qui sont établis par ces derniers – précisent que le conflit devra être porté devant un tribunal administratif… américain. Encore faudrait-il, même dans ce cas, se considérer comme chanceux. « Les Chinois, les Coréens, les Japonais ne savent pas ce qu'est un rep : ils peuvent vous “ terminer ” avec moins de précautions qu'un Américain », déclare M. Le Corre. Toutefois, un rep français peut faire appel à un tribunal français, « la loi en France protégeant mieux les agents que la loi américaine », précise M. Chastanet.

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