Couverture ElectroniqueS n°127

En électronique de puissance, dont la croissance est évaluée à plus de 7 % par an dans le monde d'ici 2016, l'Europe et la France ont des cartes à jouer par l'innovation en semiconducteurs et systèmes. Tel est l'avis d'Alain Jullien, directeur développement et relations industrielles d'Alstom et acteur de la mise en place de Pearl. L'électronique de puissance a toujours été un parent pauvre de l'électronique, aussi bien concernant les formations que des équipes et des budgets de développement des sociétés. Comment se présente donc son marché dans les années qui viennent ? Alain Jullien (Alstom) : il y a deux domaines d'application principaux qui nécessitent de l'électronique de puissance. Le premier, évalué par une étude que le cabinet Décision a dévoilée sur Décielec, représente environ 6,4 milliards d'euros en 2006 dans le monde et concerne surtout les variateurs de vitesse disponibles pratiquement sur étagère que l'on retrouve par exemple dans les machines-outils, les climatisations industrielles et les alimentations de secours. Ce marché devrait croître d'environ 7 % par an pour atteindre 10 milliards d'euros en 2016. La deuxième concerne des applications spécifiques comme l'aéronautique, l'automobile, le ferroviaire, le naval, les énergies alternatives et d'autres applications de niches. Cet ensemble ne pèse aujourd'hui que 3,8 milliards d'euros au niveau mondial, mais pourrait atteindre 11 milliards d'euros en 2016 avec une très forte implication européenne, soit un triplement en valeur. Comment l'Europe est-elle compétitive sur ces marchés ? L'innovation européenne est-elle opposable aux très faibles coûts de production asiatiques ? Alain Jullien : pour le premier marché cité, de fort volume avec des produits standards et surtout dans les faibles puissances, il est certain que l'Asie va jouer un grand rôle et que la fabrication voire la conception vont s'y développer pour répondre à la baisse des coûts réclamée par les utilisateurs finaux. Mais en aéronautique par exemple, où il s'agit de doter un avion de commandes à moteurs électriques pour l'alléger, l'implication d'Airbus est importante en Europe, d'autant que Boeing s'est déjà penché sur le sujet. En automobile, le véhicule hybride avec des puissances de 20 kW à 80 kW et des tensions de 100 V à 500 ou 600 V est à un stade d'étude avancé avec plusieurs constructeurs européens. En ferroviaire, des améliorations de la propulsion électrique sont attendues pour en réduire le volume et embarquer plus de passagers. Et en énergie alternative, qui a actuellement le vent en poupe, l'électronique de conversion joue un grand rôle pour l'éolien, le photovoltaïque et même la pile à combustible afin d'optimiser le rendement à la fois de ces générateurs et de l'interconnexion avec le réseau classique. Sur tous ces sujets, l'Europe est un pôle d'excellence avec des industriels et des laboratoires de recherche reconnus. L'Asie – surtout le Japon – est bien placée pour les véhicules hybrides, et les Etats-Unis sont meneurs dans le domaine naval avec des bateaux à propulsion entièrement électrique et des programmes de recherche colossaux en la matière. Quels sont les programmes de recherche susceptibles de donner une avancée notable à l'électronique de puissance française ? Alain Jullien : au sein du laboratoire Pearl créé en 2000, Alstom est en première ligne avec des industriels comme Hispano-Suiza, Thales, Avionics Electrical Systems, Safran, et Airbus. Mis en place à l'origine pour le ferroviaire, ce laboratoire vient d'ouvrir sa deuxième tranche de financement à l'aéronautique. La troisième, qui commencera en 2008, pourrait s'étendre à l'automobile. Les travaux menés concernent l'intégration de puissance afin de créer des éléments pour alimenter les marchés spécifiques. L'industrialisation des premiers produits développés commence pour le ferroviaire. Parmi les développements avancés, citons celui de semiconducteurs à carbure de silicium fonctionnant à des températures supérieures à 200 °C, afin de diviser la surface de puce par 3 par rapport au silicium. Si tout se passe bien, le SiC pourrait enfin devenir compétitif d'ici 4 à 5 ans, ce qui permettrait son intégration mécanique au plus près de moteurs thermiques. Avec un objectif de débouché a plus long terme, le diamant synthétique fait aussi partie de nos développements. C'est un matériau qui permettra de remplacer sur nos locomotives le transformateur 4 MW de 5 tonnes nécessaire à la conversion de la tension 25 kV/50 Hz disponible sur les caténaires du réseau SNCF par un transformateur de 500 kg. (*) Pearl : Laboratoire dédié à l'intégration des convertisseurs électroniques de puissance, regroupant le Laas, le LGET/UPS, le LEEI/INPT, le LGP/Enit, le Lesia/IUT/IUPS et le Cirimat, en partenariat avec des industriels.

« L’Europe reste pôle d’excellence en électronique de puissance »

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