Couverture ElectroniqueS n°127

En ce début d'année, les conjoncturistes nous abreuvent de prévisions et la première partie de ce numéro reflète cette avalanche. Partant souvent de constatations différentes, ils aboutissent pourtant à des résultats voisins… Les lecteurs réguliers de cette rubrique le savent : nous adorons ne pas nous couler dans le moule des raisonnements des conjoncturistes, particulièrement dans le domaine du semiconducteur. Non pas que les règles qu'ils invoquent soient fausses, mais parce que nous ne sommes pas sûrs que ces règles en soient vraiment. Ce qui explique, d'ailleurs, beaucoup d'erreurs dans le passé. Retour, donc, sur des affirmations courantes.« Les prix de vente moyens des circuits intégrés sont définitivement orientés à la baisse »Cela n'est pas évident du tout. L'industrie du semiconducteur doit aujourd'hui investir 1,4 $ pour réaliser un ou deux ans après 1 $ de chiffre d'affaire alors qu'autrefois il suffisait d'investir 1 $. Mais ce rapport ne peut pas augmenter indéfiniment. Car, bien entendu, un investissement en dollars correspond de façon concrète non pas à des dollars ou à un chiffre d'affaires, mais à un nombre de puces produites (de plus en plus complexes) à peu près constant. La différence s'explique par une chute des prix de vente moyens des circuits, conséquence de deux phénomènes : les sous-traitants fondeurs ont une meilleure productivité que les fabricants de semiconducteurs et ils ne cessent de monter en puissance ; les équipements des usines sont par ailleurs maintenus en service plus longtemps qu'autrefois. Or, un jour, la part des fondeurs dans la production mondiale finira par se stabiliser et les vieilles usines actuellement maintenues en vie chez les fabricants de semiconducteurs adeptes du « fab-lite » devront être fermées. Il y aura alors un nouvel équilibre et sans doute une remontée des prix comparable aux croissances passées. Il est vrai que ce changement de tendance ne pourra être que très progressif.Les prix de vente moyens ne pourront pas baisser indéfiniment« La croissance du marché du semiconducteur est désormais moindre qu'autrefois »Cette affirmation est très dangereuse. Depuis 1986, par exemple, cette croissance se révèle en fait très régulière (+10 % par an) en nombre de pièces. Ce qui est normal : sur le long terme, la croissance de l'électronique mondiale est d'environ 6 % ou 7 % par an et les stockages certains mois sont compensés par des déstockages les mois suivants. Ce qui a disparu est la relative régularité de la croissance du prix des circuits intégrés, souvent remplacée d'ailleurs par des décroissances sur plusieurs années. Mais il ne s'agit là que d'un problème d'offre et de demande. Si les prix devaient remonter un jour pour les problèmes évoqués plus haut, le marché du semiconducteur reprendrait sa croissance, peut-être pas au même rythme qu'autrefois, (la croissance de la pénétration de l'électronique dans les systèmes n'est pas sans limite), mais pas loin.« Il n'y a désormais plus de cycles du semiconducteur »Nous avons déjà abordé cette question dans ces colonnes. Les fondeurs font en effet office de régulateurs de cycles, grâce, entre autres, à leur vision à moyen terme des besoins réels de leurs clients fabricants de semiconducteurs et donc à la maîtrise de leurs investissements. L'importance et la localisation des stocks sont par ailleurs mieux connues qu'autrefois. Mais si TSMC, qui maîtrise presque la moitié du marché de la fonderie mondiale, devait un jour ne pas tenir ses promesses, c'est tout le système qui s'écroulerait.« Les fabricants d'électronique ont moins besoin de circuits avancés qu'autrefois »C'est en partie vrai. Les technologies les plus avancés possibles, c'est idéal pour diminuer les consommations des circuits, augmenter les rapidités, diminuer le coût des circuits complexes, augmenter les capacités volumiques (dans une carte flash par exemple). Mais cela ne sert pratiquement à rien dès lors qu'il faut augmenter les tensions, les puissances (sauf en Mos), intégrer des fonctions analogiques, réaliser des capteurs ou des actuateurs (Mems…). Des besoins de plus en plus courants. C'est ce qui explique que les vieux équipements de fabrication de semiconducteurs soient exploités plus longtemps qu'autrefois. Mais un vrai prolongement d'exploitation en la matière ne pourrait venir à moyen terme que d'un développement très rapide des Mems.« En 2007, le marché du semiconducteur croîtra entre 8 % et 10 % »Il n'y a guère d'inquiétude à avoir sur la croissance de l'électronique mondiale en 2007 (voir page 6). En nombre de pièces, le marché du semiconducteur devrait donc croître à peu près de 10 %, les fins de déstockages de début 2007 étant compensées par une forte demande au 2e semestre. Concernant le prix moyen des pièces, par contre, l'incertitude est grande. Normalement, la chute des prix moyens devrait être enrayée dès la fin du deuxième trimestre et les ventes de circuits coûteux, dont les microprocesseurs, augmenter à cette même époque. L'année devrait donc se jouer dans les négociations d'augmentations de prix qui auront lieu d'ici avril. Une croissance de marché du semiconducteur d'environ 10 % en 2007 n'aurait en tout cas rien de surprenant.

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