Couverture ElectroniqueS n°127

Alain Dutheil, COO de STMicroelectronics, fait un bilan de la situation de la société suite aux mesures prises en 2005 pour redresser ses comptes. ST a connu de graves difficultés financières début 2005. Où en êtes-vous du plan de redressement ?Alain Dutheil : Les mesures prises dans ce cadre produisent déjà des effets puisque le retour sur actifs nets de la société est passé d'à peu près 1 % au premier trimestre 2005 à environ 10 % au troisième trimestre de cette année. Notre objectif de 12 % n'est pas encore atteint mais notre situation est tout de même maintenant enviable.Qu'a-t-il été entrepris depuis la crise pour redresser la barre et où en sont les actions engagées à cette occasion ?Alain Dutheil : Nous avons pris trois types de mesures : réduire les coûts ; accélérer la croissance de notre chiffre d'affaires ; et réorganiser notre portefeuille produits afin d'améliorer sa rentabilité globale.La première mesure pour réduire nos coûts a été d'accélérer la fermeture de nos usines de circuits intégrés non asiatiques travaillant sur tranches de six pouces, peu productives par nature. Cette action est en voie d'achèvement. Nous avons également décidé en 2005 de réduire nos effectifs européens et américains de 3 000 personnes. Ce plan est terminé.Autre effet favorable : nous avons investi 3,2 milliards de dollars en 2000. Somme qui, comme d'habitude, s'amortit sur six ans. Cette phase de six ans étant terminée l'an prochain, nous supporterons alors 150 millions de dollars en moins dans nos amortissements ; notre résultat net s'améliorera donc d'autant.Autre mesure d'envergure pour réduire nos coûts : l'augmentation des productions en Asie, en zone dollar. En 2006, notre exposition en dollars américains sur les coûts de production est d'environ 65 % (mais 65 % de nos coûts administratifs, frais généraux et R&D sont toujours exprimés en euros ; nous continuons donc à souffrir lorsque le dollar est faible).L'action la plus significative pour augmenter notre marge brute sera toutefois notre réorganisation en mémoires flash. Nous avons décidé, dans ce domaine, d'une part de participer à la consolidation de l'industrie et d'autre part – ce qui est nouveau – de déconsolider cette activité . Quand les mémoires seront « sorties » de nos comptes, notre retour sur actifs nets devrait s'établir progressivement entre 12 % et 20 %, toutes choses étant égales par ailleurs.Et côté augmentation des ventes, où en êtes-vous ?Alain Dutheil : Nous cherchons d'abord à améliorer nos parts de marché dans les zones géographiques significatives pour nos activités comme la Chine et le Japon.Une deuxième mesure concerne nos clients stratégiques, ceux avec qui nous entretenons par contrat des liens très étroits de R&D et de fourniture de produits. Nous souhaitons élargir ce cercle de clients actuels à 13 ou 14 et nous avons bon espoir d'y parvenir.Nous souhaitons enfin élargir notre base de clientèle. Le résultat est déjà là : la croissance annuelle de notre chiffre d'affaires hors de nos 50 premiers clients est de 16 %.La réorganisation de votre portefeuille produits est-elle très significative ?Alain Dutheil : L'objectif de cette action est d'arrêter les lignes de produits qui s'avèrent peu rentables et de réinvestir au contraire sur les produits à fort potentiel. Mille ingénieurs ont ainsi été amenés à arrêter leurs développements et à travailler sur d'autres sujets depuis 2005, dans les secteurs de la communication cellulaire, du grand public, de l'automobile et de l'industriel. Mais la priorité absolue pour nous en matière de recherche est la communication cellulaire. Nous allons d'ailleurs livrer en volume au premier trimestre 2007 notre circuit bande de base 3G monopuce. En grand public, la production de notre puce décodeur MPEG-4 TVHD va passer de 1 million de pièces par trimestre actuellement à 1 million de pièces par mois en 2007. Jusqu'ici, nous avons dû supporter le coût de ces programmes très importants. Mais les ventes, maintenant, suivent.Autre offensive nouvelle : les Mems. Nos accéléromètres, par exemple, rencontrent un franc succès dans les jeux au Japon et nous espérons bien prendre plusieurs pourcents d'un marché qui atteint déjà 2 milliards de dollars. A l'inverse, si nous avons perdu des parts de marché en carte à puce, c'est parce que nous ne souhaitons pas vendre à des prix trop bas. Mais cela ne veut pas dire que nous allons baisser les bras sur ce secteur à fort potentiel. Au contraire.Quelles mesures avez-vous prises pour améliorer vos performances en time-to-market et time-to-volume ?Alain Dutheil : Concernant le premier point, il n'y a pas d'autre solution que de renforcer les équipes de R&D travaillant sur un produit donné. Nous avons donc augmenté nos investissements R&D.Concernant le deuxième point, particulièrement sensible pour les produits avancés, le problème est moins d'avoir les technologies disponibles rapidement que d'atteindre de bons rendements de production dans un laps de temps minimal. Sur ce point, nous ne pouvons que difficilement lutter, avec une production de 2 500 tranches par semaine à Crolles II, contre 10 000 par site chez certains fondeurs comme TSMC. C'est la raison pour laquelle nous faisons appel à la sous-traitance pour les technologies Cmos de base.Depuis 15 ans, la société déclare qu'il lui faudra couvrir 5 % du marché mondial un jour ou l'autre pour vivre dans de bonnes conditions. Est-ce toujours votre objectif ?Alain Dutheil : Tout à fait. Maîtriser le 45 nm par exemple a le même coût, que l'on produise peu ou beaucoup. Il nous faut donc une envergure minimale pour continuer à figurer parmi les leaders technologiques sans que nos investissements soient disproportionnés par rapport au chiffre d'affaires.Avez-vous la volonté d'augmenter la production à Crolles II ?Alain Dutheil : oui. Crolles II est dimensionné pour une production de 4 000 tranches par semaine – contre 2 500 aujourd'hui. Nous discutons actuellement dans le cadre de “ l'Alliance ” pour savoir si nous le ferons à trois, à deux, ou seuls. Mais nous le ferons. Seul l'étalement des investissements dans le temps dépend de ces discussions.Actuellement, Crolles II, c'est 20 % de R&D et 80 % de production. Dans le cadre des dépenses en R&D du groupe, de 400 millions de dollars par trimestre, le tiers est consacré à la technologie. Nous n'avons pas l'intention de baisser ce budget en absolu. Cette recherche reste stratégique pour la faisabilité de nos futurs produits et pour la satisfaction de nos « grands clients ».

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