Couverture ElectroniqueS n°127

Pour Frans van Houten, président et CEO de Philips Semiconductors depuis près d'un an, il est possible de maintenir une activité de production de semiconducteurs rentable en Europe en se focalisant sur l'innovation et la valeur ajoutée. Quel est aujourd'hui le degré d'indépendance de Philips Semiconductors vis-à-vis de Philips ?Frans van Houten : Philips Semiconductors est l'une des cinq divisions de Royal Philips, mais les ventes au groupe ne représentent que 8 % de notre chiffre d'affaires. Notre mission est donc bien de servir avant tout le marché libre. Cela dit, notre appartenance au groupe Philips nous donne accès aux laboratoires de recherche du groupe et nous apporte un savoir-faire applications. Grâce à quoi nous pouvons développer de meilleurs produits que la concurrence. Par exemple, en utilisant l'expérience de notre maison mère en lifestyle, nous pouvons développer des jeux de circuits plus pertinents que ceux de nos concurrents pour construire des téléviseurs. Même chose dans le domaine de l'éclairage, où le passage des lampes à filament aux lampes état solide a des implications sur les circuits de commande de puissance ainsi que sur les circuits RF et microcontrôleurs.En quoi l'activité semiconducteurs, qui ne représente que 15 % du CA de Philips, est-elle stratégique pour Philips ? Pourquoi la garde-t-il ?Frans van Houten : Etre membre de la sphère Philips, cela se mérite : nous devons donc être une société leader et performante. En particulier nous devons améliorer notre marge et dépasser les 5 %. Cela demande des changements, changements auxquels je me suis attelé depuis mon arrivée à la tête de Philips Semiconductors au début de l'année : j'ai décidé de réorganiser la division par marchés, d'être plus ouvert et plus agressif. Il est possible d'augmenter notre marge de 5 % dans les deux ans en augmentant nos ventes et en gagnant des parts de marché dans des domaines ciblés. Pour ce qui concerne la position du groupe, je vous renvoie à l'entretien de notre président Gerard Kleisterlee avec le Financial Times.Quelles sont vos priorités de développement ?Frans van Houten : Notre première priorité va au développement de solutions complètes, et pas seulement de silicium : cela réunit circuits, logiciels, design de référence et même données pour la conception des cartes. Il s'agit d'une condition indispensable pour attirer par exemple les sociétés d'électronique grand public, notamment chinoises et taïwanaises. Cela dit, nous nous focalisons d'abord sur quatre marchés : mobile et personnel, automobile et identification, maison (TV, électronique de loisirs…) et multisecteur. Nous réalisons 34 % de notre chiffre d'affaires dans le premier secteur, 18 % dans le deuxième, qui recouvre nos activités en cartes à puce, et 22 % dans le troisième. Le dernier secteur représente un débouché de choix pour nos circuits standards (microcontrôleurs, puissance, logique).Comment se répartit votre budget de R&D ?Frans van Houten : Notre R&D se répartit horizontalement au travers des quatre domaines d'activités précités, qui se partagent la propriété intellectuelle et les compétences. En ce qui concerne les technologies de fabrication, le partage dépasse notre seule division puisque nous travaillons à Crolles avec STMicroelectronics et Freescale. Le développement des technologies de semiconducteurs représente 25 % de notre budget de R&D, R&D à laquelle nous consacrons 22 % de notre chiffre d'affaires annuel (de l'ordre de 4,5 milliards d'euros en 2004). Concernant les circuits, nous avons des développements importants en RF, bande de base en intégration mixte ainsi qu'en encapsulation, notamment à Caen, avec notre activité SiP.Quelle est votre stratégie pour la production de semiconducteurs ?Frans van Houten : J'ai choisi une stratégie de production asset light, ce qui implique de faire de plus en plus appel à la sous-traitance en fonderie. La part de notre production sous-traitée est aujourd'hui de 20 % et concerne essentiellement les technologies les plus avancées. Mon objectif est de la porter à 30-50 %. De ce fait, toute future augmentation de capacité de production passera par un partenariat. Nous n'aurons ainsi à l'avenir pas d'usine en Chine mais une société de production commune ; nous avons d'ailleurs déjà un partenariat avec le fondeur ASMC ; nous avons aussi une usine commune à Singapour avec TSMC.Et en Europe ?Frans van Houten : Je suis persuadé qu'il est possible de produire de manière compétitive en Europe en se focalisant sur l'innovation ainsi que sur les besoins de nos clients européens. Et cela même avec des technologies relativement anciennes et bien maîtrisées. Maintenir une production en Europe impose toutefois une amélioration de notre productivité et une baisse de nos coûts.Quel est le taux d'utilisation de vos usines ? Comment évolue-t-il ?Frans van Houten : Au troisième trimestre, nos usines ont tourné en moyenne à 81 % de leur capacité, nous avons donc encore de la marge avant d'atteindre la saturation. Cela dit, la technologie la plus avancée en production dans nos usines (hors Crolles) est une technologie Cmos 0,18 µm. Et dans cette plage, les autres usines de par le monde ne sont pas non plus saturées.Comment se comportent vos principaux marchés ?Frans van Houten : Les marchés les plus rentables pour nous sont ceux de l'automobile et les multisectoriels, et les champions en termes de croissance sont les mobiles. Nous nous attendons au quatrième trimestre à une croissance similaire à celle enregistrée au troisième, c'est-à-dire de l'ordre de 7 % séquentiellement. Mais je ne pense pas que la croissance de l'industrie des semiconducteurs dépassera 5 % l'an prochain. Les fondamentaux ne sont pas si positifs que cela.(*) M. Kleisterlee n'exclut pas une vente de la division semiconducteurs si cette division n'arrive pas à dégager une marge supérieure à 5 % (2 % début 2005). Cette vente n'interviendrait pas avant la fin 2006.Quelques chiffres sur Philips SemiconductorsAu troisième trimestre, les ventes de Philips Semiconductors ont, en euros, progressé séquentiellement de 9,5 %, à 1 193 millions d'euros. Ses investissements trimestriels se sont élevés à 85 M d'euros.A la fin septembre, la société employait 35 790 personnes dans le monde. Plus de 850 le sont sur le site de Caen, où Philips dispose d'une ligne pilote pour l'encapsulation SiP.La division semiconducteurs possède trois centres de R&D en France, à Caen, au Mans et à Sophia-Antipolis. Ces trois centres ont largement participé au développement de la solution TV en un boîtier pour le marché des mobiles. Cette solution, compatible DVB-H, a déjà été adoptée par 3 des 5 principaux fabricants de radiotéléphones.

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