Couverture ElectroniqueS n°127

S'appuyant sur les conclusions du rapport Beffa qui devrait être remis dans quelques jours, le président de la République a annoncé le lancement de grands programmes innovants pouvant bénéficier de 2 milliards d'euros d'avances remboursables d'ici 2007. C'est officiel. Le président de la République, Jacques Chirac, a annoncé, lors de la présentation des v&oelig;ux aux “ forces vives ” (c'est-à-dire aux dirigeants patronaux et syndicaux), l'octroi par l'Etat, d'ici à 2007, de 2 milliards d'euros sous forme d'avances remboursables (voir encadré) pour financer une dizaine de grands projets innovants. 500 millions d'euros pourraient être débloqués en 2005, et de l'ordre d'un milliard d'euros les années suivantes. C'est du moins l'objectif affiché, car le succès de cette initiative dépendra essentiellement de l'accueil que lui réserveront les industriels, qui devront prendre à leur charge 50 % du financement, l'autre moitié incombant à l'Etat. En toute logique, ils devraient être favorables à cette initiative. Ce retour aux “ grands programmes ” est en effet espéré par les milieux industriels depuis de nombreuses années, et en particulier par la filière électronique qui avait présenté dans un “ Livre bleu ”, en juillet dernier, ses propres propositions aux pouvoirs publics.En septembre, Jacques Chirac avait décidé de charger Jean-Louis Beffa, p-dg de Saint-Gobain, de conduire une mission au sein de laquelle plusieurs patrons de l'électronique, dont Pierre Gattaz, responsable de la filière, ont collaboré sur la faisabilité d'une telle politique. Le rapport issu de cette mission ne sera remis au président de la République que dans quelques jours (probablement le 17 janvier), mais ses grandes lignes sont déjà connues, puisqu'elles ont été présentées à la presse le 5 janvier dernier.Une “ Agence de l'innovation industrielle ”Ce sont, en quelque sorte, de “ super-projets Eureka ” (purement français dans un premier temps) qui seront lancés, avec l'objectif de mettre des produits sur le marché à court terme ou de développer des infrastructures, notamment dans le domaine des réseaux à haut débit sécurisés, des télécoms ou encore de la pile à combustible. Une grande entreprise, qui devra avoir l'envergure d'un “ champion national ” dans sa spécialité, assumera la responsabilité de chaque programme et s'engagera à faire collaborer des PME et des laboratoires publics, en associant à leur recherche des clients potentiels sur le modèle japonais. Ces programmes devraient durer cinq ou dix ans, et Jean-Louis Beffa plaide pour qu'une dizaine d'entre eux (tous domaines confondus) soient conduits de front.Pour mener à bien cette initiative (définition des projets, sélection des participants, octroi des financements…), une “ agence de l'innovation industrielle ” sera créée, a annoncé le chef de l'Etat. Placée sous l'autorité du Premier ministre, elle devra avoir un budget propre et sera en partie financée par des recettes de privatisations.Compte tenu de la taille des programmes, ils devront être portés par des grands groupes ou un regroupement de PME disposant d'une surface financière suffisante pour atteindre très vite un marché mondial. Pour financer leurs dépenses de recherche ou leurs projets, les PME devront, pour leur part, continuer à se tourner vers l'Anvar (Agence nationale pour la valorisation de la recherche). Cette initiative, pour l'instant franco-française, pourrait devenir plus européenne. Jean-Louis Beffa, qui anime un groupe de réflexion d'industriels franco-allemands (voir notre numéro du 4 novembre 2004), a en effet souhaité qu'elle puisse être rapidement élargie à l'Allemagne.Dans son rapport, M. Beffa insiste sur la nécessité de voir ses projets pris en charge par des “ champions nationaux ”, car il constate que la France perd des positions à l'exportation en raison d'une mauvaise spécialisation. Il estime, en effet, que notre industrie est concentrée sur des produits “ de moyenne ou de basse technologie ”, à quelques exceptions près : ceux qui ont été développés dans le passé grâce à de grands programmes industriels (aéronautique, spatial, ferroviaire, télécoms…). Le problème ne résiderait donc pas dans un retard de l'effort de recherche par rapport à d'autres pays, mais dans une affectation insuffisante aux secteurs de haute technologie.Une politique industrielle européenne pourrait se mettre en placeUn groupe de travail britannique, présidé par David Kynaston, ancien dirigeant de Philips au Royaume-Uni, groupe qui a été constitué en juillet 2003 à la demande des pouvoirs publics afin de revitaliser l'industrie électronique de ce pays, vient d'éditer un rapport intitulé Electronics 2015, sorte de livre blanc de la filière. Qualifiant l'électronique britannique d'invisible et de fragmentée (elle emploie 6 % des effectifs industriels du pays), le rapport préconise de rassembler les différentes organisations professionnelles du pays pour influer sur la politique industrielle, comme l'a fait la filière électronique française. Avec les initiatives franco-allemandes déjà en cours, cela pourrait préfigurer la mise en place d'un axe France-Allemagne-Royaume-Uni qui pourrait jeter les bases d'une véritable politique industrielle européenne. Si une telle action voyait le jour, nul doute qu'elle aurait du poids à Bruxelles. Certains en rêvent déjà…Le système des avances remboursables saura-t-il amadouer Bruxelles ?Compte tenu de la vocation industrielle des futurs “ grands programmes ” préconisés par Jean-Louis Beffa, et bien que ce dernier souligne également l'importance de redynamiser la R&D dans les technologies innovantes (la recherche faisant souvent l'objet de subventions), c'est le système des avances remboursables, équivalant à un prêt à taux zéro, qui a été retenu pour la mise en &oelig;uvre de ces programmes. C'est, en effet, à l'heure actuelle, le seul moyen pour un Etat européen d'avoir une chance de voir ses actions de politique industrielle acceptées par Bruxelles.C'est ce système qui est appliqué par l'Anvar lorsqu'elle aide les PME à introduire des produits innovants sur le marché, ou encore qui est utilisé dans l'aéronautique civile dans le cadre des aides octroyées à Airbus. Notons toutefois que, dans ce cas précis, elles sont contestées par les Etats-Unis ; leur généralisation à l'ensemble de l'industrie risque d'être sujette à des critiques, voire à des objections de la part de certains Etats européens et des Etats-Unis. Bruxelles risque également d'être réticent, car, si Airbus a une dimension européenne et a vocation de priorité au sein de l'Union, il n'en ira pas de même pour les grands programmes qui, du moins dans un premier temps, n'ont qu'une vocation franco-française, et ne seront pas nécessairement liés à des actions prioritaires de l'Europe.Pour être sélectionnés et se voir octroyer ces avances remboursables, le rapport Beffa propose que les projets retenus permettent de développer un produit marchand visant un vaste marché aux plans européen et mondial (au moins 10 milliards d'euros). Les industriels concernés devront, par ailleurs, pouvoir espérer prendre une part significative du marché généré par ces produits (au moins 10 %). Mais ces critères seront-ils suffisants pour être acceptés par Bruxelles ?

La France va lancer des “ grands programmes ” technologiques

Couverture ElectroniqueS n°127

IBM grave les premières puces en 2 nm en abandonnant les FinFET

Zeta, le protocole LPWAN made in China, arrive en Europe

Harting invente le connecteur électronique sur mesure

La France va lancer des “ grands programmes ” technologiques

Dans la même rubrique

Couverture ElectroniqueS n°127

IBM grave les premières puces en 2 nm en abandonnant les FinFET

Zeta, le protocole LPWAN made in China, arrive en Europe

Harting invente le connecteur électronique sur mesure