Couverture ElectroniqueS n°127

Techniquement, la TNT française, qui sera lancée en mars 2005 pour les chaînes gratuites et à partir de septembre 2005 pour les chaînes payantes, n'apportera aucune innovation pour le téléspectateur. Même pas, apparemment, le format 16/9 généralisé. La TNT française ne va pas commettre la grande erreur de tous les programmes TNT qui ont échoué jusqu'ici dans le monde, à savoir proposer uniquement des programmes payants. La nôtre aura 14 chaînes gratuites, soit les 7 chaînes terrestres actuelles, 3 déjà existantes sur câble ou satellite, et 4 nouvelles. Mais ces 7 nouvelles chaînes sur nos râteaux auront-elles un attrait suffisant pour que les téléspectateurs fassent l'effort de s'équiper pour les recevoir ? La transition pourrait bien être plus longue que prévu. Tout d'abord, en mars 2005, 35 % des foyers seulement recevront un signal TNT. Dans la moitié des cas, il faudra apporter une modification à l'antenne, ce qui, lorsque le problème sera connu, risquera de rebuter bien plus les téléspectateurs que les 80 euros d'achat du décodeur : dénicher un installateur compétent est plus difficile qu'acquérir un décodeur qui fonctionne du premier coup (du moins est-ce ainsi que les téléspectateurs risquent de percevoir le problème). Difficulté supplémentaire, la presse va probablement, pendant neuf mois, multiplier des articles pointant le fait qu'il faudra 80 euros pour acquérir un décodeur pour chaînes gratuites en mars, sans doute 160 euros pour acquérir en septembre 2005 un nouveau décodeur adapté aux chaînes payantes, puis encore probablement plus de 150 euros pour un boîtier acceptant aussi le format de compression Mpeg-4 AVC et les services associés en 2006. Que risque de faire le téléspectateur moyen ? Attendre que « tout cela se stabilise »… Notons en outre que, dans les nouveaux programmes, il n'y aura pas de sport, pas de longs métrages, pas de films X qui ont tant motivé les téléspectateurs à s'abonner lors de la naissance de Canal+… La diffusion par satellite bientôt 50 fois moins chers que la TNT Rien d'aberrant, donc, à prévoir un vrai décollage de la TNT gratuite pour la deuxième moitié de 2006. Pour les chaînes existant déjà, cela ne posera pas trop de problème car, pour elles, la TNT est considérée simplement comme un moyen de diffusion supplémentaire, quoiqu'il faille tout de même rappeler que TDF demande de l'ordre de 38 millions d'euros par an pour diffuser un canal analogique sur toute la France aujourd'hui. La diffusion d'un multiplex TNT demandera donc sans doute à terme la même chose, soit 6,3 millions d'euros par an et par chaîne pour les multiplex supportant 6 chaînes : ce n'est pas rien. Mais les quatre chaînes nouvelles, comment feront-elles pour attirer la publicité avec aussi peu d'audience ? Devront-elles aussi émettre par satellite ? 70 % des foyers peuvent d'ores et déjà recevoir les chaînes satellites gratuites pour 100 euros. Côté diffuseurs, émettre une chaîne sur Astra ou Hotbird coûte moins de 0,5 million d'euros par an en Mpeg-2 et ce prix va chuter fin 2004 à moins de 0,1 million d'euros par an en Mpeg-4/H.264 et DVB-S2 ! Alors, pourquoi opter pour la TNT, quand ces 70 % de couverture risquent de ne pas être atteints avec la TNT avant début 2007 ? En outre, à cette époque, la TV sur ADSL se sera sûrement démocratisée. Les nouvelles chaînes de la TNT auront-elles donc les moyens de s'offrir ce « luxe » TNT ? Quant à la télévision payante, prévue pour septembre 2005, ses chances de succès sont au moins aussi incertaines à ce jour : aucune chaîne nouvelle n'existant pas déjà sur le câble, le satellite ou l'ADSL ne sera proposée a priori. Par ailleurs, les distributeurs de ces chaînes ne sont toujours pas trouvés, et le problème de cryptage commun éventuel n'est pas encore résolu (le CSA estime que ces problèmes sont des affaires qui relèvent du privé). Pour notre filière électronique en tout cas, il faut impérativement saisir une perche tendue par le CSA à tous ceux qui veulent réaliser des expérimentations en DVB-H sur le canal TNT encore vacant. La conférence de presse du CSA sur la TNT a montré une chose : ceux qui manifestent de l'intérêt pour la TNT et qui ont des propositions à faire sont écoutés ; mais ce n'est pas le CSA qui viendra chercher lui-même les bonnes idées existantes, quelles que soient les compétences derrière… Quant à traiter du thème « que faire si notre TNT échoue ? », nous avons encore un peu de temps devant nous. * Directeur de la rédaction d'Electronique International Hebdo

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