Couverture ElectroniqueS n°127

Le système d'exploitation Linux sort définitivement de son statut de solution marginale. Dans son sillage, c'est tout le phénomène Open Source qui gagne ses lettres de noblesse dans les entreprises. Mais, sur le salon, les solutions pour les systèmes embarqués ne sont plus présentes. Linux rencontre indéniablement un succès de plus en plus affirmé au sein des entreprises, notamment au niveau des serveurs. Dans ce secteur, selon une étude d'IDC, 10 % de serveurs livrés en 2004 seront équipés d'un système Linux. En 2007, selon le Gartner Group, 20 % du chiffre d'affaires mondial des systèmes d'exploitation pour serveurs sera détenu par Linux. C'est sur cette vague prometteuse que le salon Solutions Linux bâtit son succès. Ainsi cette année, les grands noms du logiciel étaient présents : IBM, Novell (qui a réalisé l'acquisition de la distribution allemande Suse l'année dernière), Hewlett-Packard, Red Hat, Sun Micro-systèmes et Oracle.Au niveau des postes de travail, la situation est bien évidemment très différente, Windows détenant plus de 90 % de parts de marché. Néanmoins, la situation évolue. Sun présentait, par exemple, Java Desktop System, une offre qui intègre un système Linux accompagné d'une suite bureautique complète. Red Hat de son côté propose une offre similaire avec Red Hat Professional Workstation. Grâce au coût de licence très faible de Linux, des architectures autrefois entièrement propriétaires deviennent concurrentielles. C'est le cas notamment des calculateurs temps réel de Concurrent Computer qui deviennent compétitifs avec les traditionnelles stations de travail. La société profitait du salon pour annoncer que son système Red Hawk Linux (une version temps réel de Linux) fonctionne d'ores et déjà sur des architectures 64 bits d'AMD. C'est dans ce domaine des applications relativement autonomes (c'est-à-dire avec des besoins en connectivité limités) mais nécessitant des puissances de calcul élevées que Linux devient incontournable.Les annonces des serveurs lames de la société française Dataswift (jusqu'à dix serveurs dans un châssis) ou des serveurs de calcul intensifs d'Unika vont dans ce sens.Au final, cette édition consacre l'orientation du salon Solutions Linux vers les solutions d'entreprise au détriment des solutions embarquées. Alors que l'année précédente, MontaVista et le français Jaluna étaient les deux seules sociétés qui représentaient ce marché, cette année, il n'y en avait plus aucune. La preuve sans doute que Linux n'est plus un phénomène en soi, mais une solution comme une autre qui se développe dans plusieurs secteurs d'activité en concurrence avec les solutions existantes.Le salon virtuel du Linux embarquéSi le monde de l'embarqué avait été présent sur le salon, les visiteurs auraient pu s'informer sur le nouveau noyau Linux 2.6, introduit officiellement en octobre dernier. Cette version est une évolution importante du noyau Linux : il est doté désormais de caractéristiques temps réel (avec notamment l'insertion de points de préemption dans le noyau) ; il est capable de fonctionner sur des microcontrôleurs (sans MMU) ; enfin il dispose de facilités pour les opérations de portage entre différentes architectures (Electronique n°141, p. 16). Les visiteurs auraient pu, dans le même temps, évaluer la première distribution commerciale basée sur ce noyau réalisée par LynuxWorks avec son système BlueCat Linux 5.0. Ils auraient ensuite appris que la suite de développement Momemtics de QNX (basée sur le projet Open Source Eclipse) fonctionne maintenant sur des stations hôte sous Linux. Comme le système d'exploitation Neutrino de QNX supporte l'API Posix, au même titre que Linux, ceci permet de faire du prototypage et du test de code très en amont avant que la cible matérielle ne soit disponible.Quelques stands plus loin, ils auraient pu comparer les solutions proposées par Metrowerks (filiale de Motorola qui a absorbé Linéo l'année précédente) ou par TimeSys (toujours pas représenté en France) concernant des suites d'outils de développement intégrés pour des applications embarquées sous Linux. Le premier, avec sa suite CodeWarrior, offre : le support de l'architecture Zaurus de Sharp (architecturé autour du processeur XScale) pour le développement d'assistants personnels (PDA) ; la possibilité de réaliser du débogage au niveau noyau sur les processeurs Arm fonctionnant sous Linux ; le support du processeur PowerQuicc III de Motorola ; ainsi qu'un outil de création de BSP pour des applications sous Linux. Le second, avec sa suite Time-Storm Linux, propose : un outil de vérification et de test du code Linux (avec plusieurs dizaines de tests prédéfinis) ; un environnement de développement adapté (construction d'un noyau Linux, configuration des fichiers systèmes, accès à des BSP de référence) ; enfin un outil de débogage (avec une interface Jtag et l'utilisation de gdb).Ces mêmes visiteurs auraient sans aucun doute fait un arrêt sur le stand de MontaVista, devenu incontournable sur ce marché des distributions Linux pour l'embarqué. La société aurait présenté sa nouvelle plate-forme pour les équipements électroniques grand public (Linux Consumer Electronics Edition v.3.1). Celle-ci, basée sur le noyau 2.4.20 (la version basée sur le noyau 2.6 est prévue pour la fin de l'année), apporte un mécanisme de protection contre la corruption des données (Protected Ram File System), la possibilité de débogage des applications XiP (Execute in Place) et intègre le nouvel environnement de développement DevRocket basé sur le projet Open Source Eclipse.Enfin, le clou du salon aurait été la présence de Wind River Systems, qui désormais ne fait plus mystère de son engagement radical vers Linux. Après avoir annoncé le support de Linux pour ses outils de débogage (notamment les sondes Vision Probe II, voir Electronique n° 142, p. 12), la société a franchi un pas décisif en annonçant un accord de partenariat avec Red Hat Software. L'objectif est ni plus ni moins que de proposer aux développeurs un environnement intégré basé sur une solution Linux embarqué (Actualité, p. 10).Bref, ce salon aurait été riche d'enseignements pour les visiteurs. Mais rien n'est perdu : le prochain salon RTS, qui a lieu à Paris, porte de Versailles, du 30 mars au 1er avril, devrait permettre de rencontrer la plupart des sociétés impliquées dans la diffusion de solutions autour de ces applications embarquées sous Linux.

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