Couverture ElectroniqueS n°127

Si le commerce électronique a enfin décollé en France sur le Web, ce n'est pas le cas pour les contenus et services de faible montant. D'où l'idée de l'Association pour le commerce et les services en ligne (Acsel) de transposer le modèle économique du minitel sur la Toile. Etat des lieux. Le commerce électronique revient… par la grande porte ! Quatre ans après l'éclatement de la bulle Internet, le commerce en ligne représente désormais une composante essentielle de l'économie de marché. Y compris en France. Les chiffres sont formels : l'an dernier, le chiffre d'affaires réalisé dans ce secteur s'est élevé à près de 5 milliards d'euros, soit une croissance estimée entre 50 % et 70 % par rapport aux ventes réalisées l'année précédente. Pour mémoire, 5 milliards d'euros, c'était ce que pesait la vente par correspondance avant qu'Internet ne montre le bout de son nez… Cette année, le chiffre d'affaires des marchands du Net pourrait atteindre entre 7 et 8 milliards d'euros dans l'Hexagone. La banalisation de l'Internet, la forte pénétration de l'accès haut débit en France, la confiance croissante du grand public dans ce nouveau mode de consommation et l'amélioration des protocoles de sécurité quant au paiement en ligne expliquent le phénomène. Pourtant, et c'est là un paradoxe, si les professionnels des services en ligne et de la distribution à l'exception notable du secteur alimentaire envisagent désormais l'avenir avec sérénité, il est un marché qui végète et peine à décoller. C'est celui des contenus et services de petits montants dédiés à la communication (services de messagerie, stockage en ligne…), à l'information (actualités, sport, météo, etc.), au divertissement (musique, vidéo, charme…) ou à l'information professionnelle (solvabilité des entreprises, informations boursières, juridiques…). Autant de services qui prospéraient sous le règne du kiosque minitel et qui, aujourd'hui, décroissance du minitel aidant, ne disposent plus d'un levier adapté et sont incapables d'offrir une rentabilité suffisante.D'où l'idée à laquelle travaille depuis plus d'un an l'Acsel, l'Association pour le commerce et les services en ligne : recréer le minitel, ou plutôt l'esprit du minitel, en proposant un kiosque adapté au Net qui serait ouvert à tous, quel que soit le fournisseur d'accès, et dont les services seraient facturés par l'opérateur avec reversement au prestataire de services selon une grille tarifaire définie par les différents partenaires. Ce projet, baptisé Internet+, pourrait voir le jour dès la fin de cette année.Dans un livre blanc intitulé Services en ligne : modèles économiques et services de paiement, l'Acsel rappelle que les études qui avaient été faites en préalable au lancement du porte-monnaie électronique Monéo « faisaient état de dépenses de faible montant par les ménages qui s'établiraient autour de 80 milliards d'euros par an. Sur ces 80 milliards d'euros, une étude effectuée pour le compte du Groupement des cartes bancaires sur les montants de services et de contenus susceptibles d'être dépensés en ligne montrait que le marché potentiel se situerait autour de 5 milliards d'euros par an. » L'association, plus prudente, estime toutefois que « le potentiel du marché des contenus et des services en ligne en France devrait s'établir entre 2,5 et 5 milliards d'euros en 2007 ». Pourtant, si l'existence de ce marché potentiel n'est donc plus à démontrer, les moyens d'en recueillir les fruits manquent encore. A l'exception de la téléphonie mobile, secteur où les opérateurs parfois, d'ailleurs, avec le concours de l'Acsel dans le cas des SMS+ ! ont repris à leur compte le concept du minitel et de son kiosque, il faut bien se rendre à l'évidence que cette manne reste pour l'heure largement sous-exploitée.Définir une plate-forme communeSur le Net, et dès lors qu'il s'agit de petits paiements, les protocoles de règlement abondent. Malheureusement, souligne l'Acsel dans son livre blanc, « l'absence d'une solution universelle de paiements à l'acte de petits montants, simple d'utilisation, est unanimement considérée comme un frein majeur au développement du marché ». Et Henri de Maublanc, président de l'Acsel, de suggérer une analogie : « Le succès de la carte bancaire est dû fondamentalement au fait que, quelle que soit la banque, elle est identique, simple d'utilisation et lisible dans n'importe quel DAB ou lecteur agréé par le Groupement des cartes bancaires. » D'où la nécessité pour l'Acsel de définir une plate-forme commune en réunissant autour d'une table les acteurs concernés : les trois grands opérateurs de télécommunications (France Télécom, Cegetel/SFR, Bouygues Télécom) et les quatre principaux ISP (Wanadoo, Tiscali, Club Internet et AOL). « Techniquement, ce projet est très facile à mettre en &oelig;uvre. Quant à son ergonomie, c'est encore plus simple car tous les Français connaissent le système kiosque », assure M. de Maublanc.Les négociations semblent désormais bien avancées. « Certes, les ISP avaient au début plutôt tendance à considérer que leurs clients n'étaient “ que ” leurs clients. Mais, depuis un an, cette situation s'est clarifiée », se réjouit le patron de l'Acsel. Le principe de la mise en place de services pour des transactions se situant dans une fourchette de quelques centimes d'euros à 3 euros maximum et s'adressant d'autre part à des marchés de volumes est par ailleurs acquis.« La particularité des systèmes kiosques tient au fait que c'est l'opérateur ou le FAI qui facture le client pour le compte du prestataire. Au-delà d'un certain montant, l'opérateur ou le FAI risque d'être pénalisé par “ l'effet facture ” », souligne le président de l'Acsel, qui rappelle par ailleurs que ni la Banque de France, ni les banques en général ne toléreront un niveau de monnaie dématérialisée trop élevé : « La facturation pour le compte de tiers n'est pas bien acceptée par le milieu bancaire lorsqu'elle dépasse certaines limites », glisse M. de Maublanc. Enfin, l'Acsel milite pour un système permettant plusieurs modes de facturation (paiement à l'acte ou à la durée), « l'essentiel étant que l'information pour le consommateur soit totalement transparente ».Certes, pour le président de l'Acsel, tous les obstacles ne sont pas encore levés. « Nous devons encore convaincre certains FAI ; il nous faudra ensuite créer une association Internet+, puis discuter des tarifs et du coût de l'intermédiation effectuée par les opérateurs. » Ces deux derniers aspects figureront à coup sûr parmi les points délicats à régler lors des négociations. La chaîne de valeur est déjà bien chargée et d'autres intermédiaires vont venir encore s'y rajouter, notamment dans le cas du marché de la musique (ayants droit, producteurs, opérateurs de gestion des droits). « Le problème principal est d'arriver à mettre d'accord les FAI tout en veillant à ce que l'opérateur technique chargé de réaliser le kiosque ne prenne pas une part trop importante dans cette affaire. C'est un peu une bataille de marchands de tapis », avoue le patron de l'Acsel.Tarification, coût de l'intermédiation, répartition des revenus entre opérateurs, FAI et prestataires de services : « Tout cela prendra du temps. L'objectif étant de présenter un projet viable pour la fin de l'année 2004 », lâche Henri de Maublanc.

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