Couverture ElectroniqueS n°127

Pour François Bus, fondateur de la société de conseil en stratégies industrielles internationales Framatech, diminuer le coût de revient des produits passe entre autres par une augmentation globale des volumes de production, et non par une simple délocalisation des sites nationaux vers les pays à faible coût de main-d'&oelig;uvre. En tant que spécialiste des stratégies industrielles internationales, quel regard portez-vous sur les délocalisations de productions vers les pays à faible coût de main-d'&oelig;uvre ?Les productions nationales sont trop souvent considérées a priori comme non compétitives. Alors que de nombreuses possibilités de réduire les coûts existent, c'est la délocalisation qui est choisie. Or cette solution ne prend en compte qu'une faible partie du potentiel de réduction des coûts.L'impact de l'arrêt de la production d'un produit peu rentable sur les coûts de revient des autres produits de l'entreprise est par exemple souvent mal appréhendé. Une perte de volume provoquée par une délocalisation ou une sous-traitance se traduit en effet systématiquement par une augmentation du prix des achats, de l'amortissement des équipements communs et des frais fixes de l'entreprise : il y a forcément des dépenses qui ne sont pas supprimées ; sans compter les frais supplémentaires de logistique et ceux nécessaires au pilotage d'une usine à distance, toujours sous-estimés.Délocaliser, et donc fermer un site de production national, ne devrait rester qu'une solution de catastrophe. Un peu comme amputer une jambe gangrenée qu'on ne saurait plus soigner. L'idéal est bien évidemment d'anticiper : trop peu d'entreprises ont en fait une vraie stratégie industrielle. Il faut absolument sortir de ce schéma, et il est encore temps de le faire pour beaucoup d'entre elles.Concrètement, quelles solutions proposez-vous aux industriels européens pour rester compétitifs face aux pays à faible coût de main-d'&oelig;uvre ?Les possibilités de réductions des coûts que l'on peut mettre en place dans des délais très courts sont d'ordre technologique, méthodologique ou économique. La plupart des sociétés, y compris les plus performantes, n'utilisent qu'une faible partie de ces possibilités. Ce qui veut dire qu'en utiliser quelques-unes non mises en &oelig;uvre par les concurrents suffit à se repositionner sur le marché. Il faut ensuite se dégager des idées préconçues, arrêter de dire qu'une activité française n'est bonne que pour sa matière grise (la R&D) et que les gros volumes ne sont pas pour nous : l'augmentation des volumes représente le paramètre le plus important dans la réduction des coûts de revient. Il faut donc non seulement garder les volumes, mais il faut aussi être capable de les augmenter, notamment pour obtenir de meilleures conditions d'achat de la part des fournisseurs. Rappelons que, dans les coûts de revient, la seule incidence “ achats ” représente en général plus du double de l'incidence “ main-d'&oelig;uvre ”.Il convient donc de recenser toutes les possibilités de réduction des coûts, de mettre en &oelig;uvre celles à effet à court terme, et de profiter de l'augmentation des ventes qui en découle pour, sans toucher au site national, implanter de nouveaux sites à l'étranger, en particulier, naturellement, dans les pays à bas coûts. L'intérêt d'implanter un site en Chine, par exemple, est alors double : fournir le marché local d'une part, et faire baisser d'autre part le prix des achats de composants pour l'ensemble des sites par une augmentation générale des volumes. Cette augmentation des volumes peut d'ailleurs permettre d'automatiser la production, et donc de faire baisser également les coûts de main-d'&oelig;uvre. Par ailleurs, produire dans différentes zones monétaires présente l'intérêt d'équilibrer le montant des dépenses et des recettes dans chaque zone de façon à pallier les fluctuations des taux de change.Cette théorie ne s'applique toutefois que si les ventes augmentent suffisamment pour saturer l'ensemble des capacités de production installées. N'est-elle donc pas conditionnée par une forte dynamique d'innovation de l'entreprise ?Non, si, comme c'est l'habitude, l'innovation n'est pensée qu'en termes de produits. Oui, si l'innovation est pensée aussi en termes de techniques de fabrication et de méthodes de gestion. Il ne faut pas oublier qu'à performances égales c'est le produit le moins cher qui a la préférence, et qu'à prix égal c'est le produit le plus performant qui sera privilégié. Dans le premier cas, il s'agit d'innovation process et méthodes; dans le deuxième cas, il s'agit d'innovation produits. Mais rien n'interdit de cumuler les deux.

« Pour baisser vos coûts de revient en France, produisez plus »

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