Couverture ElectroniqueS n°127

Jim Ready, fondateur et CEO de MontaVista Software, fait le point sur 2003, une année charnière pour sa société, qui est devenue en cinq ans le principal éditeur de Linux pour l'embarqué et qui pourrait devenir bénéficiaire en 2005. Que pense une société comme MontaVista, présente depuis 1999 sur le marché des distributions Linux pour l'embarqué, de l'engagement récent de Wind River envers l'OS libre ? Cela ne peut que nous satisfaire ; car c'est une preuve irréfutable de la percée de Linux sur la plupart des secteurs de l'enfoui. Mais MontaVista, qui est aujourd'hui le principal distributeur de Linux pour l'embarqué, a l'avantage de n'avoir jamais modifié ni sa stratégie, ni son business model. Nous sommes depuis l'origine 100 % Linux et 100 % Open Source, et notre modèle économique s'appuie toujours sur la commercialisation de support et de services sous forme de souscriptions annuelles. Et cette stratégie commence à porter ses fruits. MontaVista a terminé son année fiscale 2003 sur un chiffre d'affaires en progression de 77 % par rapport à l'année précédente. Une progression qui nous situe sur le marché des OS embarqués derrière Wind River, Microsoft et Symbian, et devant des éditeurs d'OS temps réel comme QNX ou Enea Embedded Technology. Par ailleurs, lors du dernier trimestre, nous avons dégagé un cash-flow positif pour la première fois de notre histoire, en avance de phase par rapport à nos objectifs. D'un point de vue strictement financier, nous n'avons donc plus besoin de lever des fonds auprès d'investisseurs externes. Ces signes positifs me font penser qu'en 2005 MontaVista sera une entreprise bénéficiaire. Quelle est la répartition géographique de votre chiffre d'affaires ? L'Asie et le Japon en particulier est la zone géographique où Linux remporte le plus de succès, ce qui n'est guère étonnant vu l'intérêt que les géants de l'électronique grand public comme Matsushita, Sony ou Toshiba portent à l'OS libre. Ces trois sociétés sont d'ailleurs présentes dans le capital de MontaVista. Nous travaillons aussi avec le forum japonais T-Engine afin de développer une solution qui combine un Linux embarqué et Tron, l'exécutif temps réel dominant au pays du Soleil-Levant. En fait, MontaVista réalise actuellement la moitié de son chiffre d'affaires dans la région Asie-Pacifique. Les 50 % restants se répartissent entre l'Amérique du Nord, qui représente environ 35 % de notre CA, et l'Europe. En termes de marchés, comment se répartissent les activités de MontaVista ? Elles se répartissent à égalité entre trois secteurs : les équipements réseaux et télécoms, les produits d'électronique grand public (terminaux de radiocommunications mobiles compris) et l'embarqué générique, qui englobe l'industriel, l'instrumentation et la mesure, le médical, etc. Pour nous, ces trois marchés revêtent une importance identique car il est absolument nécessaire d'avoir la base de clients la plus large possible. C'est pourquoi nous avons développé et continuons à enrichir MontaVista Linux Professional Edition, une distribution Linux embarquée aussi peu spécifique que possible. Elle est complétée par deux produits qui s'adressent à des marchés où l'OS libre gagne rapidement du terrain. Carrier Grade Edition (CGE) est dédié aux équipements d'infrastructures télécoms de classe opérateur et Consumer Electronics Edition (CEE) vise les terminaux d'électronique grand public. Nous estimons toutefois qu'un éditeur d'OS embarqué ne doit pas spécialiser à outrance son offre en y ajoutant des piles logicielles de son cru, adaptées à tel ou tel type de produit. Cette stratégie implique en effet des efforts de maintenance et de suivi qui peuvent s'avérer handicapants pour l'ensemble de l'entreprise. Les risques d'entrer en concurrence avec des fournisseurs de middlewares spécifiques sont également multipliés. MontaVista, pour sa part, est un éditeur “ horizontal ” et préfère développer une politique de partenariats impliquant les fabricants de circuits, les fournisseurs de middlewares et les développeurs d'applications.Un certain nombre de concepteurs de systèmes embarqués pro-Linux semble préférer une version gratuite directement téléchargée du Web plutôt qu'utiliser une distribution dite “ commerciale ” telle que celle que vous proposez. Qu'en pensez-vous ? Il est très simple de démarrer et d'évaluer un projet avec Linux, mais c'est nettement plus difficile pour un fabricant de matériels électroniques de baser toute sa stratégie logicielle sur l'OS libre. Suivre le développement de Linux, ses mises à jour et ses correctifs, tester et valider sa déclinaison au fur et à mesure de l'évolution de l'OS ne sont pas une mince affaire et ce choix peut vite s'avérer coûteux. Beaucoup de concepteurs vont se rendre compte qu'il est nettement plus économique de faire confiance à un éditeur de Linux embarqué. Il faut bien voir que la distribution MontaVista et l'environnement de développement associé DevRocket représentent plus de 40 millions de lignes de code à gérer ! Je tiens d'ailleurs à pointer le fait que DevRocket, disponible depuis fin 2003 pour MontaVista Linux Professional Edition et depuis quelques semaines pour l'édition CEE, nous permet aujourd'hui d'attirer les développeurs habitués à travailler sur stations Windows et non plus seulement les développeurs du monde Linux. Justement, l'édition MontaVista Linux CEE vise le marché des radiotéléphones évolués, qui s'ouvre tout doucement à l'OS libre. Mais Linux ne risque-t-il pas d'être cantonné comme Windows Mobile au créneau très haut de gamme des smartphones ? C'est vrai. Linux ne dispose pas aujourd'hui des caractéristiques temps réel qui lui permettraient de prendre en charge les fonctions purement téléphoniques. Un terminal mobile sous Linux doit donc intégrer deux processeurs Risc et un exécutif temps réel supplémentaire, ce qui cantonne forcément l'OS libre au créneau des smartphones. Mais nous travaillons sur le sujet et Linux sera bientôt à même de répondre aux besoins des feature phones, ces radiotéléphones aux fonctions évoluées qui offrent le plus d'opportunités aux éditeurs d'OS embarqués.

« MontaVista prouve que l’on peut réussir sur le marché des Linux embarqués »

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