Couverture ElectroniqueS n°127

Certes, un début de reprise est amorcé. Mais pour Ken Fleck, fondateur du cabinet d'études Fleck Research, l'érosion des prix d'environ 10 % prévue en 2003 est en train de devenir un “ standard ” pour l'industrie de la connectique. Un véritable désastre pour ce secteur. Vous évoquez une érosion moyenne des prix de 10,8 % pour 2003. Pouvez-vous nous donner des précisions ?Je fractionne la connectique en quatre catégories de produits. La première catégorie, celle des produits propriétaires, définis comme monosources et qui comptent pour environ 15 % du marché global de la connectique, ne va subir qu'une très faible érosion des prix en 2003. En ce qui concerne la connectique semi-propriétaire, pour laquelle il n'existe pas plus de cinq fournisseurs, ces derniers se sont rendu compte qu'ils pouvaient maintenir des prix quasiment stables cette année. L'érosion ne dépassera pas ici 1 % ou 2 %, au pire. Pour la troisième catégorie, celle des connecteurs “ customisés ” , l'érosion est plus importante car plusieurs fabricants sont en mesure de fournir ce genre de produits. Je l'estime entre 5 % et 7 % en 2003. Mais pour les produits dits “ commodités ” , fabriqués principalement dans les pays à bas coût de main-d'&oelig;uvre comme la Chine, le Mexique et l'Europe de l'Est et qui représentent plus d'un tiers du marché, les choses se corsent avec des érosions de 20 %, 25 %, 30 %, 35 % et même 40 % dans certains cas. Deux raisons à cela : les fabricants chinois essaient de conquérir les marchés américains et européens en offrant des prix défiant toute concurrence, et les OEM exercent des pressions énormes auprès de leurs fournisseurs pour baisser leurs prix. L'un des plus gros fabricants américains d'ordinateurs essaie, par exemple, de réduire ses prix de 7 % par trimestre !L'érosion des prix va-t-elle perdurer en 2004 ?Je pense non seulement qu'elle va se maintenir à ce niveau l'an prochain mais qu'elle va perdurer durant plusieurs années à un rythme de l'ordre de 10 % par an. Il y a cinq ans, tout le monde disait : “ Comment les prix peuvent-ils encore baisser ? ” C'est pourtant arrivé et cela va continuer. C'est une vraie calamité pour les fabricants de connecteurs, qui ont vu leurs marges fondre comme neige au soleil. Les marges de sociétés cotées telles que Molex sont aujourd'hui plus faibles qu'elles ne l'étaient il y a dix ans.Comment donc les connecticiens résistent-ils ?Là encore, il convient de diviser l'industrie en plusieurs catégories. Certains fabricants ne sont pas du tout affectés par l'érosion des prix. Ceux, par exemple, qui fournissent, bien souvent en monosource, des composants de niche à haut degré de technicité et de fiabilité, à intégrer dans des produits finis extrêmement coûteux. C'est par exemple le cas dans certaines applications militaires ou médicales. J'ai récemment visité une usine en Californie spécialisée dans les câbles assemblés pour avions de chasse et missiles dont certains peuvent être facturés 2 400 dollars pièce. La production de ce genre de câbles assemblés ne sera jamais délocalisée en Chine. Il y a ensuite les grands généralistes de la connectique qui disposent d'une gamme de plusieurs milliers de produits. Tyco Electronics, Molex, Amphenol ou FCI en sont des exemples. Ces derniers parviennent à limiter la casse en termes d'érosion des prix car les connecteurs standards ne représentent que 15 % d'une production qu'ils délocalisent en grande majorité vers la Chine. Tyco, Molex, Amphenol ou FCI disposent ainsi de plusieurs usines dans ce pays. Ces grands généralistes compensent, par ailleurs, la forte érosion des connecteurs standards grâce à des marges beaucoup plus élevées et des prix stables ou presque sur d'autres gammes de produits à forte valeur ajoutée. Enfin, il y a toutes les sociétés, et elles sont nombreuses, qui subissent de plein fouet l'érosion des prix liée à la production chinoise. C'est la raison pour laquelle le private label s'est récemment développé. Le principe ? Prospecter en Chine pour trouver un fabricant local qui accepte le discours suivant : “ Fabriquez ce produit pour nous et réservez votre ligne de production pour nos besoins ; nous contrôlerons la qualité des produits et, si elle est satisfaisante, nous les estampillerons à notre nom et les vendrons à nos clients. ” Il s'agit d'une pratique très répandue aujourd'hui.Quel est actuellement le taux d'utilisation des usines de connecteurs ?Avec le retour de la demande, le taux d'utilisation a sensiblement augmenté depuis le début du second semestre. Je l'estime actuellement à 65 %, en moyenne. Pour les ténors de la connectique, il se situe plutôt aux alentours de 75 %. Les stocks ont d'ailleurs bien fondu et sont désormais sous contrôle. Ces conditions ne suffisent cependant pas à rendre le marché tendu. Je pense qu'il faudra attendre un taux d'utilisation des usines de l'ordre de 85 % avant de constater un étirement des délais de livraisons.Vous rentrez d'un déplacement en Chine. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lors de ce voyage ?Deux choses particulièrement. La première est la multiplication des salons liés à l'électronique. Ils pullulent littéralement, à l'image de la croissance de l'électronique dans ce pays. Mais j'ai surtout été impressionné par les ouvrières travaillant dans les usines de montage de câbles assemblés qui sont capables d'accepter des charges de travail énormes autant que pénibles. Leur concentration sur leur tâche est totale et leur aisance à effectuer des gestes répétitifs à une vitesse incroyable est saisissante. En plus d'être bon marché (salaire entre 55 et 85 dollars par mois en moyenne pour un ouvrier travaillant 3 700 heures par an), la main-d'&oelig;uvre chinoise est également la plus productive au monde. Sur les chaînes de montage, une ouvrière chinoise peut en moyenne réaliser 96 câbles assemblés Sub-D 25 positions à l'heure. Au Mexique, la moyenne est de 68 câbles assemblés à l'heure.Il semble que les partenariats technologiques aient remplacé les acquisitions de sociétés depuis deux ans.Si elles sont moins visibles, les acquisitions de sociétés sont toujours d'actualité avec un rythme d'environ 20 à 30 chaque année, aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe ou en Asie. Certains grands de la connectique ont, par exemple, récemment acheté des sociétés chinoises. Mais les grosses acquisitions ou fusions telles que celles que nous avons connues il y a quelques années, à l'image de FCI et de Berg, sont aujourd'hui peu probables. Les acquisitions sont désormais plus ciblées et ont davantage l'objectif soit d'acquérir des gammes de produits qui faisaient auparavant défaut à l'acquéreur, soit de se repositionner dans certaines zones géographiques. On voit également se développer, effectivement, de nombreux partenariats technologiques. On se souvient notamment de ceux entre Tyco et FCI ou Molex et Teradyne, pour ne citer qu'eux. Ces échanges de licences vont également se poursuivre à moyen terme à un rythme de 20 à 30 chaque année. Il s'agit d'un autre moyen efficace de s'offrir rapidement une nouvelle gamme de produits. Mon client me demande un connecteur X que je ne propose pas à mon catalogue. Trois choix s'offrent alors à moi : renoncer à ce marché, passer deux ans à développer le connecteur et investir 20 millions de dollars en outillage pour n'arriver sur le marché que la quatrième année, ou enfin signer une licence technologique avec une société qui dispose déjà de l'offre et proposer le produit à mon client dès l'année suivante, avec l'avantage d'une offre possible en seconde source.

« L’érosion des prix va continuer sur un rythme de 10 % par an »

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