Couverture ElectroniqueS n°127

La jeune société normande a développé un dispositif innovant, exploitant une lentille souple intégrant un capteur passif, apte à mesurer les variations de la pression intra-oculaire d'un patient sur une durée de 24 heures. Le diagnostic et le suivi du traitement du glaucome s'en trouvent optimisés. D euxième cause de cécité dans le monde selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le glaucome est le plus souvent associé à un e augmentation de la pression intra-oculaire (PIO), appelée plus communément tension oculaire, affectant la tête du nerf optique. Les ophtalmologistes disposent certes d'outils (tonomètres) permettant de réaliser des mesures ponctuelles, mais celles-ci se révèlent souvent peu satisfaisantes. En particulier, il n'est nul tenu compte des variations naturelles de la PIO observées dans la journée, en fonction de l'activité de l'être humain. Par ailleurs, dans les cas les plus sérieux, une hospitalisation s'avère nécessaire afin d'effectuer des relevés répétés, tant de jour que de nuit. Pour pallier ces inconvénients, Ophtimalia a développé un dispositif ambulatoire et non-invasif destiné à enregistrer l'historique des variations de la PIO sur une durée de 24 heures. Un capteur passif dans une lentille La solution de cette jeune société normande créée en septembre 2009, suite à un essaimage de NXP, soutenu par l'Ins-titut de la Vision à Paris, s'appuie sur quatre briques de base. La première est une lentille de contact souple dans laquelle est intégré un capteur passif, dont les caractéristiques électriques vont être modifiées par les variations de la pression intra-oculaire. Une augmentation de la PIO se manifeste par une modification dimensionnelle de l'œil et une déformation mécanique de la lentille. Celle-ci est traduite par le capteur en une variation du champ électromagnétique qui est prise en compte par une monture de lunette électronique dotée d'une antenne patch. A cet effet, à l'instar d'une méthode RFID, la lunette interroge à intervalles réguliers le capteur en envoyant un signal radiofréquence de quelques dizaines de mégahertz. Par l'intermédiaire d'une liaison radio exploitant la bande ISM des 434MHz (à l'origine une liaison Bluetooth avait été envisagée), les mesures sont collectées par un enregistreur de poche de la taille d'un smart-phone. Lorsque le patient retourne en consultation, les données sont ensuite transférées, via une connexion USB, du terminal portable vers le PC ou la tablette du praticien. Le dernier élément de la solution d'Ophtimalia prend la forme d'un logiciel, destiné aux professionnels de santé, chargé de traiter et d'analyser les données recueillies. Si la difficulté réside dans l'intégration d'un capteur planaire dans une lentille de contact souple sphérique (sans évoquer les contraintes liées à la réglementation pour un usage sur l'homme) afin de mesurer les variations de la PIO, précisons cependant qu'un tel haut fait n'est pas inédit. Ainsi, la société suisse Sensimed commercialise un dispositif, baptisé Triggerfish, reposant sur un principe de capteur actif exploitant un Asic inséré dans la lentille. « Le grand intérêt de notre approche tient au fait que notre capteur est passif et, de ce fait, la lentille jetable est nettement moins onéreuse » , précise Peter Biermans, cofondateur et président d'Ophtimalia qui, auparavant, a passé près de 25 ans chez Philips/NXP, à Eindhoven puis à Caen. « En outre, comme toute l'intelligence est concentrée dans la lunette, les modifications ultérieures de la partie électronique sont simples et rapides à réaliser, et n'obligent pas à redévelopper un circuit spécifique». Peter Biermans, président d'ophtimalia Si l'idée du capteur passif a germé au sein de NXP, ce dernier a été entièrement conçu par Ophtimalia et a fait l'objet de plusieurs dépôts de brevets. Un autre défi a consisté à concevoir une monture spécifique, relativement légère, permettant à un porteur de lunettes de conserver ces dernières. En partenariat avec un laboratoire pharmaceutique Aujourd'hui la société en est au stade des essais précliniques sur l'animal (en la circonstance il est ici question de lapins, les caractéristiques et la forme de l'œil se révélant assez proches de l'homme). Au second semestre 2014, la préparation des phases cliniques sur l'homme et l'aspect industrialisation sont envisagés. De ce fait, quatre ou cinq embauches sont prévues afin de renforcer l'équipe actuelle de huit personnes, issues du monde de la microélectronique et du logiciel embarqué. “ La technologie d'unelentille de contact est tellement spécifique qu'il est obligatoire de travailler avec une société expertedans ce domaine pour pouvoir y associer un capteur. " La mise en production des premières lentilles, initialement pour adresser le marché européen, est prévue dès l'an pro-chain. A cet effet, Ophtimalia a signé un partenariat avec un laboratoire pharmaceutique (dont le nom n'a pas été divulgué) pour la commercialisation de son dispositif. S'agissant d'un acte médical, la pose de la lentille doit être effectuée par un praticien. Si la cible visée est constituée par les ophtalmologistes, dans certains pays les optométristes seront aussi habilités à prescrire les dites lentilles. Basée à Colombelles (Calvados), la jeune pousse dispose également d'une antenne à Paris, située dans les locaux de l'Institut de la Vision. A cet égard, Ophtimalia est l'une des deux premières sociétés à avoir intégré cet incubateur accueillant de jeunes entreprises innovantes travaillant dans le domaine de la vision. Ophtimalia dispose par ailleurs de nombreux autres partenaires institutionnels (Bpifrance, la Région Basse-Normandie, Normandie Incubation, Agoranov, le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) ou officiant dans le domaine de la recherche (le laboratoire LIRMM de Montpellier, le laboratoire TIMA de Grenoble, l'ENSICAEN et l'Université de Caen Basse-Normandie). Elle est également membre des pôles de compétitivité Medicen Paris Région, TES ( Transactions Electroniques Sécurisées ) et Hippolia.

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