Couverture ElectroniqueS n°127

Résolument orientés vers les applications à très faible consommation, les microcontrôleurs 32bits à cœur Cortex-M0 et M0+ viennent concurrencer les modèles 8 et 16bits, en offrant des performances supérieures, davantage de mémoire et des périphériques puissants pour un surcoût modeste. < Les KL03 de Freescale figurent parmi les plus petits microcontrôleurs 32bits de l'industrie. A son lancement, beaucoup décrivaient le Cortex-M0 comme le premier cœur d'Arm réellement conçu comme un cœur de microcontrôleur, le britannique étant à l'origine davantage axé sur les processeurs, à mémoire externe donc. Doué pour le traitement en temps réel, le Cortex-M0 s'est donc rapidement retrouvé au catalogue de bon nombre de fabricants désireux d'étoffer, ou parfois de se constituer ex nihilo , une offre conséquente de microcontrôleurs 32 bits à faible consommation tout en bénéficiant de l'imposant écosystème Arm. En termes de performances pures, ces modèles sont largement dépassés par les microcontrôleurs bâtis sur des cœurs Cortex-M3, M4/M4F et, pire encore, le récent M7 –même s'il demeure compatible avec eux. Rien de plus normal: le Cortex-M0 est taillé pour attirer des applications initialement développées pour des microcontrôleurs 8 et 16 bits. Son jeu d'instructions ne comporte que 56 com-mandes SIMD, sous-ensemble des Thumb et Thumb-2, soit presque toutes les instructions 16 bits de l'ARMv7-M et une demi-douzaine d'instructions 32 bits. Il inclut en option une multiplication 32x32bits (fonc-tionnant soit en un seul cycle d'horloge, soit en 32 cycles, mais avec une implémentation plus compacte). L'interface bus est constituée d'un port AMBA-3 AHB-Lite 32bits qui relie le cœur à la mémoire et aux blocs périphériques. Contrairement aux autres architectures Arm, le Cortex-M0 ne supporte pas le concept d'exécution logicielle avec ou sans privilège : le programme peut accéder à toutes lesfonc-tionnalités du cœur. Un contrô-leur d'interruptions vectorisé NVIC ( Nested Vectored Inter-rupt Controller ) assure la ges-tion des priorités attribuées aux signaux d'interruption externes. Un contrôleur spécifique dit WIC ( Wake-up Interrupt Controller ) prend le relais pour gérer les interruptions lorsque le cœur et le NVIC sont en veille. La surface du CortexM0 n'est que de 12 000 portes logiques, soit 0,03 mm² pour une consommation minimale de 12,5 µW/MHz en technologie planaire 90 nm low power et 5,1 µW/MHz et 0,007mm² en 40nm LP. La microarchitecture du Cortex-M0 exploite un pipeline à trois étages, comme les M3/M4 (le M7, lui, en embarque sept). Sa puissance de calcul s'élève à 2,33 CoreMarks/MHz et 0,87 DMips/MHz. Pipeline à deux niveaux seulement pour le Cortex-M0+ Le Cortex-M0+ pousse encore plus loin le souci de la faible consommation de son prédécesseur tout en apportant quelques modifications qui améliorent les performances. C'est par exemple le seul cœur Arm doté d'un pipeline à seulement deux niveaux. Parmi les autres spécificités du CortexM0+ par rapport au Cortex-M0, on retiendra la possibilité d'une gestion dynamique des exceptions en Ram ; la présence optionnelle d'un port d'entrées/ sorties en un cycle offrant un accès à très haut débit pour charger et stocker des données, accessible pour le cœur et pour le débogage (mais à travers lequel on ne peut pas exécuter de code) ; ou encore l'ajout d'un buffer de traçage en Ram dit MTB ( Micro Trace Buffer ) simplifiant et accélérant le débogage pour un surcoût de seulement 1500 portes logiques additionnelles. La gestion de privilèges opère son retour, contrairement au Cortex-M0. Autre différence notable : la présence d'une protection mémoire héritée des Cortex-M3 et M4 et qui sépare des portions critiques de code et de registres du reste de l'application. Cette MPU ( Memory Protection Unit ) optionnelle permet de définir jusqu'à huit régions de mémoire configurables par l'utilisateur avec pour chacune huit sous-régions. Il est ainsi possible de mettre en œuvre des règles de privilège, de séparer des process ou encore de gérer différents attributs de mémoire, tout en étendant la mémoire adressable maximale à 4 Gbit. On notera également que le cœur Cortex-M0+ effectue une précharge ( fetch ) du code suivant l'instruction en cours d'exécution via le bus AHB-Lite pour optimiser les performances, en se limitant à un maximum de 32 bits afin de limiter la consommation d'énergie. La consommation du Cortex-M0+ est ainsi rabaissée à 9,37 µW/MHz en 90 nm et 3,8 µW/MHz en 40 nm, pour des surfaces respectives de 0,028 et 0,0066 mm² de silicium. Outre le pipeline simplifié, cette plus faible consommation (les gains sont surtout constatés en consommation dynamique) est rendue possible par diverses améliorations: minimisation des appels à la mémoire flash, interruptions et embranchements plus rapides, etc. Le cœur atteint une puissance de calcul de 2,46 CoreMark/MHz et 0,95 DMips/MHz – légèrement plus que le Cortex-M0. Une offre pléthorique Les XMC1000 d'Infineon sont résolument tournés vers les applications industrielles. Positionnés pour concurrencer les microcontrôleurs 8 et 16bits, les cœurs Cortex-M0 et M0+ se retrouvent logique-ment dans un panel très large de composants, où chaque utilisateur trouvera sans peine son bonheur. Le choix s'étend de circuits très basiques, dépourvus par exemple de convertisseur analogique-numérique, à des modèles beaucoup plus riches en mémoire et en blocs analogiques et mixtes, avec, par exemple, des frontaux radiofréquences, des ports USB et/ou CAN, des convertisseurs A/N rapides, des comparateurs et des canaux PWM simplifiant la commande de moteurs, d'alimentations ou de systèmes d'éclairage… Le faible encombrement reste généralement de mise. Freescale propose par exemple les Kinetis KL03, dont le boîtier mesure seulement 1,6 x 2 mm, soit une réduction d'encombrement de plus de 15 % par rapport aux précédents KL02. Outre cette miniaturisation, les Kinetis KL03 bénéficient d'une mémoire de démarrage de type Rom (8Ko) permettant la programmation en usine et la mise à jour sur site, d'une référence de tension 1,2V utilisée entre autres par le convertisseur analogique-numérique 12 bits embarqué, ou encore de divers perfectionnements visant à abaisser la consommation (UART, broches de réveil en douceur, etc.). En plus du cœur Cortex-M0+ cadencé jusqu'à 48 MHz, ils comprennent jusqu'à 32Ko de mémoire flash et 2Ko de Ram. L'autre créneau majeur des microcontrôleurs à cœur Cortex-M0/M0+ est bien sûr consti-tué des applications à basse consommation. C'est notamment le domaine visé par Atmel avec sa famille de microcontrôleurs baptisée SAM L pour laquelle l'américain clame une consommation limitée à 35 µA/ MHz en mode actif, 940 nA en mode veille avec rétention des 40 Ko de Sram et 200 nA en veille profonde. Au banc d'essai ULPBench d'EEMBC, ils décrochent même un score de 185, soit la performance la plus aboutie pour des microcontrôleurs à cœur Cortex, avec une puissance de calcul de 2,46 CoreMark/MHz à 48 MHz. Pour cela, Atmel a mis en œuvre diverses techniques. L'américain a, par exemple, recours au clock gating , c'est-à-dire à la multiplication interne des domaines d'horloge distincts pouvant être activés et désactivés à volonté. Les SAM L offrent cinq domaines d'horloge diffé-rents, actionnés par le cœur Cortex-M0+ ou, en mode sleepwalking , directement via le registre de la source d'horloge correspondante afin de synchroniser un périphérique pour une courte durée alors que le CPU est en veille. Deux modes veille supplémentaires ont d'ailleurs été ajoutés aux deux déjà présents dans les microcontrôleurs SAM D. Aux modes standby (la plupart des horloges sont arrêtées, les régulateurs et la SRam passent en mode basse consommation) et idle (seule l'horloge du cœur est désactivée), les SAM L ajoutent un mode backup (arrêt de toutes les horloges et de la rétention Sram) et off (le circuit est arrêté et ne peut être réveillé que par un reset externe). Un gestionnaire d'événements et des contrôleurs d'accès mémoire direct DMA permettent en outre de faire communiquer les blocs périphériques entre eux sans avoir à réveiller le cœur, par exemple, tant qu'une donnée échantillonnée par le convertisseur analogique-numérique 12 bits 1Méch./s interne ne dépasse pas un certain seuil. Deux modes de performances activables par logiciel permettent de faire fonctionner le cœur sous sa tension normale de 3,3 V ou sous 1,8 V seulement lorsque l'application s'avère moins gourmande. Enfin, Atmel a opté pour une régulation de tension hybride capable d'agir en LDO (régulateur à faible chute de tension) ou en buck (convertisseur abaisseur à découpage) selon les besoins. Du côté des blocs périphériques des SAM L21, premiers membres de la famille SAM L, figurent de 32 à 256Ko de mémoire flash, de 4 à 32Ko de Sram principale et de 2 à 8Ko de Sram basse consommation. Capable de fonctionner en suréchantillonnage pour monter jusqu'à 16bits de résolution, le CAN 12bits 1Méch./s évoqué précédemment est accompagné de deux CNA 12 bits 1Méch./s, deux comparateurs, trois amplificateurs opérationnels et de multiples compteurs 16, 24 et 32bits. Les interfaces consistent en un port série configurable au choix en USART, I²C, SPI, SMBus, PMBus, ou LIN et en une interface USB 2.0 à 12 Mbit/s. Les L21 disposent en outre d'un moteur de cryptage AES et d'un contrôleur d'interface tactile capacitive à 192 canaux QTouch, spécialité d'Atmel. STMicroelectronics figure parmi les fabricants offrant à la fois des microcontrôleurs Cortex-M0 et M0+. Les microcontrôleurs à très faible consommation Du côté des microcontrôleurs Cortex-M0+ à très faible consommation, on citera également les Zero Gecko de Silicon Labs, pour lesquels le fabricant parle de 110µA/MHz à 24MHz, 0,9µA en veille standard (rétention de l'état du cœur, de la Ram, de l'horloge et de quelques blocs périphériques) et 20 nA en veille profonde avec un délai de réveil de 2µs. Pour atteindre ce niveau de faible consommation, les Zero Gecko utilisent certains mécanismes de leurs prédécesseurs, comme le bloc PRS ( Peripheral Reflex System ) qui surveille des événements externes et permet à différents périphériques du microcontrôleur de communiquer entre eux sans solliciter le cœur. L'autre originalité des Zero Gecko réside dans l'intégration de certains blocs analogiques et mixtes particuliers, notamment un convertisseur numérique-analogique à sortie en courant programmable. Ce bloc génère un courant de polarisation compris entre 0,05 et 64µA, avec une consommation de seulement 10 nA. Il permet de polariser ou de contrôler des amplificateurs, des capteurs, des ponts de Wheatstone ou des réseaux de résistances sans surcoût énergétique notable pour le système et sans amplificateur externe. A l'instar des Kinetis KW01Z de Freescale ou encore des STM32L0 de STMicroelectronics, ou encore, des modèles de Nordic Semiconductor, les Zero Gecko embarquent également un accélérateur matériel AES 128bits, qui peut par exemple s'avérer précieux pour les transmissions radiofréquences. Figurent enfin au programme un comparateur analogique, un détecteur d'alimentation, un capteur de température et un convertisseur analogique-numérique 12bits consommant 350µA à 1Méch./s. Des modèles dédiés à l'automobile ou à l'industriel Plusieurs fabricants ont également lancé des microcontrôleurs Cortex-M0/M0+ conformes AEC-Q100 et destinés à l'automobile, comme Atmel avec ses SAM DA1. Certifiés AEC-Q100 grade 2 (-40°C à +105°C), ces circuits développent jusqu'à 45 DMips (à 2,14 CoreMark/ MHz) et embarquent de 16 à 64 Ko de mémoire flash. Avec leur contrôleur d'interface tactile capacitive intégrée, ils sont optimisés pour les tableaux de bord et autres commandes embarquées dans l'automobile. Interface d'accès mémoire DMA, contrôleurs d'interface tactile, pilote de Led ou d'écrans LCD à segments peuvent également être de la fête au sein des microcontrôleurs Cortex-M0, par exemple, chez Toshiba et NXP. Certains fabricants proposent en outre des modèles compatibles avec une tension d'alimentation et d'entrée/sortie allant jusqu'à 5V pour certaines applications industrielles par exemple, à l'instar d'Infineon. « Avec les XMC1000, notre objectif est clairement de répondre aux besoins des applications 8bits traditionnelles avec un microcontrôleur à cœur 32bits Cortex-M0», expliquait Stephan Zizala, directeur des microcontrôleurs industriels et multimarchés chez Infineon, lors du lancement des premiers microcontrôleurs à cœur CortexM0 de l'allemand. De nombreuses applications peinent en effet à tourner sur des modèles 8bits pas assez puissants, mais restent échaudées par les prix de vente forcément supérieurs des modèles 32 bits. Infineon entend résoudre cette quadrature du cercle grâce notamment à sa technologie de production: les XMC1000 étaient sans doute les premiers microcontrôleurs de l'industrie à être fabriqués en technologie Cmos 65 nm sur tranches de 300mm, alors que la concurrence en était encore souvent au 90 voire au 130nm. « Nous avons pour cela codéveloppé avec TSMC une cellule flash spécifique, de faibles dimensions » , avançait Stephan Zizala –la mémoire flash embarquée demeurant le principal goulet d'étranglement lorsqu'il s'agit de miniaturiser les microcontrôleurs. Les XMC1000 sont déclinés en trois sous-familles: les XMC1100 d'entrée de gamme, les XMC1200 à fonctionnalités éten-dues (contrôleur d'écran LCD et tactile par exemple) et les XMC1300 optimisés pour le contrôle moteur avec leur coprocesseur dédié cadencé jusqu'à 64 MHz, soit deux fois plus vite que le cœur Cortex-M0. Ils embarquent de 8 à 200Ko de mémoire flash, un convertisseur 12bits 1,88Méch./s, des temporisateurs PWM de prévision, des comparateurs analogiques rapides (utiles pour la conversion de puissance) et des interfaces série programmables. Infineon s'est aussi attaché à rassurer les fabricants dont la production se situe dans des pays asiatiques où la protection de la propriété intellectuelle peut s'avérer problématique. «Les fournisseurs de propriété intellectuelle, en particulier, craignent de se faire voler leur IP ou bien de la voir monter sur un nombre de microcontrôleurs bien supérieur à ce que prévoit la licence qu'ils ont vendue », explique Stephan Zizala. Les XMC1000 ont donc été équipés d'un accélérateur de cryptage AES128 et d'une mémoire cachée permettant de stocker des clés de décryptage, assurant ainsi la protection du logiciel embarqué. Ces microcontrôleurs 32bits à interface USB Happy Gecko de Silicon Labs figurent parmi les moins gourmands en énergie du marché. Un peu à part, on n'oubliera tout de même pas les microcontrôleurs à blocs configurables PSoC de Cypress dont certains sont basés sur un cœur CortexM0. Les derniers en date embarquent davantage de mémoire flash (128 Ko) et de blocs analogiques et numé-riques programmables, un contrôleur DMA, un double port CAN et 55 entrées-sorties à usage général – et même, pour les PSoC 4 BLE, un frontal Bluetooth basse consommation. Des frontaux radiofréquences figurent également au sein des Kinetis KW40Z de Freescale ou des circuits de Nordic Semiconductor.

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