Couverture ElectroniqueS n°127

Les ingénieurs qui conçoivent des objets connectés utilisent des techniques évoluées de gestion de la consommation, afin de préserver la durée de vie des batteries. Mais les techniques de mesure traditionnelles sont complexes, chronophages et ne permettent pas d'atteindre la précision de mesure requise pour optimiser et valider la décharge des batteries. Il existe pourtant des solutions assurant une analyse complète et détaillée de la perte de courant et d'énergie. L es capteurs sans fil offrent des informations de qualité lorsqu'ils sont utilisés dans des applications telles que le suivi de paramètres environnementaux ou les installations et machines industrielles. De par leur facilité d'installation, ils peuvent être déployés dans de très nombreuses situations. Au cours des années à venir, avec le déploiement de plus en plus étendu de l'Internet des objets ( Internet of Things ou IoT), à savoir les objets connectés, nous devrions assister à l'explosion de nouveaux modes d'utilisation des capteurs sans fil. Toutefois, leur capacité limitée à réaliser une tâche sur une durée raisonnable constitue l'un des principaux facteurs restreignant leur utilisation. Lorsque le fonctionnement d'une sonde sans fil dépend intégralement d'une batterie et que celle-ci est déchargée, l'instrument perd alors toute sa valeur. Lorsqu'ils développent des objets connectés fonctionnant sur batteries, les concepteurs sont confrontés à de nombreux défis pour justement s'assurer que le dispositif fonctionnera pendant un laps de temps raisonnable. L'approche classique consiste à n'utiliser l'énergie que pour l'activité requise puis à mettre le dispositif en mode d'utilisation faible puissance. Le fonctionnement d'un capteur sans fil peut donc être segmenté en une série d'activités, chacune nécessitant un certain niveau de puissance pour une durée donnée. Les opérations les plus courantes sont: le réveil pour prendre une mesure et traiter les données dans un message; la mise sous tension de l'amplificateur de puissance RF, la transmission du message et la mise hors tension de l'amplificateur; et, pour les sondes bidirection-nelles, le réveil, la mise sous tension du récepteur, la réception, le traitement des données, leur intégration à un message et la mise hors tension. Figure1.-Niveaux du courant dans les modes de fonctionnement d'un capteur sans fil Dans les capteurs sans fil, les composants ne sont actifs que lorsque cela est nécessaire, afin d'économiser l'énergie. Dans le mode de veille, seule l'horloge temps réel fonctionne; le module se réveille ensuite périodiquement pour réaliser et transmettre des mesures. CARLO CANZIANI (KEYSIGHT TECHNOLOGIES) Après avoir travaillé, de 1988 à 1999, au Standard Lab de Hewlett-Packard,Carlo Canziani a occupé le poste d'ingénieur support clients pour les produits télécoms et RF/micro-ondes durant quatorze ans chez Hewlett-Packard. En 1999, il a ensuite pris en charge le développement d'activité des ventes en puissance, test et mesure en Italie pour Agilent Technologies. Dix ans plus tard, il devient responsable du développement d'activité pour l'EMEA de Keysight Technologies. Carlo Canziani est aujourd'hui responsable des grands comptes de l'américain. Estimer la durée de vie d'une batterie Il est évident de comprendre que ces différentes activités jouent un rôle important dans le déchargement de la batterie. Le moyen le plus simple pour augmenter la durée de vie d'une batterie est d'en utiliser une plus grosse, dotée d'une capacité plus élevée. Néanmoins, les utilisateurs finaux, eux, souhaitent plutôt disposer d'objets connectés de petite taille et aux performances élevées, leur permettant ainsi d'envoyer un grand nombre de données tout en bénéficiant d'une capacité de traitement des données au niveau local. De toute évidence, les attentes des utilisateurs finaux sont en totale opposition avec la solution la plus simple pour régler le problème lié à une courte durée de vie des batteries. Les ingénieurs de conception doivent commencer par faire des compromis entre la taille de la batterie et la fonctionnalité du capteur sans fil, un choix qui permettra d'obtenir les meilleures performances pour une petite batterie, offrant un intervalle de temps suffisamment long entre deux remplacements. Ce processus d'optimisation passera d'abord par une bonne compréhension des besoins énergétiques. Avant de pouvoir caractériser les performances d'un dispositif, la première étape consistera donc à rassembler les données relatives à l'utilisation énergétique. Une batterie possède une quantité d'énergie définie et exprimée en watt.heures (Wh) et une capacité définie et exprimée en ampère.heures (Ah). < Contrairement aux techniques de mesure traditionnelles, le système source/ mesure (SMU) N6785A de Keysight Technologies permet d'atteindre la précision de mesure requise pour optimiser et valider la décharge de batterie dans les objets connectés. Ce qui évite de sousestimer la puissance requise pour faire fonctionner un dispositif et permet donc d'optimiser la capacité des batteries. Si l'ingénieur connaît la puissance nécessaire pour faire fonctionner son dispositif, la durée de vie de la batterie est calculée de la manière suivante: Durée de vie de la batterie (heures)Capacité de la batterie (Wh) / Puissance moyenne absorbée (W). L'énergie de la batterie est également fonction de sa tension nominale (en volt, V) et de sa capacité (Ah). La tension nominale représente en fait une valeur médiane sur la courbe de décharge de la batterie, valeur déterminée d'une manière empirique afin de correspondre à l'énergie et à la capacité de la batterie. La durée de vie de la batterie peut donc également être déterminée à l'aide de la formule suivante: Durée de vie de la batterie (heures)Capacité de la batterie (Ah) / Perte de courant moyenne (A). Toutefois, lorsque le dispositif fonctionne en conditions réelles, la durée de vie de la batterie est généralement plus courte que celle estimée par calcul. Il est assez fréquent d'entendre dire: « La batterie est de mauvaise qualité ». Les fabricants de batterie fourniront alors des spécifications détaillées et expliqueront que, même avec des batteries du même type, il est fréquent de constater des variations de capacité de l'ordre de 5 à 10%. Mais, même en recou-rant à une estimation prudente de la capacité d'une batterie, sa durée de vie s'avère généralement plus courte, et le dispositif rend l'âme avant l'heure. Pourquoi cela se produit-il donc ? Estimons-nous correctement l'utilisation énergétique? Probablement pas. Avec les dispositifs fonctionnant sur batteries, tels les capteurs sans fil, les composants ne sont actifs que lorsque cela est nécessaire, afin d'économiser l'énergie. Les ingénieurs conçoivent le dispositif en prévoyant qu'il sera la plupart du temps en mode de veille avec un courant de fuite minimal. Dans ce mode, seule l'horloge temps réel fonctionne; le module se réveille ensuite périodiquement pour réaliser des mesures. Les données acquises sont alors transmises à un récepteur ( voir figure 1 ). Les différents modes de fonctionnement entraînent un courant de fuite qui peut s'étendre de moins du microampère (µA) à 100 mA, ce qui représente un rapport de l'ordre de 1: 1 000 000 ( voir le tableau ci-contre ). Des techniques de mesure classiques limitées Une méthode bien connue de mesure du courant consiste à utiliser la fonction « Ampèremètre » d'un multimètre numérique. La précision de mesure obtenue avec des multimètres numériques modernes semble correcte, mais les spécifications sont définies pour des gammes fixes et des niveaux de signal relativement statiques, ce qui n'est pas vraiment le cas avec un capteur sans fil, compte tenu de son courant de fuite dynamique. Concrètement le multimètre numérique est connecté en série entre la batterie et le dispositif pour mesurer le courant. Il peut arriver de temps en temps de constater des instabilités de lecture, qui sont liées au cycle actif du capteur ou encore au mode de transmission. Nous savons que les multimètres numériques disposent de plusieurs gammes de mesure et que, avec le changement de gamme automatique, ils devraient être en mesure de sélectionner la plus appropriée d'entre elles et de proposer ainsi la meilleure précision dont ils sont capables. Mais les multimètres numériques ne sont tou-tefois pas parfaits. Le changement de gamme automatique requiert en effet un certain temps pour se faire et déterminer le résultat de mesure. Il faut souvent compter un temps compris entre 10 et 100ms, soit plus que la durée de transmission ou de fonctionnement en mode actif. C'est la raison pour laquelle le changement de gamme automatique doit être désactivé au profit du choix manuel de la gamme la plus appropriée. Par ailleurs, pour mesurer un courant avec un multimètre numérique, il faut insérer un shunt dans le circuit et mesurer la différence de tension à ses bornes. En présence d'un courant faible, on doit normalement choisir une petite gamme et un shunt avec une résistance élevée; avec un courant fort, c'est une gamme élevée et un shunt avec une faible résistance. Du fait de la présence d'une différence de tension, également appelée «tension de charge», le capteur sans fil ne bénéficie pas de toute la tension de la batterie. Les petites gammes, les plus précises pour la mesure du courant de veille, ont une tension de charge pendant les pics de courant qui peuvent même entraîner une réinitialisation du dispositif. Figure 2.-Mesures à plusieurs niveaux d'intensité de courant dynamique Le changement de gamme de courant en continu permet de mesurer les pics de courant avec des gammes élevées, ainsi que le courant de veille sur une gamme de 1mA en pleine échelle, ce qui présente une erreur d'offset de 100nA. Dans la pratique, on parvient à un compromis en utilisant une gamme de courant élevée qui permet ainsi au dispositif de continuer à fonctionner pendant les pics de courant. Ce compromis permet de gérer ces pics et de mesurer le courant de veille, mais au prix fort. Comme l'erreur d' offset est spécifiée sur la pleine échelle de mesure, elle a un impact considérable sur la mesure des faibles niveaux de courant. L'erreur peut en effet être de l'ordre de 0,005 % sur une gamme de 100 mA, soit 5µA, ce qui représente une erreur de 50% pour un courant de 10µA ou de 500% pour un courant de 1µA. Ce niveau de courant correspond d'ailleurs à l'état dans lequel le dispositif passe le plus clair de son temps, d'où l'impact énorme de cette erreur sur l'estimation de la durée de vie de la batterie. Après le faible niveau de courant du capteur en mode de veille, il faut mesurer les impulsions en modes actif et de transmission. Les mesures doivent inclure à la fois le niveau du courant et la durée pendant laquelle le capteur reste à ce niveau. Les oscilloscopes sont ainsi d'excellents outils pour mesurer des signaux variant dans le temps. Toutefois, les courants à mesurer sont de l'ordre de la dizaine de milliampère (mA), et les sondes de courant ne sont pas d'une grande utilité dans ce cas, compte tenu de la sensibilité limitée et des dérives qui les caractérisent. De bonnes pinces de courant affichent un niveau de bruit de 2,5mA rms et la procé-dure de compensation du zéro doit être souvent répétée. Les sondes de courant mesurant le champ électromagnétique sur un conducteur, l'astuce pour accroître la sensibilité consiste donc à passer plusieurs fois le même conducteur afin de multiplier l'intensité du champ, ce qui multiplie l'indication de courant, permettant ainsi de mesurer un peu mieux ce dernier. Avec cette approche, il est possible de capturer les impulsions de courant liées à l'activité ainsi que les temps de transmission. Même lors des phases d'activité et de transmission, le courant change d'in-tensité: c'est une succession de niveaux «haut» et de niveaux «bas». Pour calculer correctement le courant moyen, tous les points mesurés doivent être intégrés pour obtenir la valeur moyenne. Les oscilloscopes sont bien adaptés à la capture d'une seule rafale. Toutefois, les mesures s'avèrent plus complexes lorsque l'on veut vérifier à combien de reprises le capteur s'active dans un temps donné et à quelle fréquence il envoie une rafale de transmissions. Les oscilloscopes peuvent faire du travail satisfaisant avec des mesures prises sur le court terme, mais les capteurs peuvent avoir des cycles de fonctionnement de plusieurs minutes voire de plusieurs heures, ce qui peut être difficile à capturer et mesurer. Figure 3.-Enregistrement de tous les échantillons intégrés Grâce notamment à l'enregistrement interne des mesures acquises sur une période spécifiée par l'utilisateur, sans perdre la moindre valeur entre les périodes d'intégration, il est désormais possible de mesurer les performances en termes de courant de fuite et d'énergie d'un capteur sans fil sur une durée de fonctionnement de 1000 h. Pouvoir révéler des surprises Il existe sur le marché des solutions permettant de s'affranchir des limites imposées par les oscilloscopes et multimètres numériques pour l'analyse de la décharge de batterie. A l'instar des modules source/mesure (SMU) N6781A et N6785A de l'américain Keysight Technologies. Ces modules peuvent être utilisés avec le système d'alimentation modulaire de faible encombrement N6700 ou l'analyseur de puissance DC N6705, et ils intègrent un changement de gamme de courant ininterrompu et l'enregistrement de données à long terme en continu. Le changement de gamme de courant en continu (technologie brevetée) assure en effet une commutation d'une gamme de mesure à l'autre, en conservant la stabilité de la tension de sortie grâce à l'absence de chutes de tension à chaque changement de gamme. Cette fonctionnalité permet de mesurer les pics de courant avec des gammes élevées, ainsi que le courant de veille sur une gamme de 1mA en pleine échelle, ce qui présente une erreur d' offset de 100nA. Cette très faible erreur – une erreur d' offset de 100 nA correspond en fait à un taux d'erreur de 10 % avec un courant de 1 µA ou de 1 % avec un courant de 10µA– fournit de meilleurs ordres de grandeur qu'un multimètre numérique traditionnel ( voir figure 2 ). Le changement de gamme en continu est associé à deux numériseurs afin de mesurer la tension et le courant avec une fréquence d'échantillonnage simultanée de 200kéch./s (résolution temporelle de 5µs). Les mesures ainsi numérisées peuvent être capturées sur une période de plus de 2s et affichées avec une résolution temporelle entière et pendant une durée d'autant plus longue que la résolution est faible. Cependant, pour des mesures sur de longues périodes, l'enregistreur de données interne de l'analyseur de puissance DC N6705B intègre les mesures acquises sur une période spécifiée par l'utilisateur (de 20µs à 60s), sans perdre la moindre valeur entre les périodes d'intégration. Toutes les valeurs se trouvent dans une seule période d'intégration ou alors dans la période suivante. Il est désormais possible de mesurer les performances en termes de courant de fuite et d'énergie d'un capteur sans fil sur une durée de fonctionnement de 1000h ( voir figure 3 ). La mesure du courant de veille consiste simplement à mettre en place des marqueurs et à lire directement les valeurs fournies. La mesure que l'on peut voir sur la figure 4 est réalisée avec une seule acquisition sur une longue période temporelle; on obtient une représentation complète du courant de fuite et une mesure précise à 599 nA. Grâce aux fonctions «Panoramique» et «Zoom», il est également pos-sible de voir le niveau du courant et le temps passé à chaque niveau de puissance. Ce sont des détails que les instruments de mesure traditionnels ne permettaient pas d'obtenir. Un exemple éloquent est les impulsions de fuite identifiées par «???» sur la figure 4. Le logiciel a en fait révélé cette information surprenante: le dispositif consomme une énergie pulsée à des pics d'environ 90µA sur 500ms, soit un courant moyen de 3,3 µA. Lorsque l'on ajoute ce courant de fuite à celui de veille, le courant total atteint une valeur 22% plus élevée que celle prévue. Ce type de surprises peut d'ailleurs constituer l'une des raisons pour lesquelles les besoins énergétiques sont sous-estimés et la durée de vie des batteries s'avère plus courte que prévue. Lors de l'optimisation de la puissance de capteurs sans fil, les ingénieurs tirent une impor-tante valeur ajoutée des informations qu'ils obtiennent. Le fait de connaître quelle quantité d'énergie est utilisée pour envoyer un seul paquet d'informations est très important quand il s'agit de trouver un compromis basé sur les expériences d'utilisation avec la décharge de la batterie, et de répondre à des questions telles que : « Dois-je envoyer des informations une fois par seconde, une fois toutes les 5s ou une fois toutes les 10s? ». Les ingénieurs peuvent estimer avec précision la conséquence de la décharge de la batterie à chaque changement de firmware et la valider en un temps raisonnable avec de vraies mesures. n Figure 4.-Exploitation de la mesure de perte de courant Dans le cas d'une mesure réalisée avec une seule acquisition sur une longue période temporelle, les fonctions «Panoramique» et «Zoom» rendent possible la lecture du niveau du courant et le temps passé à chaque niveau de puissance. Les impulsions de fuite identifiées par «???» sur cette figure correspondent à une énergie consommée pulsée à des pics d'environ 90µA sur 500ms. UNE MESURE DIRECTE ET SIMPLIFIÉE DE L'ÉNERGIE EN JOULES Les Joules sont une unité très utile pour estimer la durée de vie d'une batterie, sachant que chaque activité possède une quantité d'énergie donnée. Il est également possible de comparer les performances d'un dispositif en utilisant les Joules par bit transmis. Mais les ingénieurs utilisent rarement les Joules parce qu'ils doivent être calculés en se basant sur la tension, le courant et le temps. Avec le logiciel de contrôle et d'analyse 14585A de l'américain Keysight Technologies, l'énergie peut être mesurée directement en Joules. Par exemple, on peut mesurer l'énergie consommée lors de la transmission d'un paquet capturé sur déclenchement. Il s'agit d'ailleurs de l'un des avantages issus de la présence de deux numériseurs, l'un pour la tension et l'autre pour le courant, avec un échantillonnage simultané, l'ensemble assurant des mesures de puissance point à point. Les Joules peuvent être facilement mesurés en tant que valeur entre deux marqueurs et les concepteurs peuvent aller au-delà en définissant les Joules par bit transmis.

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