Couverture ElectroniqueS n°127

Si la Chine demeure le grenier à électronique du monde, la hausse continue de son niveau de vie fait fléchir son intérêt productif. Aussi a-t-elle démarré la phase 2 de sa liaison avec l'Occident: l'instauration de partenariats visant à augmenter sa technologie, et, simultanément, l'amélioration de son réseau commercial. Q uand la Chine s'est réveillée – après la sombre période de l'obscurantisme maoïste –, elle s'est ouverte au monde et est rapidement devenue le premier pôle de fabrication mondial pour l'électronique de grande diffusion, ainsi que le magasin où viennent s'approvisionner en composants et sous-ensembles, tous les OEM et les sous-traitants de l'électronique de la planète. Elle le demeure. Ainsi, les fabricants français de l'électronique y font-ils toujours du sourcing. Certains qui ont les moyens - comme Asteelflash, numéro 1 français de la sous-traitance en électronique, qui dispose de deux usines de production dans l'Empire du Milieu, ou comme Eolane, numéro 2, qui regroupe, en Chine, une usine et une antenne dédiée au sourcing – s'approvisionnent directement auprès des fabricants chinois. Les autres, c'est-à-dire la majorité, font appel à des importateurs spécialistes de la Chine (Icape, TX Cube, NCAB…). Faire appel à des sociétés expertes des fabrications chinoises dans les domaines d'achats envisagés est d'autant plus important que, dans ce pays, la qualité des productions varie beaucoup. « Les intermédiaires disposant d'une présence dans les pays fournisseurs ont homologué des fabricants chez lesquels ils achètent en volume pour le compte de plusieurs clients », remarque Elisabeth Partouche, présidente du groupe électronique de la CDAF (Compagnie des acheteurs de France) et directrice des achats ainsi que cofondatrice de TX Cube, société spécialisée dans l'outsourcing intelligent pour l'électronique. L'élévation du niveau de vie des Chinois a notamment pour conséquence une croissance phénoménale du marché de la santé dans ce pays. Il passerait de 3 milliards de dollars en 2014 à 110 milliards de dollars en 2020, selon Boston Consulting Group. Les circuits imprimés chinois ont la cote Les fabricants européens de matériels électroniques, inclus les sous-traitants en électronique, achètent des circuits imprimés chinois de complexités diverses – du simple face au multicouche. Au seul plan quantitatif, la production française de circuits imprimés ne peut d'ailleurs couvrir la demande : la production représente entre 140 et 150 millions d'euros pour une demande dépassant les 500Me. En outre, les prix des circuits chinois permettent aux acheteurs une économie de 5 à 50 % par rapport aux prix des circuits fabriqués en Europe (suivant les quantités, les types de circuits imprimés…). Icape est de loin le plus actif des importateurs français de circuits imprimés en provenance de Chine, avec, en 2014, un chiffre d'affaires de 68 Me réparti entre plus de 800 clients dans le monde (la France compte pour 20 % de ces ventes). A noter que le groupe dispose d'une filiale, Cipem, dont les ventes représentent 10 % du chiffre d'affaires total, qui est spécialisée dans la fourniture, à partir de la Chine, de composants passifs (transfos, selfs…), de composants électromécaniques, de pièces mécaniques et d'habillages à façon, de sous-ensembles standards de type chargeurs d'alimentation, modules d'affichage et télécommandes. Icape, dont le chiffre d'affaires progresse à pas de géant (+ 35 % en 2012, + 32 % en 2013, + 20 % en 2014, + 28 % en 2015, et des prévisions de + 25 % pour 2016 et 2017), s'appuie sur un réseau de fabri-cants chinois de circuits imprimés, sévèrement sélectionnés puis régulièrement audités. Pour ce, Icape s'appuie sur une forte implantation en Chine (plus de 160 personnes). Cette société propose à ses clients trois types de services correspondant à trois profils de demandes. Pour les très grands volumes de circuits imprimés – ceux requis, par exemple, par l'automobile –, elle met en relation les acheteurs avec des fournisseurs qualifiés et propose un support technique ainsi que le contrôle de la qualité; elle se rémunère alors à la commission. Pour les achats de petits et moyens volumes, lcape prend en charge l'ensemble des opérations (gestion de la production, contrôle de la qualité, support technique et logistique). Enfin, la société a mis sur pied, au cours de l'été 2014, un service de livraison rapide de prototypes et de petites séries de circuits imprimés standards (simples faces, doubles faces, multicouches à 4, 8 couches…) à partir de la Chine. Baptisé « Icape Quick Turn Services » (IQTS), il assure la livraison sous 4 à 5 jours. Il est doté d'une cotation en ligne qui permet aux clients d'obtenir d'entrée de jeu les prix qui leur seront facturés. Pour gagner du temps, les contrôles qualité des échantillons prélevés dans les lots expédiés de Chine sont réalisés durant le trajet par avion, dans le laboratoire chinois d'Icape. Celui-ci est installé dans des bureaux occupant une superficie de 2800m 2 . Icape a créé une société de droit chinois pour prendre en charge l'IQTS ; elle réalise notamment le « pooling » – qui est le regroupement de commandes que permet la fabrication de références différentes sur un même flan ; l'utilisation du « pooling » permet de diminuer les factures des clients. NCAB est un concurrent d'Icape ayant un même profil, mais une envergure moindre sur le marché français (CA de 5,3 Me en 2015). Icape propose un service de livraison rapide (en 4 à 5 jours) de prototypes et de petites séries de circuits imprimés standards (simples faces, doubles faces, multicouches à 4, 8 couches…) à partir de la Chine. Ce service inclut une cotation en ligne. La Chine achète des équipements de production Les sous-traitants français de l'Hexagone qui disposent d'unités de fabrication en Chine le font surtout pour accompagner leurs donneurs d'ordres à l'international. Ils y profitent évidemment du faible coût de la main-d'œuvre. Les deux usines chinoises d'Asteelflash sont tout particulièrement adaptées à des séries conséquentes et évoluant peu dans le temps. Eolane dispose, lui, d'un site de fabrication, à Suzhou, certifié ISO 16949 (automobile) et ISO 13485 (médical). Europlacer a pour troisième client la Chine, ex aequo avec le Royaume-Uni. Le matériel phare de cette entreprise est l'iineo, une machine de pose CMS qui peut embarquer jusqu'à 350 références, ce qui permet d'envisager plusieurs fabrications à la suite sans recharge des feeders. Eolane, numéro 2 français de la sous-traitance en électronique, dispose, en Chine, d'une usine certifiée ISO 16949 (automobile) et ISO16545 (médical), à Suzhou, ainsi que d'un centre dédié au sourcing, à Shanghai. Cependant, il n'y pas d'obligation pour le sous-traitant de disposer d'une unité de production en Chine pour y vendre. C'est ce que fait remarquer MSL Circuits (groupe All Circuits) : l'automatisation de ses fabrications, la qualité de sa production et sa traque des gaspillages lui ont permis d'exporter en Chine. Le fait de décrocher de tels marchés est favorisé par la crainte de vol de la propriété intellectuelle que ressentent certains donneurs d'ordres. Cette peur est, depuis quelque trois à quatre ans, à l'origine de marchés « retour de Chine ». Enfin, en amont de la production de matériels électroniques grand public ou professionnels, il y a la fabrication des équipements destinés à ces productions. En France, pour ne citer que deux exemples, Europlacer fabrique des machines de placement de composants sur les cartes, à la Rocheservière (85), alors que Riber est spécialisé en machines MBE ( Molecular Beam Epitaxy pour épitaxie par jets moléculaires). La Chine est le premier débouché pour Riber et le 3 e (ex aequo avec le Royaume-Uni) pour Europlacer. Commerçants dans l'âme, les Chinois sont aussi friands de tout système susceptible de les aider à améliorer et/ou faciliter leurs achats. Proposant des logiciels d'aide aux achats, dédiés au monde de l'électronique, la PME grenobloise Pertilience a signé, dès 2014, des accords de distribution avec deux distributeurs taïwanais. L'outil Buymanager de cette société équipe déjà plusieurs sous-traitants de l'Ile. Les Chinois recherchent des technologies haut de gamme La fabrication pour le compte des Occidentaux a enrichi la Chine et les Chinois. D'où une hausse du niveau de vie qui s'est accompagnée d'une augmentation du coût de la main-d'œuvre. Ainsi, en 2014, alors que la progression de la production de circuits imprimés a fléchi dans ce pays, leur fabrication en Thaïlande et au Vietnam a enregistré une croissance spectaculaire, selon l'IPC. D'où une recherche de productions haut de gamme par la Chine. Ce qui explique la récente offre de 5,9 Md$ pour le rachat de Sharp, faite par le taïwanais Hon Hai Precision, numéro 1 mondial de la sous-traitance en électronique avec un chiffre d'affaires égal à 32% du marché mondial de ce domaine. Ce sous-traitant améliore continûment sa panoplie de technologies via des acquisitions et des partenariats : en 2015, il a créé, avec Cima Nano Tech, une société conjointe en modules à touches capacitives destinés aux écrans tactiles ; a acquis l'activité de modules optiques d'Avago; et a conclu, avec le chinois Cowin, un accord en smart car pour l'amélioration de la visualisation et de l'affichage de l'habitacle de ces automobiles. Il a démarré une production de voitures électriques (en 2014), a annoncé des travaux en robotique –un domaine où il prévoit des acquisitions d'entreprises américaines –, et a des ambitions en Internet des objets ainsi qu'en santé et bien-être. Cette recherche chinoise de technologies haut de gamme est aussi repérable dans l'annonce, ce mois de février, de l'investissement dans Soitec, du fonds chinois National Silicon Industry Group (NSIG), qui est spécialisé dans les semi-conducteurs. De même, pourrait-on la remarquer dans la création d'un laboratoire conjoint entre le groupe Arelis, spé-cialiste des hyperfréquences, du traitement du signal et de la conversion d'énergie, et le fabricant chinois de Led Beijin Shenan, dans le département de la Meuse. Le premier coup de pelle pour ce centre de R&D a été donné en mars 2015. La Chine cherche à mieux se vendre en Europe Outre des circuits imprimés, les fabricants français de l'électronique achètent en Chine, des composants passifs et électromécaniques, des pièces mécaniques ainsi que des habillages à façon, et des sous-ensembles standards. Les fabricants chinois cherchent aussi à mieux vendre en Europe. Pour ce, ils adaptent leurs offres aux demandes spécifiques au Vieux Continent –qui est friand de spatial, d'aéronautique, de militaire – en même temps qu'ils peaufinent leurs réseaux commerciaux. Ainsi, depuis la rentrée de septembre 2015, Ventec International, fournisseur chinois de stratifiés cuivre et de pré-imprégnés, a successivement devancé une spécification de l'IPC visant à réduire la contamination des pré-imprégnés destinés notamment à l'aérospatial, a nommé un directeur marketing et commercial pour l'Europe Centrale, Didier Mauve, et a racheté le distributeur allemand TMT Trading –qui com-mercialise les produits Ventec. En 2012, Ventec avait acquis le britannique Option Technologies, spécialiste du laminage et du pressage des couches internes des circuits imprimés, de façon à pouvoir livrer rapidement de petites séries à ses clients européens.

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