Couverture ElectroniqueS n°127

L'année qui démarre sera celle de l'avènement des mémoires graphiques GDDR6 et HBM2, comme en témoignent les récentes annonces de Samsung, SK Hynix ou encore Micron. Et leur bande passante élevée n'intéresse pas que les cartes graphiques… I l fait bon fabriquer des mémoires en ce moment. Au sommet d'un cycle qui pourrait en outre s'avérer plus long qu'à l'accoutumée en raison du nombre désormais très resserré de fabricants (Samsung, SK Hynix, Micron, Toshiba en cours de rachat… et c'est à peu près tout), le marché des mémoires profite à la fois d'une forte demande et de prix de vente moyens soutenus par une production à peu près maîtrisée, même si, du côté des Dram et des flash, les tensions d'approvisionnement sont actuellement bien réelles ( voir tableau page 51 ). Longtemps restées indifférenciées et dictées par des standards liés au monde du PC (SDR, DDR1, DDR2…), les mémoires volatiles se sont désormais éparpillées en plusieurs familles : DDR3/4 pour les ordinateurs, LPDDR4/5 pour les smart-phones, DDR4/DDR5 pour les serveurs et, pour les applications graphiques, GDDR et HBM. Ces dernières vont connaître une année 2018 enthousiasmante en termes de performances, car s'apprêtent à débarquer d'une part les mémoires graphiques GDDR6, d'autre part la deuxième génération de modules HBM2. Principalement destinées aux applications graphiques, les mémoires GDDR et HBM intéressent toutefois de plus en plus les systèmes gourmands en bande passante (intelligence artificielle, conduit assistée, réseaux, etc.). Les GDDR6 profitent du 10nm L'avènement du standard GDDR5 au sein des cartes graphiques date quasiment de dix ans. Une longévité assez remarquable dans l'industrie des mémoires, et qui ne doit pas cacher plusieurs évolutions successives qui ont su répondre aux besoins croissants de bande passante, notamment la dernière mouture GDDR5X. L'écart de bande passante par boîtier entre les DDR et les GDDR n'a d'ailleurs cessé de croître, tant les deux familles répondent à des desiderata opposés – la densité reste le principal cheval de bataille des DDR alors que les GDDR perdent en capacité ce qu'elles gagnent en vélocité. Après une décennie de valeureux services, la génération des GDDR5/5X laisse donc la place aux GDDR6, qui promettent des gains de performances tous azimuts (débit de données, consommation, etc.), avec un taux de transfert doublé culminant à 16 Gbit/s par broche et un nombre de canaux lui aussi doublé. Samsung vient ainsi de démarrer la production en volume des premières mémoires GDDR6 16 Gbit de l'industrie. Elles seront utilisées dans les applications graphiques, que ce soit dans les ordinateurs et consoles de jeu ou dans l'automobile et les réseaux. Ces mémoires GDDR6 exploitent la technologie de production 10 nm du sud-coréen. Elles offrent une densité doublée par rapport à ses précédentes GDDR5 de 8 Gbit, fabriquées dans un process 20 nm. Est également doublée la vitesse de transfert de données, qui culmine désormais à 72 Go/s par boîtier. Fonctionnant sous une tension de 1,35V au lieu de 1,55 V pour les GDDR5, ces GDDR6 consomment environ 35 % d'énergie en moins. Le gain en rendement de fabrication atteint, lui, 30%. « Dans la foulée de ce premier modèle, nous allons rapidement proposer toute une gamme de mémoires Dram GDDR6 visant non seulement les applications graphiques, mais aussi l'automobile et les réseaux », précise Jinman Han, vice-président de Samsung Electronics chargé des mémoires. Cette volonté de diversifier l'utilisation des mémoires GDDR se retrouve également chez l'américain Micron. Ce dernier s'est associé avec Rambus, Northwest Logic et Avery Design pour offrir une plateforme complète autour de ses mémoires graphiques GDDR6. Cette plateforme comprend les blocs de gestion de couche physique (PHY) de Rambus, les contrôleurs GDDR de Northwest Logic et l'IP de vérification d'Avery Design. L'objectif est de favoriser l'utilisation des mémoires GDDR6 dans des applications non graphiques : réseaux, infrastructures 5G, intelligence artificielle, conduite assistée, etc. À 16 Gbit, les mémoires GDDR6 sont en effet, pour la première fois depuis des lustres, au même niveau de densité que les DDR4 tout en offrant des bandes passantes bien supérieures (les DDR4 sont limitées à 3,2 Gbit/s par broche). Et, dans les applications haut de gamme, cette rapidité peut suffire à compenser leur coût supérieur, si tant est que l'on mâche le travail de commande numérique pour l'utilisateur, ce qui est précisément le but de l'association entre Micron et Rambus, Northwest Logic et Avery Design. Micron a par ailleurs récemment dévoilé une gamme dite GDDR6N de mémoires GDDR6 adaptées aux besoins spécifiques des réseaux de communication, notamment pour ce qui est de la conformité aux normes Jedec de qualité, de robustesse et de disponibilité attenantes aux systèmes de réseaux et d'entreprises. Pour l'heure, Micron échantillonne plusieurs références de mémoires GDDR6 de 8 Gbit, caractérisées par des vitesses de transfert allant de 10 à 14 Gbit/s par broche (un peu moins rapide, donc, que chez Samsung) et des tensions d'alimentation de 1,25 V ou 1,35 V selon les modèles. Même son de cloche chez SK Hynix, qui propose quatre références de mémoires GDDR6 de 8Gbit fonctionnant sous 1,25 V à 1,35 V et délivrant 10 à 14Gbit/s par contact. Le sud-coréen SK Hynix demeure le principal rival de son compatriote Samsung en mémoires Dram. Plus de 300Go/s par boîtier Pour les applications nécessitant encore davantage de bande passante que les mémoires GDDR5/6, les modules HBM et leur interface pléthorique (jusqu'à 1 024 entrées/sorties pour les modèles actuels) prennent alors le relais. Samsung Electronics vient de démarrer la production en volume de ses mémoires HBM2 8 Go de deuxième génération. Baptisée Aquabolt, cette mémoire HBM2 atteint un taux de transfert de 2,4Gbit/s par broche, un record dans l'industrie pour la technologie HBM selon le sud-coréen. À titre de comparaison, à tension de fonctionnement identique (1,2V), la première génération de mémoires HBM2 8Go de Samsung ne délivrait que 1,6 Gbit/s par broche. Une mémoire Aquabolt peut dès lors véhiculer jusqu'à 307Go/s au total, environ dix fois plus qu'une mémoire GDDR5 équivalente. Pour atteindre ce niveau de performances, Samsung a amélioré les liaisons traversantes TSV ( throughsilicon vias ) afin de réduire les décalages d'horloge. Rappelons que les mémoires HBM sont constituées de puces mémoires empilées, ici huit puces de 8Gbit chacune reliées par plus de 5000 liaisons TSV. Samsung a également augmenté le nombre de billes thermiques (thermal bumps) entre les puces pour faciliter le contrôle thermique dans chaque boîtier, et ajouté une couche protectrice additionnelle à la base des HBM2 pour les rendre plus robustes. Là encore, Samsung est suivi comme son ombre par la concurrence : son compatriote SK Hynix a lui aussi ajouté à son catalogue daté du premier trimestre 2018 un module HBM à huit puces empilées référencé H5VR64ESA8H-N2C, avec des performances similaires à celui de Samsung (2,4Gbit/s par broche, 307Go/s pour le boîtier entier, alimentation sous 1,2V). DES MÉMOIRES TRÈS LUCRATIVES... POUR L'INSTANT > Le classement mondial 2017 des fournis-seursdesemi-conducteursindique assez clairement l'importance prise par les mémoires, qui ont représenté les deux tiers de la croissance annuelle du secteur en raison d'un prix moyen en forte hausse, si l'on en croit une étude préliminaire de la société d'analyse Gartner. Ainsi Samsung a-t-il doublé Intel, détrôné pour la première fois depuis un quart de siècle, avec des ventes en progression de 52,6%. SK Hynix prend la troisième place du podium à Qualcomm à la faveur d'un chiffre d'affaires qui a bondi de 79%, peu ou prou la même progression que celle enregistrée par Micron Technology, désormais quatrième fournisseur mondial de circuits intégrés. Même si son activité mémoires est actuellement en vente et qu'elle ne représente qu'une partie de ses activités en semi-conducteurs, Toshiba a lui aussi profité de l'engouement actuel pour les mémoires, avec des ventes en hausse de 29%. > Enfin, on notera que Western Digital passe de la dix-septième à la neuvième place du classement, ses ventes (mémoires flash héritées de SanDisk en partenariat avec Toshiba) ayant plus que doublé pour passer de 4,17 à 9,18 milliards de dollars. > Pour autant, ces résultats exceptionnels ne sauraient faire oublier la nature cyclique du marché des mémoires. De nouvelles technologies et capacités de production vont commencer à faire fondre les prix de vente cette année pour les flash (généralisation des flash V-Nand à 32 couches et plus), et dès l'an prochain pour les Dram (DDR4, GDDR6, HBM2). Il est donc fort possible qu'en 2018 ou 2019, Samsung repasse derrière Intel, voire même derrière Broadcom si l'américain parvient à absorber Qualcomm/NXP.

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