Couverture ElectroniqueS n°127

Les drones sont notamment utilisés pour la cartographie des parcelles, ce qui permet d'optimiser les traitements des plantes (apports d'eau, d'engrais, de pesticides…). Dans certains pays, leur utilisation se heurte cependant encore à des impératifs légaux. < L'agriculture est le premier utilisateur de drones de l'Hexagone. Ces engins volants autonomes sont utilisés pour cartographier des parcelles. Ici le Bluegrass de Parrot, quadricoptère de 1,9 kg qui peut cartographier 30 hectares en 25 minutes. C 'est depuis 2011 que les drones ont pris de l'importance dans les sphères de l'industrie et de l'agriculture. Aujourd'hui, l'agriculture est le premier utilisateur de drones de l'Hexagone. Ces engins volants sans pilote, dirigés depuis un smart-phone ou une tablette ou pro-grammés pour voler de façon autonome, sont utilisés pour cartographier des parcelles ou des micro-parcelles. Dotés de caméras multi-spectrales – fonctionnant dans les bandes de fréquences de l'infrarouge, de l'infrarouge proche, du rouge et du vert –, ils captent les réflexions de la lumière solaire sur les plantes. Traités de façon informatique, par exemple par la plateforme Airinov, ces signaux permettent de caractériser les plantes quant à leurs teneurs en eau, en azote, etc… Ils permettent de dresser des cartes mosaïques qui manifestent les différences d'évolution ou de santé des végétaux, pointent le manque d'eau ou la maladie. Dans la pratique, les drones ont commencé à remplacer la collecte manuelle de données : en effet, ils sont beaucoup plus rapides et moins onéreux. Ainsi, la cartographie par drone d'une surface de 30 ha ne nécessite que 30 minutes. Et, la société de services Airinov ne demande, par exemple, que de 10 à 15 euros par hectare pour cartographier des champs. Dans la collecte de données, les drones remplacent aussi les satellites et les avions. En effet, volant à basse altitude (moins de 150 m), ils présentent l'avantage de ne pas être tributaires, à l'inverse de ces derniers, des conditions météorologiques. En outre, l'utilisation des drones est moins coûteuse et plus précise (du fait de la moindre altitude de survol des parcelles). Les agriculteurs se servent notamment de drones pour la surveillance des cultures et la détection précoce des maladies pouvant affecter les plantes. Les drones permettent aussi d'améliorer la précision des apports en eau, en engrais, pesticides, herbicides, insecticides… Ils repèrent, par exemple, le degré d'humidité du sol ce qui permet d'envisager le drainage ou, au contraire, l'arrosage. Les interventions de tracteurs, épandeurs et pulvérisateurs sont ensuite facilitées par l'existence de liaisons informatiques avec ces matériels, ainsi que par l'utilisation des données GPS fournies par le drone. Dans les faits, les utilisations des drones sont multiples et diverses. Les données récoltées par drone peuvent servir, par exemple, à sélectionner les plantes les plus résistantes. Une recherche via drone a ainsi permis de constater qu'un stress hydrique appliqué au début de la pousse du plant de maïs renforce la résistance de ce végétal à la sécheresse. 20 % d'économie sur les engrais Toutefois, ce sont évidemment les économies permises par l'emploi de drones qui séduisent le plus les agriculteurs. Ces économies portent essentiellement sur la rationalisation de l'apport en engrais et en produits phytosanitaires. Ainsi, grâce la cartographie par drone de ses champs de colza, un paysan annonce une économie de 20 % sur l'utilisation d'engrais. Une autre expérimentation, menée aux PaysBas, a porté sur l'optimisation d'apport d'azote dans les champs de pommes de terre. Il faut de l'ordre de 250 kg d'azote par hectare et par an pour fertiliser les champs de pommes de terre, mais grâce à la surveillance par drone, on a pu réduire cet apport : pour ce, on applique les deux tiers de la masse nécessaire (soit 167 kg) au démarrage de la culture, puis une fois la plante poussée, on évalue, via collecte de don-nées par drone, les besoins résiduels en azote des plants de pommes de terre. Il en résulte une économie substantielle. D'une manière générale, le rendement sur investissement (ROI) relatif à la collecte de données par drone s'avère plus qu'intéressant : dans le cas du colza, pour un investissement moyen de 10 à 15 € par hectare, l'économie réalisée – via minimisation des apports de produits et amélioration des récoltes – est, en moyenne, de 100 € par hectare. Dans le cas du blé, l'économie réalisée est de l'ordre de 70 € par hectare. Les données récoltées par le drone servent à l'élaboration de cartes mosaïques qui pointent les caractéristiques des cultures et permettent des apports appropriés d'eau et d'engrais. Ici, carte mosaïque Delair. Des drones de plus en plus puissants Quand cela est légalement possible, le drone peut aussi être employé pour la pulvérisation de produits, notamment dans les vignes et les vergers, pour l'apport d'intrants, ou encore pour l'élimination d'insectes nuisibles (guêpes, frelons asia-tiques…). Le drone TrichoFly d'Agribird a ainsi permis de lutter contre la pyrale du maïs (lépidoptère dont la chenille attaque le maïs). Dans la pratique, au cours d'un vol qui a duré 20 minutes, ce drone a largué sur les trois hectares de maïs infesté, 6 000 billes contenant des larves de trichogrammes (parasites qui s'insi-nuent dans les œufs des insectes ciblés). Deux familles de drones coexistent : les drones à voilure fixe, qui sont des ailes volantes (eBee de SenseFly, aile Disco de Parrot…), et les drones à voilure tournante à l'allure d'hélicoptère. Ce sont ces derniers qui font aujourd'hui le plus l'objet d'annonces. En février 2018, juste avant le salon de l'Agriculture, Parrot a ainsi débuté la commercialisation du Bluegrass, un quadricoptère de 1,9 kg pourvu d'une caméra frontale et d'un capteur multispectral destiné à l'observation fine des cultures. Doté d'une autonomie maximale de 25 minutes, ce drone peut cartographier 30 hectares au cours d'un vol. Équipé, il coûte quelque 5 000 €, son prix incluant un abonnement à la plateforme Airinov (pour l'interprétation des données et la réalisation de la carte mosaïque) et un mois de licence Pix4D, celle-ci permettant la programmation du drone pour des vols autonomes. Le chinois DJI participe aussi à l'émergence des drones. Son Agras MG-1S est dédié à la pulvérisation et à l'épandage. Caractérisé par une autonomie de vol comprise entre 10 et 20 minutes suivant la charge emportée, ce drone assure une pulvérisation très précise. Grâce à deux pompes indépendantes, l'une pour les buses avant, l'autre pour les buses arrière, et grâce à des capteurs de pression et de débit surveillant l'opération. En outre, il est doté d'un système à trois radars facilitant la conservation d'une altitude constante durant le vol. Appartenant à la même catégorie des transporteurs, l'Agronator du suisse Rauch est un drone à 8 rotors autori-sant une charge utile de 30 kg. D'envergure 4 m, il assure l'ap-port d'engrais, la dépose de graines, de granulés anti-limaces… Son autonomie de vol est de 40 minutes et le temps de charge de seulement 20 minutes. Quand cela est permis, le drone peut être utilisé pour la pulvérisation de produits, pour l'apport d'intrants, ou encore pour l'élimination d'insectes nuisibles (frelons asiatiques…). Ici, le projet AgroDrone de la start-up néerlandaise Drone4Agro. En ce qui concerne la pulvérisation de produits, en France, le code rural interdit le traitement aérien par les produits phytosanitaires. Ici, le drone Agras MG-1S (fabricant DJI) en action en Suisse. < Ce sont les économies permises par l'emploi de drones qui séduisent le plus : ainsi de la réduction de l'apport en engrais (jusqu'à 20 % dans le cas du colza). En ce qui concerne les drones « poids lourds », la start-up néerlandaise Drone4Agro travaille à finaliser l'AgroDrone, un drone à charge utile 100 kg. D'envergure 3 m, ce drone est mu par 12 hélices. Son autonomie en vol est de l'ordre de 20 minutes, extensible à 1,5 heure via des batteries auxiliaires. Ce travail est en partie supporté par des subsides européens. Des problèmes réglementaires L'adoption des drones par l'agriculture se heurte néanmoins à des problèmes. D'abord, la fiabi-lité des données récoltées par le drone est en question. Des chercheurs ont mis en évidence l'impact de la luminosité, de l'angle d'observation et de l'altitude sur ces données. Ils pro-posent même un algorithme visant à corriger l'influence de ces paramètres. Ensuite, l'interprétation même des informations est difficile. La nécessité de références oblige aussi à une récolte manuelle de données (teneurs en constituants…). Enfin, en ce qui concerne, la pulvérisation de produits, en France, le code rural interdit le traitement aérien par les produits phytosanitaires, sauf pour remplacer un traitement au sol dangereux pour les ouvriers. Même s'il existe des dérogations, comme pour le traitement du mildiou dans les vignes du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, cette législation française obère donc le développement de la pulvérisation its, par drone. Néanmoins, cela pourrait changer car la réglementation européenne est, dans ce domaine, plus permissive. Au final, l'avenir s'annonce plutôt bon pour le drone agricole dont l'interopérabilité avec les autres robots dédiés à l'agriculture progresse sans cesse. Ainsi, Delair (drones) s'est-il associé dans ce sens avec John Deere (tracteurs). En outre, d'une manière générale, la demande des consommateurs pour davantage de traçabilité des produits favorise la robotisation et l'informatisation de l'agriculture. Les pays en développement sont aussi demandeurs de drones. Le CTA (Centre technique de coopération agricole et rurale), qui est une organisation internationale de développement intervenant dans les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, a lancé un programme (20162020) pour la promotion de l'utilisation du drone dans l'agriculture au sein de ces régions. Quant à la Tunisie, elle a annoncé, en début d'année, un projet visant à utiliser les drones pour le développement de l'agriculture dans le pays, projet comportant un volet « Optimisation de la gestion de l'eau ». C'est le fonds sud-coréen Koafec qui a investi (1 M$) dans ce projet. La maîtrise d'œuvre est le fait du sud-coréen Busan Techno Park qui transfèrera les résultats des travaux menés aux Tunisiens et assurera la formation de 32 étudiants au pilotage de drone, à la collecte et à l'analyse des données. En France, notons une formation de pilote de drone pour les BTSA du lycée agricole de Dax (Landes). La formation conduit à un brevet de télé-pilote de drone professionnel.

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