Couverture ElectroniqueS n°127

Le niveau de bruit des alimentations à découpage est critique dans les boucles d'asservissement de phase, les oscillateurs commandés en tension, les CAN, les amplificateurs… Le choix d'un convertisseur DC-DC faible bruit s'impose alors. D ans les réseaux de télécommunication, la conversion en fréquence intermédiaire (FI) du bruit basse fréquence (BF) injecté par les alimentations des oscillateurs et des amplificateurs, après mélange avec le signal RF, se traduit par la formation de bandes latérales de chaque côté de la fréquence FI. Il en résulte une augmentation du bruit de phase et la création d'erreurs de phase durant la détection des signaux modulés numériquement. Ce qui a pour effet de limiter la performance du réseau. Le présent article fait état des sources de bruit BF dans les transistors bipolaires, les Mosfet et les résistances, et montre comment le bruit se propage jusqu'à la sortie d'un convertisseur afin de se superposer à la tension délivrée. Une comparaison des résultats obtenus avec un convertisseur DC-DC standard et un modèle optimisé en bruit est également réalisée. Le bruit de scintillation Les bruits rencontrés dans les circuits intégrés prennent différentes formes : bruit de scintillation, communément appelé bruit de flicker, bruit thermique, bruit de grenaille ( shot noise ), bruit popcorn, bruit de génération-recombinaison. L'examen du spectre de bruit basse fréquence de la tension de sortie d'un convertisseur DC-DC montre que le bruit de flicker et le bruit thermique sont prépondérants. Le premier est également connu comme étant le bruit en 1/f. Il est observé dans tous les circuits électroniques avec tension de polarisation, entre des fréquences allant de 10 -6 Hz à quelques centaines de hertz. Ce bruit est le résultat d'une modu-lation de la conductivité d'un canal. La conductivité ( ) d'un semi-conducteur est le produit de la concentration et de la mobilité des porteurs de charge. Elle s'exprime selon la relation suivante : q(n e + p h où q représente la charge d'un électron, n et p la concentration des électrons et des V 2 trous, th 4kTRx f µ e et µ h la mobilité des électrons et des trous dans le matériau, respectivement. Dans la littérature scientifique, deux modèles l 2 tentent d'expliquer cette modula-sh 2qI f tion de la conductivité : un modèle de fluctuation du nombre de porteurs de charge développé par McWhorter en 1957, et un v 2 modèle thr de fluctuation de la mobilité des porteurs b développé par Hooge en 1969. VARUN JOHN (TEXAS INSTRUMENTS) Diplômé de l'Institut de technologie de Manipal (Inde) et de l'Université technique de Chemnitz (Allemagne), Varun John est responsable de la validation des nouveaux convertisseurs DC-DC au sein de Texas Instruments. Deux modèles équivalents de circuits à transistor bipolaire et à Mosfet. Les sources de courant de bruit sont placées en parallèle sur les terminaisons base-émetteur et drain-source. Le modèle de McWhorter part du principe que le bruit de flicker est un phénomène de surface dû à la variation des concentrations des porteurs causée par les charges piégées en surface. Compte tenu de l'imperfection de l'interface entre les couches de silicium et de dioxyde de silicium (SiO2 ), on constate la présence de pièges ou d'états énergétiques intermédiaires dans la bande interdite de l'interface Si-SiO2 . Les défauts dans le SiO2 font également naître des pièges dans le SiO2 massif. Appliquée aux Mosfet, la théorie de McWhorter affirme que les pièges capturent et relâchent des porteurs de charge du canal, entraînant un décalage de la tension de seuil (Vt) et une fluctuation de la concentration des porteurs. Les constantes temporelles de ces transitions dépendent alors de la distance des pièges à partir de la surface. Les plus éloignés présentent moins de probabilité de piéger des porteurs. Dans le modèle de fluctuation de la mobilité élaboré par Hooge, le bruit de flicker dans les semi-conducteurs trouve principalement son origine dans deux mécanismes de dispersion impactant les porteurs de charge : une dispersion au sein du maillage du semi-conducteur et une dispersion due aux impuretés. Ce modèle est le plus à même d'expliquer le bruit de scintillation dans les transistors bipolaires, tandis que le modèle de McWhorter est plus adapté aux Mosfet. Le bruit thermique Les mouvements aléatoires des porteurs (f de 0 ) charge dus à l'excitation thermique au sein d'un médium résistif entraînent des fluctuations de tension, connues sous le nom de bruit thermique. Également appelé bruit Johnson ou bruit de résistance, le bruit thermique est un bruit blanc à large bande. L'équation suivante donne la den- q(n e+ p h sité spectrale du bruit thermique aux bornes d'une résistance (R) : V 2 th 4kTRx f où k est la constante de Boltzmann, T la température l 2 sh 2qI f absolue, f la largeur de la bande de fréquence, alors que 4 kT correspond à 1,61 x 10 -20 VC, à température ambiante. v 2 Figure 2.-Système de référence à faible bruit du TPS63710 Un réseau RC placé sur la broche CAP filtre le bruit provenant de VREF . La tension sur cette broche constitue la référence à faible bruit de l'amplificateur d'erreur. La tension de sortie V 47 µF TPS63710 OUT est ramenée en interne à 0,9xVOUT, avant de faire office d'entrée négative de l'amplificateur d'erreur. thr Le bruit b thermique est souvent modélisé sous la forme d'une source de tension en série l 2 shb + avec l 2 la résistance. Une résistance de l/fb 50 à température ambiante est ainsi associée à une source de tension de bruit de l 2 1 thb +nV/ Hz l 2 environ. Cependant, cette l/fb valeur augmente avec la résistance SW 1 MHz Le bruit de grenaille Réalisation permettant de mesurer le spectre de bruit en sortie du convertisseur DC-DC, soit à l'aide d'un analyseur de spectre, soit avec un analyseur de signal E utilisant V i Z s I(i) une fonction FFT. Le bruit de grenaille est une fluctuation du courant causée par la structure discrète des charges qui le composent. Le flux de courant qui traverse une barrière potentielle n'est pas uniforme, mais se compose de porteurs de charge indépendants qui arrivent de manière aléatoire. La densité q(n spectrale e + p du hbruit de grenaille représentée est indépendante de la température, mais est proportionnelle au courant qui traverse V 2 la th 4kTRx f jonction. Ce qu'indique la relation ci-après : l 2 sh 2qI f où I est le courant de jonction. Le bruit de grenaille v 2 est modélisé sous la forme d'une thr source b de courant reliée en parallèle avec la résistance de jonction en petit signal. Sa contribution au bruit général est souvent minime, en raison du faible courant dans le système de référence d'un convertisseur DC-DC. Le bruit basse fréquence d'un semi-conducteur peut également inclure le bruit en créneaux, encore appelé bruit pop-corn ou bruit télégraphique, et le bruit de génération-recombinaison. Pour les process de fabrication bien établis, la valeur efficace de ces sources de bruit est plus faible que celle des bruits thermique et de scintillation. Pour les deux convertisseurs DC-DC TPS54622 et TPS63710, le bruit thermique est prépondérant à partir de 1 kHz. À des fréquences très basses, le bruit de flicker apporte la plus forte contribution au bruit global. Des modèles de bruit pour les Mosfet et les transistors bipolaires La figure 1 présente deux modèles équivalents de circuits à transistor bipolaire et à Mosfet, avec leurs sources de bruit. Dans un transistor bipolaire, la couche de la base offre une certaine résistance (rb ), qui produit un bruit thermique additionnel. Ce phénomène est modélisé comme une source de tension ( voir figure 1 ) en série avec rb . Le courant de base provient de l'injection des porteurs de charge entre l'émetteur et la base et de la recombinaison de ces porteurs au sein de la base. Ces deux phénomènes sont aléatoires et indépendants et s'accompagnent d'un bruit de grenaille. Le courant de base produit également du bruit de scintillation provenant des méca-nismes de dispersion dans la base. Ces deux sources de bruit peuvent être combinées et représentées par une source de courant ( voir figure 1 ) en parallèle avec la jonction base-émetteur. Le courant de collecteur est formé par les porteurs de charge qui diffusent à travers la jonction base-émetteur et qui sont accélérés par le champ au travers de cette jonction. La diffusion du courant est un processus aléa-toire, source de bruit de grenaille dans le courant du collecteur. On le modélise comme une source de courant en parallèle avec les terminaisons collecteur et émetteur. Dans le cas des Mosfet, outre le bruit de scintillation, la résistance entre le drain et la source produit un bruit thermique dans le canal. De la même façon, on peut combiner le bruit thermique et le bruit de scintillation, pour obtenir une modélisation sous la forme d'une source de courant ( voir figure 1 ) en parallèle avec les terminaisons drain et source. Le bruit BF des convertisseurs DC-DC Le bruit basse fréquence superposé à la tension de sortie fournie par un convertisseur DC-DC provient de l'alimentation du système de référence, ainsi que des transistors et résistances internes dudit système. La densité spectrale du bruit de sortie basse fréquence d'un convertisseur DC-DC peut être très différente d'un modèle à l'autre. À titre d'exemple, nous effectuerons la comparaison des résultats obtenus entre deux systèmes : le premier avec le TPS63710, un convertisseur faible bruit, le second avec le TPS54622, qui est un convertisseur DC-DC abaisseur ( buck ) classique, pour lequel aucun dispositif particulier de filtrage du bruit n'a été prévu. Comme le TPS63710 est un modèle inverseur, il délivre une tension de sortie négative à partir d'une tension d'entrée positive. Pour ce qui est du TPS54622, il suffit d'interchanger les broches de sortie (VOUT ) et de masse (GND) pour configurer ce convertisseur abaisseur en convertisseur abaisseur-élévateur ( buck-boost ) inverseur. Modifier la résistance de contre-réaction (FB) en conséquence permet d'obtenir une tension de sortie correcte. La figure 2 présente le système de référence à faible bruit du TPS63710. Les résistances de contre-réaction externes R1 et R2, ainsi que la tension VBG de la bande interdite ( bandgap ) déterminent la valeur de la tension de référence (VREF ). La tension VREF est négative et plus faible que la tension de sortie, grâce au gain apporté par l'amplificateur d'erreur. Un réseau RC, composé d'une résistance de 100 k interne et d'un condensateur externe placé sur la broche CAP, filtre le bruit provenant de la broche VREF . La tension sur cette broche constitue la référence à faible bruit de l'amplificateur d'erreur. La tension de sortie VOUT est ramenée en interne à 0,9 x VOUT, avant de faire office d'entrée négative de l'amplificateur d'erreur. Cette configuration à faible gain (1/0,9) de l'amplificateur garantit que le bruit provenant de ce dernier n'est pas amplifié. Une méthode pratique pour mesurer le bruit BF La figure 3 illustre une réalisation possible pour mesurer le spectre de bruit de la tension de sortie d'un convertisseur DC-DC. Le spectre de bruit sera mesuré soit à l'aide d'un analyseur de spectre hétérodyne, soit avec un analyseur de signal utilisant une fonction FFT (transformée de Fourier rapide). Dans notre exemple, un analyseur de signal HP35670 a été mis à profit pour réaliser les mesures, du fait des limites des analyseurs de spectre dans la zone des très basses fréquences. Il est recommandé d'alimenter le convertisseur DC-DC et l'amplificateur opérationnel à partir d'une batterie connectée sur l'entrée du convertisseur DC-DC. De la sorte, tout bruit provenant de l'alimentation électrique est éliminé. Si la batterie n'est pas capable de fournir un courant suffisant au convertisseur DC-DC, une solution consistera à opter pour une alimentation à faible bruit. Mais à la condition que le convertisseur DC-DC sous test offre un taux de réjection d'alimentation (PSRR) suffisamment élevé dans la bande de fréquence de mesure. La plupart des analyseurs de spectre et de signal n'acceptent qu'une tension DC nulle ou de niveau très bas sur leur entrée. Il faut donc prévoir un bloqueur DC, ou un filtre passe-haut sur la sortie du convertisseur DC-DC. Le condensateur C2 doit être choisi de telle sorte que la fréquence de coupure du filtre passe-haut R3 - C 2 soit au moins dix fois inférieure à la fréquence de mesure la plus basse. Ainsi, un condensateur de 0,3 F et une résistance de 50 fixent la fréquence de coupure à 10 mHz, avec une fréquence mesurable minimale de 100 mHz. En choisissant un amplificateur opérationnel OPA842 à faible bruit, en configuration non-inverseuse, avec un gain de 100, la tension de bruit en sortie du convertisseur DC-DC est amplifiée de façon à ce qu'elle soit située au-delà du plancher de bruit de l'analyseur de signal. Le plancher de bruit de l'analyseur HP35670 a été mesuré aux alentours de 300 nV/ Hz. Pour éviter l'injection d'un bruit thermique, il est primordial que des résistances de forte valeur ne soient pas connectées sur l'entrée inverseuse de l'amplificateur opérationnel. Un autre filtre passe-haut est placé à la sortie de l'amplificateur opérationnel. Il est formé du condensateur C5 et de la résistance de terminaison interne de 50 de l'analyseur. Une telle structure filtre toute tension DC de décalage présente à la sortie de l'amplificateur opérationnel. La figure 4 donne la représentation de la densité spectrale de bruit des tensions de sortie des systèmes réalisés autour des TPS63710 et TPS54622. Ces deux circuits sont ici alimentés par une batterie de 6,5 V, alors que la tension de sortie VOUT a été fixée à - 1,8 V par l'intermédiaire des résistances de contre-réaction. Un condensateur de 10 µF placé sur la broche CAP du TPS63710 assure le filtrage du bruit. L'examen des spectres montre un bruit thermique prédominant à partir de 1 kHz. À des fréquences inférieures, l'influence du bruit de flicker se fait sentir, jusqu'à apporter la principale contribution au bruit global à des fréquences très basses. n RÉFÉRENCES 1) Matt Loy. « Understanding and Enhancing Sensitivity in Receivers for Wireless Applications. » Rapport technique Texas Instruments (SWRA30), mai 1999. 2) Alan L. McWhorter. « 1/f noise and germanium surface properties. » Semiconductor Surface Physics, University of Pennsylvania Press (Philadelphie, Pennsylvanie), 1957 : pp. 207-228. nt : ES_97_RECOM.pdf;Page : 1;Form 3) F.N. Hooge. « 1/f noise sources. » IEEE Transactions on Electron Devices 41, n°11 (novembre 1994) : pp. 1926-1935. 4) G. Reimbold. « Modified 1/f trapping noise theory and experiments in MOS transistors biased from weak to strong inversion – influence of interface states. » IEEE Transactions on Electron Devices 31, n° 9 (septembre 1984) : pp. 1190-1198. 5) Kent H. Lundberg. « Noise Sources in Bulk CMOS », 2002. 6) Alicja Konczakowska et Bogdan Maciej Wilamowski . « Noise in Semiconductor Devices », 2010. 7) Yannis Tsividis. « Operation and Modeling of the MOS Transistor. » McGraw-Hill (New York, New York), 1987. 8) Tahar Allag et Chris Glaser. « Using the TPS6215x in An Inverting Buck-Boost Topology. » Rapport d'application Texas Instruments (SL VA469C), novembre 2011, révisé en juin 2013. mposite;Date : 01. Oct 2018 - 11

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