Couverture ElectroniqueS n°127

Les possibilités d'un oscilloscope numérique sont aujourd'hui presque infinies. Comme le montre Tektronix dans cet article, un oscilloscope de la nouvelle série MSO 6 peut, par exemple, être mis en œuvre pour caractériser et vérifier la stabilité des circuits d'horloge numériques dans les systèmes embarqués. Rappelons que les horloges sont cruciales pour maintenir des références temporelles et une synchronisation entre composants, sous-systèmes et systèmes entiers. S i l'on fait une comparaison avec le corps humain, les horloges peuvent être vues comme le rythme cardiaque d'un système embarqué, car elles fournissent des signaux de référence temporelle ( timing ) et de synchronisation entre les différents composants, les sous-systèmes et les systèmes. D'ailleurs, des erreurs temporelles et d'amplitude au niveau d'un signal d'horloge peuvent avoir des conséquences sur la fiabilité du fonctionnement du circuit numérique. Des anomalies ou des gigues temporelles et de bruit peuvent en effet dégrader les performances du système, ou les rendre intermittentes. Cela signifie que la caractérisation approfondie des signaux d'horloge est une étape cruciale pour s'assurer de la fiabilité de la conception d'un système embarqué. Intéressons-nous plus particulièrement à la gigue, qui est, par définition, une déviation non désirée d'une transition de ten-sion ser vant à représenter les informations temporelles, par rapport à la position où elle devait être. Certaines gigues sont inévitables dans les systèmes électroniques, mais une faible gigue n'aura presque aucune influence sur les performances du système. Les solutions embarquées doivent toutefois pouvoir résister en dehors de l'environnement contrôlé d'un laboratoire. Des problèmes mineurs peuvent, dans le cas contraire, rapidement devenir critiques sous de bonnes conditions, ou de mauvaises conditions suivant le cas. C'est la raison pour laquelle, pour qu'un système fonctionne d'une manière fiable dans de nombreuses conditions, la caractérisation approfondie de la stabilité des niveaux et de la gigue de l'horloge numérique est obligatoire. Sur la capture d'écran de gauche, le niveau bas de l'horloge est d'environ 750 mV et le niveau haut d'environ 2,4 V. Le zoom fournit plus de détails (à droite), mais peut être difficile à réaliser si le signal varie au cours du temps. LEE MORGAN (TEKTRONIX) Lee Morgan est EMEA Market Development Manager chez Tektronix, spécialisé dans les secteurs de l'embarqué, de la puissance et de l'automobile. Avec plus de 18 années d'expérience dans le secteur du test et de la mesure, il a occupé différents postes dans les industries des télécommunications mobiles, de l'électronique et de la puissance. L'évaluation d'un signal d'horloge avec un oscilloscope numérique commence par l'observation de l'amplitude du signal. Comme le montre la figure 1a, l'échelle verticale indique que le niveau bas de l'horloge est d'environ 750 mV et le niveau haut d'environ 2,4 V. L'échelle horizontale, elle, permet de déterminer que la période de l'horloge est d'environ 25 ns, ce qui cor-respond à une fréquence de 40 MHz. Dans le cas d'une visualisation rapide, cette précision de mesure peut se révéler suffisante. Pour réaliser des mesures temporelles et d'amplitude plus précises, il faut zoomer sur un cycle d'horloge et utiliser les curseurs. Comme on le voit sur la figure 1b, la résolution des mesures est nettement améliorée, mais elles s'effectuent sur une seule période d'horloge et peuvent alors être difficiles à réaliser si le signal varie au cours du temps. Pour obtenir une information plus précise sur l'amplitude, les algorithmes de mesures automatiques traitent numériquement le signal échantillonné. Mesures de stabilité en fréquence Une autre manière d'obtenir une information plus précise est d'utiliser les algorithmes de mesures automatiques, qui traitent en fait numériquement le signal échantillonné ( voir figure 2 ). Signalons que les mesures « Haut » et « Base » sont similaires aux mesures réalisées précédemment avec les curseurs horizontaux, mais avec une meilleure résolution. De plus, la mesure « crête-à-crête » est la différence entre les mesures maximale et minimale. La mesure d'amplitude correspond alors à la différence entre les mesures « Haut » et « Base », ces valeurs fournissant un bon aperçu. Mais il y a un bémol : comment évoluent les résultats de mesure au cours du temps ? Les statistiques de mesure peuvent être très utiles pour vérifier que les caractéristiques d'amplitude sont dans les spécifications requises. En ce qui concerne la stabilité de timing, elle peut être déterminée avec des mesures de période automatiques. La courbe de tendance corrélée dans le temps (Time Trend) permet une meilleure compréhension des variations de fréquence. L'une des manières de pouvoir voir l'évolution de ces résultats dans le temps est d'utiliser un tableau des résultats, qui regroupe les valeurs mesurées et les statistiques de mesure. Ces dernières sont calculées sur toutes les acquisitions, depuis la première jusqu'à celle en cours ( voir figure 3 ), ce qui permet de mieux comprendre la stabilité à plus long terme. À partir des statistiques de mesures d'amplitude accumulées, il est possible de comparer les mesures aux valeurs de la fiche technique du driver d'horloge et de celles des composants fonctionnant avec ce signal d'horloge, pour vérifier que les caractéristiques d'amplitude sont conformes aux spécifications. Par exemple, la valeur « Max » de la mesure maximale et la valeur « Min » de la mesure minimale sont comprises dans les spécifications de la tension d'entrée du récepteur. La valeur « Min » de la mesure « Haut » est supérieure aux tensions spécifiées VOH min du driver et VIH min du récepteur. Enfin, la valeur « Max » de la mesure « Base » est inférieure aux tensions spécifiées VOL max du driver et VIL max du récepteur. Le spectre, situé en bas au milieu, présente des composantes de gigue significatives aux fréquences de 7,1 MHz, 20 MHz et 30,3 MHz. Une horloge fonctionnant à une fréquence proche de 7,1 MHz se révèle être l'agresseur. Avec l'affichage de type « gradient de température », il devient facile d'identifier des phénomènes relativement rares, comme les variations de fréquence importantes (ici en bleu). À l'instar des mesures d'amplitude, les mesures de timing automatiques peuvent fournir des mesures horizontales rapides. Les valeurs µ', visibles dans les résultats de mesure à droite de l'écran ( voir figure 4 ), représentent les valeurs moyennes des mesures temporelles pour l'acquisition en cours. Dans cet exemple, la mesure de la période donne un résultat similaire à celle réalisée avec les curseurs verticaux dont on a discuté précédemment, mais avec une résolution plus élevée et un rafraîchis-sement plus rapide. La mesure de la période est bien égale à la somme des mesures de largeur d'impulsions positives et négatives, et la mesure de la fréquence est, elle aussi, l'inverse de celle de la période. Cela permet donc de comparer les mesures ainsi obtenues aux données techniques de récepteurs utilisant le signal d'horloge, pour vérifier que les caractéristiques temporelles sont dans les spécifications. Prenons les exemples suivants : les valeurs « Max » et « Min » des mesures de fréquence sont dans la gamme spécifiée pour l'horloge (fclock ) ; la valeur « Min » de la mesure de largeur d'impulsions positives et celle de la mesure de largeur d'impulsions négatives sont supérieures aux durées minimales d'impulsion spécifiée respectives (CLK high et CLK low). Les mesures temporelles automatiques standards sont un bon point de départ pour l'analyse de la gigue, en permettant de vérifier si la fréquence d'horloge est dans les spécifications, ou non. L'ajout de statistiques de mesure, telles que les fréquences minimum et maximum, rend les concepteurs plus confiants dans la continuité des impulsions d'horloge. L'écart-type ( ), quant à lui, offre une mesure quantitative de la stabilité de la fréquence au cours du temps. Ces statistiques apportent toutefois peu d'informations sur la façon dont la fréquence varie. Les techniques de mesures statistiques, comme un histogramme des mesures de fréquence avec une échelle verticale logarithmique, sont une aide précieuse pour détecter des anomalies rares. En utilisant un déclenchement sur largeur d'impulsions, une analyse approfondie de ce circuit d'horloge montra que le contrôleur de la PLL était occasionnellement réinitialisé. Pour aller vers plus de détails, la fenêtre d'acquisition a été élargie à 10 µs pour augmenter le nombre de cycles présents dans une acquisition et, donc, le nombre de mesures de cycle disponibles ( voir figure 5 ). La courbe de tendance corrélée dans le temps (Time Trend), située dans la partie inférieure de l'écran, montre les variations de la mesure de fréquence au cours de l'acquisition. Cette courbe de tendance apporte une meilleure compréhension des variations de fréquence que celle des statistiques de mesure, mais cela reste toujours difficile de savoir si ces variations sont aléatoires ou causées par des facteurs systématiques, tels que des signaux proches. Réaliser l'analyse de la gigue L'histogramme des mesures de fréquence, en haut à gauche de la figure 6, suggère que les variations fréquentielles ne sont pas complètement aléatoires – ce n'est pas une distribution gaussienne classique. Cette forme suggère que d'autres signaux pourraient interférer avec le signal d'horloge. Le spectre montre en effet deux composantes fréquentielles significatives autour des fréquences de 7 MHz et 20 MHz. Ces mesures, ainsi qu'une connaissance des circuits électroniques environnants, peuvent permettre de trouver la source des variations de fréquence de l'horloge, mais il est difficile d'identifier, parmi plusieurs sources d'erreur potentielles, celle qui domine. Pour cela, il faut passer par la décomposition de la gigue temporelle en ses différentes composantes. Pour commencer une analyse de la gigue, mesurons l'erreur d'intervalle temporel ( Time Interval Error ou TIE) et le bruit de phase. La TIE quantifie la variation temporelle d'un signal d'horloge par rapport à un signal idéal. Les applications d'analyse de la gigue offrent une analyse rapide du signal d'horloge à 40 MHz, comme évoqué précédemment, incluant la TIE et un diagramme de l'œil. Dans les résultats affichés à droite de l'écran de la figure 7, on trouve la mesure automatique de la TIE comparée à un signal idéal, ainsi que la décomposition de la gigue en gigue totale ( Total Jitter ou TJ), en gigue aléatoire ( Random Jitter ou RJ), en gigue déterministe ( Deterministic Jitter ou DJ), en gigue périodique ( Periodic Jitter ou PJ), en gigue dépendante des données ( Data-Dependent Jitter ou DDJ) et en distorsion du rapport cyclique ( Duty Cycle Distortion ou DCD). Dans cet exemple, comme suggéré par l'histogramme des mesures de fréquence de la figure 6, il y a une distorsion systématique du signal d'horloge. La gigue déterministe est beaucoup plus élevée que la gigue aléatoire, car elle est dominée par une distorsion du rapport cyclique. Le spectre, en bas au milieu de la figure 7, présente des composantes de gigue significatives à 7,1 MHz, 20 MHz et 30,3 MHz. Dans ce cas, une horloge fonctionnant à une fréquence proche de 7,1 MHz se révèle être l'agresseur, interférant avec le signal d'horloge à 40 MHz. Considérons maintenant le même circuit électronique sur une carte prototype différente. On remarque alors un dysfonctionnement intermittent. Cependant, il n'y a aucun problème évident quand on observe le signal d'horloge à l'écran. Une méthode permettant d'obtenir plus d'informations peut consister à utiliser un mode d'acquisition capturant rapidement des millions de fois les signaux d'horloge à 40 MHz, puis les superposant à l'écran. Ce mode permet de révéler des variations significatives de la fréquence du signal d'horloge sur cette carte électronique, ce qui prouve son dysfonctionnement. Avec l'affichage de type « gradient de température », les variations de fréquence importantes sont affichées en bleu, ce qui correspond à des phénomènes relativement rares ( voir figure 8 ). Voir des anomalies rares Une fois la présence de ces variations connue, on peut tracer l'histogramme des mesures de fréquence avec une échelle verticale logarithmique, afin de mieux appréhender ces variations (voir Figure 9), car elle permet de voir plus de détails en bas de l'échelle. Après avoir accumulé plus de 10 millions de mesures de fréquence, la nature réellement rare de cette variation fréquentielle apparaît. La fréquence moyenne est très précise, mais elle s'écarte parfois jusqu'à 35 MHz au minimum ou presque 55 MHz au maximum. Sans de telles techniques de mesure statistiques, des anomalies rares comme celle-ci pourraient donc passer inaperçues. Sachant que la fréquence chute occasionnellement, il est possible d'utiliser le déclenchement sur largeur d'impulsions pour capturer les impulsions anormalement larges et les erreurs. Comme le montre la figure 10, l'oscilloscope numérique est réglé pour se déclencher sur une largeur d'impulsions supérieure à 14 ns, soit supérieure à la largeur d'impulsions nominale de 12,5 ns. La courbe de tendance de la fréquence, située en bas de l'écran, montre graphiquement les excursions de fréquence au-dessus et en-dessous de la fréquence idéale de 40 MHz. Une analyse approfondie de ce circuit d'horloge révéla que le contrôleur de la boucle à verrouillage de phase (PLL) était occasionnellement réinitialisé. Quand cela se produisait, l'oscillateur commandé en tension (VCO) perdait sa fréquence et s'écartait momentanément de la bonne fréquence. n

Mesurer la stabilité d’une horloge avec un oscilloscope numérique

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