Couverture ElectroniqueS n°127

Des programmes «smart building» et «smart home» ambitieux voient le jour, ce qui devrait générer des prises de commandes pour les industriels de l'électronique et du numérique. Après le secteur de l'automobile qui a mis sur le marché des voitures remplies d'électronique, le bâtiment devrait suivre une approche analogue. < La JTE, couplée à la remise des Electrons d'or pour la 4è année consécutive, et qui avait pour thème cette année «Smart home et smart building : quand l'électronique révolutionne le bâtiment», a réuni de nombreux experts des secteurs du bâtiment, des infrastructures électriques et de l'électronique. L aJournée technique de l'électronique (JTE) couplée à la remise des Electrons d'or pour la 4 e année consécutive, avait pour thème cette année «Smart home et smart building : quand l'électronique révolutionne le bâtiment». Organisé par Acsiel Alliance Electronique et le magazine Electroniques , le 27 juin dernier, à Paris, cet événement a réuni de nombreux experts des secteurs du bâtiment, des infrastructures électriques et de l'électronique. Avant la tenue de deux tables rondes, un discours introductif a été prononcé par Eric Pozzo-Deschanel, directeur du pôle smart building chez Bouygues Immobilier. Il a été suivi par deux tables rondes, l'une sur les enjeux sociétaux du smart building et du smart home, l'autre sur l'apport de l'électronique qui constitue un trait d'union entre l'humain et le bâtiment intelligent. Des cycles longs dans le bâtiment Pour Eric Pozzo-Deschanel, il ne fait plus aucun doute qu'il y a une vraie évolution qui arrive dans le bâtiment grâce à l'électronique. C'est une période charnière, car l'électronique et le numérique vont réellement permettre de monétiser à des coûts acceptables de nouvelles fonctionnalités innovantes dans le bâtiment. « Ces fonctionnalités sont désormais à la portée des particuliers », souligne Eric Pozzo-Deschanel. « Nous proposons de piloter les volets roulants ou le chauffage, d'installer un détecteur autonome de fumée avec alerte via une application sur smart-phone. Nous intégrons de l'intelligence artificielle qui permet de se donner des objectifs de diminution de consommation, et de penser à la planète », explique-t-il. Seulement les cycles de production du bâtiment sont beaucoup plus longs et lents que dans l'électronique. « Entre le moment où l'on trouve un terrain et la livraison au client de la construction achevée, il s'écoule entre 2 ans et demi et 3 ans. En revanche, l'électronique évolue très vite et c'est un vrai challenge pour nous de l'intégrer dans nos constructions », dit-il. Aller dans le sens de la simplicité « C'est toute la filière qui est concernée, et en particulier les clients directs des fournisseurs de composants électroniques tels que Schneider, Legrand ou Delta Dore. Autres défis pour notre secteur, la formation de nos personnels face à l'émergence de nouveaux métiers pour faire en sorte que les métiers existants s'adaptent à l'évolution vers le bâtiment intelligent. Pour réussir cette évolution, nous devons aller dans le sens de la simplicité, sinon les installateurs se décourageront et ne nous suivront pas. Il faudra aussi que cette technologie soit simple pour les utilisateurs. La bonne nouvelle, c'est que ces technologies sont désormais ouvertes. Il est fini le temps où l'on pouvait dire au client que le système que l'on a installé est obsolète, qu'il va falloir le remplacer et mettre l'ancien à la poubelle car il ne permet pas de suivre l'évolution de la technologie. Quand on a une installation qui est suffisamment ouverte, on peut y introduire des produits nouveaux tout en garantissant une interopérabilité entre eux », souligne-t-il. Les participants à la première table ronde sont revenus sur les grands enjeux autour du smart building : Mathieu Le Cointe, directeur marketing et communication pour l'activité tertiaire chez Delta Dore-Smart Building, ETI bretonne qui s'appuie à la fois sur le résidentiel (systèmes d'alarme, ther-mostats pour le confort, automatismes volets roulants, éclairage, services) et sur le tertiaire (systèmes de GTB, applications mobiles, services pour la performance énergétique) ; Damien Pelletier, p-dg de la société Ecomesure, PME spécialisée dans les systèmes connectés pour mesurer en temps réel les données environnementales ; Steve Djob, responsable des partenariats et du développement chez Engie; Florian Deleuil, responsable produits chez Netatmo; Olivier Cottet, directeur du marketing en charge de l'IoT et de l'IA chez Schneider. Des partenariats se construisent Pour Florian Deleuil, « le Wi-Fi, c'est le protocole universel. C'est ce qui va permettre de donner un bol d'air à la domotique qui était jusqu'alors réservée aux personnes aisées, car il fallait tirer des fils pour connecter les objets. Les instal-lations domotiques étaient donc compliquées et coûteuses à installer. Le Wi-Fi a permis de démocratiser la domotique. Google, qui avait acheté Nest, a développé des thermostats connectés, mais pas du tout compatibles avec le standard européen de chaudières. Nous avons donc décidé de nous lancer sur ce marché et cela nous a réussi. Le thermostat connecté, c'est ce qui permet des économies d'énergie car c'est la porte d'entrée dans le logement connecté. Puis, nous avons poursuivi avec des caméras, des détecteurs de fumée. Nous avons noué des partenariats, par exemple avec des grands groupes fabriquant des prises et des fenêtres de toit –Velux et Legrand–, et ces partenariats ont tellement bien fonctionné que l'un d'eux, Legrand, nous a finalement acquis en décembre 2018 ». « Notre mission consiste à rendre l'énergie plus sûre, plus fiable, plus verte, plus durable », estime Olivier Cottet. Schneider a réalisé deux smart buildings à Grenoble afin d'en faire des bâtiments performants. « Un bâtiment est intelligent s'il améliore ses 3 missions de base qui consistent à optimiser ses propres coûts de fonctionnement, à appartenir à un écosystème, ville ou quartier, et à contribuer à l'optimisation de cet écosystème, en hébergeant des activités, par exemple des nuitées dans un hôtel, pour contribuer à la productivité de l'activité qu'il héberge. Le but est de faire en sorte que le bâtiment soit le plus productif possible. Il s'agit aussi de réduire ses propres coûts de fonctionnement en amélioration l'occupation et la satisfaction des personnes qui y séjournent », souligne-t-il. Mieux gérer la réduction du nombre de bureaux « Le smart building, c'est aussi une nouvelle façon de vivre au bureau. Cela fait 30 ans que l'on se bat chez Delta Dore pour parler de domotique. Et aujourd'hui, nous voyons que les applications fleurissent un peu partout. Le parallèle avec l'automobile peut être fait. Aujourd'hui, j'ai un système de guidage et une climatisation dans ma voiture, alors que beaucoup de maisons n'en ont pas. Dans le tertiaire, nous allons de plus en plus vers le “Flex office”, c'est-à-dire la réduction du nombre de bureaux. Il n'y a plus de bureau dédié à chaque employé, mais cela suppose une bonne gestion que le numérique peut apporter », souligne Mathieu Le Cointe. BOUYGUES IMMOBILIER VA DEPLOYER 12000 BÂTIMENTS INTELLIGENTS > «À la fin de l'année 2019, nous aurons 12000 logements habités équipés de “Flexhome”, le nom commercial que nous avons choisi pour désigner les logements intelligents. Nos concurrents sont dans la même démarche que nous, ce qui signifie que des prises de commande et des nouvelles affaires vont arriver pour les fabricants de composants et de sous-systèmes électroniques», prévoit Eric Pozzo-Deschanel, directeur du pôle smart building chez Bouygues Immobilier. > Au-delà de la partie matérielle, c'est le service rendu qui va générer de la demande. C'est ce que les professionnels de la construction appellent déjà «building as a service». Le but recherché est de permettre à une communauté de faire des économies, par exemple en baissant les charges de la collectivité. «Imaginez des surfaces de toitures disponibles, sur lesquelles il serait possible d'installer des panneaux photovoltaïques pour produire de l'énergie à utiliser sur place ou à revendre à des opérateurs. Le smart building va bien au-delà de la détection d'une fuite d'eau, de la gestion des lumières et des volets roulants. Cela, c'était valable il y a 5 ou 6 ans. Aujourd'hui c'est vraiment du service que nous devons proposer. Et pour cela, il faut que les concepteurs et les fabricants de produits nous permettent de mettre en place des écosystèmes mouvants, évolutifs et pérennes», poursuit Eric Pozzo-Deschanel. > «Le logement connecté va s'appuyer assez rapidement sur des standards comme dans l'automobile. L'argent et la complexité étaient des freins pour que les bâtiments le soient également. Il faut qu'ils soient levés et nous parviendrons à la même évolution dans le bâtiment», conclut Eric Pozzo-Deschanel. « Il y a plusieurs niveaux dans le smart building. Le premier niveau, ce sont les objets connectés qui permettent de récupérer des données brutes, et de donner conscience aux utilisateurs de l'environnement qui les entoure, par exemple une station météo qui indique quelle température il fait à l'extérieur et qui permet de savoir s'il faut aérer ou pas, car s'il fait aussi chaud à l'extérieur qu'à l'intérieur, cela ne sert à rien d'ouvrir la fenêtre. Le 2 e niveau, c'est l'automatisation des routines, par exemple allumer le chauffage, éteindre les lumières, fermer les volets chaque jour. Ces tâches sont automatisables car elles sont répétitives chaque jour. Enfin le 3 e niveau, permet aux logements et aux buildings de communiquer entre eux pour aller vers le smart grid, donc pour créer des réseaux de voisinage pour la sécurité, l'optimisation des flux électriques, la maintenance et le service », explique Florian Deleuil. « Pour Engie, gazier qui polluait, la transition vers zéro carbone “as a service” est un vrai choc, une transformation de nos business. Nous allons réduire la consommation de nos clients, donc nous allons gagner moins d'argent, mais nous allons prendre soin de la planète en apportant une vraie valeur ajoutée. Notre business ne consiste plus à vendre de la molécule ou de l'électron, mais à vendre du service en plus de la fourniture d'énergie », estime aussi Steve Djob. « Grâce à un seul modèle de thermostat valable pour tous les types de chaudières, un utilisateur pourra économiser 30 % à 40 % sur sa facture d'énergie dès la première année, parce que l'on aura automatisé les routines et parce que la chaudière ne chauffera plus la maison lorsqu'il n'y aura pas d'occupant », ajoute Florian Deleuil. « Un autre bienfait de la connectivité d'une chaudière est de pouvoir anticiper les pannes qui pourraient survenir et de prendre rendez-vous en amont avant que cette panne ne survienne. Cela permettra d'avoir une autre forme de relation client et de donner la sen-sation au client de contrôler sa chaudière. Cela lui apportera du confort et de la sécurité », estime Steve Djob. L'année dernière, il y a eu 500 000 cambriolages en France et 600000 actes de vandalisme sur des propriétés privées. Donc la sécurité est un vrai enjeu de société. Avec des objets connectés tels qu'une caméra ou un détecteur de fumée, il sera possible de communiquer directement avec le propriétaire, et non plus une centrale d'alarme, et d'envoyer une photo pour prendre des décisions rapides qui permettront à la police d'intervenir alors que les cambrioleurs seront encore présents, ce qui est rarement le cas avec les centrales d'alarme. La 2 e table ronde avait pour thème, « L'électronique, trait d'union entre l'humain et le bâtiment intelligent », et a permis de débattre de l'offre en matière d'électronique dédiée au bâtiment intelligent. Les solutions dédiées au bâtiment intelligent sont multiples (Internet des objets, smartgrids, domotique, éclairage intelligent, électroménager connecté, télésanté, architectures réseaux à très haut débit, etc.). Ces solutions ont toutes un point commun: l'électronique. Les semi-conducteurs, capteurs et autres composants passifs ont un rôle primordial à jouer dans le développement du bâtiment intelligent, mais cela suppose de relever de nombreux défis liés au coût, à la standardisation, à l'interopérabilité et à la sécurité des solutions proposées et des architectures réseaux associées. Pour en parler, étaient réunis Frank Fischer, directeur général délégué d'Adeunis, PME de la région grenobloise spécialisée dans le design, la fabrication et la vente de capteurs dédiés notamment au smart building, Ramesh Caussy, p-dg de Partnering Robotics, spécialisé dans les technologies dédiées au bienêtre et au traitement de l'air à l'intérieur des bâtiments, David Billon-Lanfrey, directeur de la stratégie de Lynred, issue de la fusion de Sofradir et Ulis, Pascal Ribot, responsable du marketing stratégique et du développement des marchés de STMicroelectronics, Bernard Bastide, directeur du marketing de la division « Building Systems» de Legrand. < Les participants à la première table ronde, Mathieu Le Cointe (Delta Dore) ; Damien Pelletier (Ecomesure) ; Steve Djob (Engie) ; Florian Deleuil, (Netatmo) ; Olivier Cottet (Schneider), sont revenus sur les grands enjeux autour du smart building « Adeunis a développé une gamme de produits qui per-mettent de se connecter à des réseaux privés, ou des réseaux publics sur des technologies IoT comme LoRaWan, Sigfox ou Wireless M-bus », a précisé Frank Fischer. « Legrand a lancé des solutions domotiques et immotiques depuis plus de 20 ans, et depuis 5 ans, le programme Eliot dédié à l'IoT », a indiqué pour sa part Bernard Bastide. 30 % du parc mondial pourrait être concerné d'ici à 2022 « Un bâtiment intelligent doit avoir trois fonctionnalités clés: être capable de remonter des informations vis-à-vis des occupants et des prestataires de services, permettre un diagnostic automatisé et être capable de distribuer de l'énergie. Le marché est potentiellement énorme. Reste à savoir à quelle vitesse il va se développer. Compte tenu de la tendance vers l'occupation des espaces en “coworking”, 30% du parc mondial pourrait être concerné d'ici 2022 pour un développement dans des proportions significatives. Dans le tertiaire, les besoins existent avec de bons niveaux de rentabilité. Dans le parc résidentiel, avec la problématique des bâtiments en location, l'évolution de smart buildings sera tirée en partie par les Gafa avec des produits davantage B to C avec une mesure de l'autoconsommation », estime-t-il. « En ce qui nous concerne, le bâtiment intelligent constitue une diversification. Nous avons mis 6 à 7 ans pour proposer un produit, cela prend du temps », indique David Billon-Lanfrey. « De son côté, ST propose les briques technologiques de l'IoT: des capteurs, pour capter et mesurer l'environnement, des microcontrôleurs qui traitent ces données, des com-posants pour la connectivité, qu'elle soit filaire ou radiofré-quences, qui permettront d'en-voyer ces données vers l'exté-rieur (sur un cloud par exemple). Il faudra alimenter les fonctions électroniques, et la grande tendance étant à l'efficacité éner-gétique, il faudra également des composants adaptés à cette demande. De même, pour assurer la cybersécurité, pour protéger le système et les données. Les attaques ne se produiront pas uniquement sur un système électronique lié à un objet connecté, mais sur un bâtiment dans sa globalité. Toutes ces briques existent technologiquement, l'important c'est de pou-voir les démocratiser. Chez ST nous avons développé tout un écosystème autour du microcontrôleur qui permet d'empiler toutes les fonctionnalités comme un jeu de lego », explique Pascal Ribot. « Si nous voulons créer une vraie innovation, elle ne pourra pas être monotechnologique ni mono-source, il faudra des partenariats », ajoute-t-il. La 2 e table ronde avait pour thème, «L'électronique, trait d'union entre l'humain et le bâtiment intelligent», et a permis de débattre de l'offre en matière d'électronique dédiée au bâtiment intelligent. Pour en parler, étaient réunis Frank Fischer (Adeunis), Ramesh Caussy (Partnering Robotics), David Billon-Lanfrey (Lynred), Pascal Ribot (STMicroelectronics), Bernard Bastide (Legrand). Dans le bâtiment intelligent, nous allons assister à une multiplication de capteurs. Il y en a déjà jusqu'à six dans certains sanitaires, alors nous pouvons imaginer qu'il y en aura des centaines dans des bâtiments tertiaires ou industriels. Partnering Robotics a imaginé un appareil qui permet de virtualiser un réseau de capteurs et de donner des informations pertinentes aux gestionnaires d'immeubles. La qualité de l'air, un enjeu de santé publique « Nous avons développé un robot mobile qui se déplace et qui mesure différents paramètres comme la température, l'hygrométrie, le niveau de bruit, la qualité de l'air intérieur. Pour comprendre comment apprécier la qualité de l'air, nous avons un partenariat avec le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment). La qualité de l'air va être l'un des gros problèmes du XXI e siècle. Nous passons 80% à 90% dans un environnement intérieur. L'air que nous respirons nous tue lentement. L'OMS appelle cela le “silent killer”, le tueur silencieux. Cela entraînera des pathologies très lourdes, une baisse de la productivité, des jours d'absentéisme supplémentaires », estime Ramesh Caussy.

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