Couverture ElectroniqueS n°127

POUR LE FABRICANT DE SEMI-CONDUCTEURS, L'INDUSTRIE 4.0 ET LE JUMEAU NUMÉRIQUE DE L'USINE DE CROLLES CONSTITUENT DES ATOUTS INCONTOURNABLES VERS UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES COÛTS ET DU SUIVI DE LA PRODUCTION. Cette déclinaison de l'Industrie 4.0 n'est pas fondamentalement récente puisqu'elle est apparue dans les années 2000. Cependant, sa complexité ainsi que les enjeux qu'elle représente chez un acteur majeur de la fabrication de semi-conducteurs méritent de l'attention. Claude Morant, vice-président Production et Technologie amont, expert Qualité et Fabrication chez STMicroelectronics a accepté de nous apporter un éclairage sur la numérisation d'une partie de l'usine française de Crolles ainsi que sur son jumeau numérique. 10 MILLIONS DE PUCES PAR JOUR Une présentation du site basé en Isère s'impose. Fondé en 1992 et totalisant 4 300 employés, il intègre une unité dédiée à la recherche et au développement, plus deux unités de produc-tion industrielles. Les deux salles blanches – Crolles200 et Crolles300, d'une superficie de 26 000 m² – développent des processus en FD-SOI (Fully Depleted Silicon-on-Insulator), Cmos (Complementary Metal-Oxyde-Semiconductor), ainsi que les technologies d'imagerie différenciées et Bi-Cmos. Environ 10 millions de puces sont produites quotidiennement. Elles sont destinées aux applications pour l'automobile, aux objets connectés et à la gestion de leur énergie, à l'industrie, aux communications sans fil, à la robotique, à l'Internet des objets, etc. L'attention se porte sur la salle blanche Crolles300, figurant selon le Franco-Italien parmi les plus modernes et les plus performantes au monde. Dans un espace de 15 000 m 2 où l'air est entièrement renouvelé toutes les 30 secondes, elle se consacre à la fabrication de tranches de silicium de 300 mm, à raison de 6 400 tranches par semaine. La fabrication d'un circuit dure 6 à 12 semaines, après environ 600 étapes de processus. Claude Morant, vice-président de ST chargé de la production et de la technologie amont, à propos des contraintes industrielles et des outils utilisés : « Tout doit être anticipé et optimisé avant de le vivre dans la salle. La gestion de production est devenue si complexe que l'homme doit se reposer sur ces outils. » LE MES, OU L'ART D'EXPLOITER QUOTIDIENNEMENT PLUSIEURS TERABYTES COLLECTÉS La raison d'être de l'Industrie 4.0 est limpide selon Claude Morant : « Dans le cadre de nos activités, le suivi de notre fabrication en temps réel et la possibilité d'anticiper les difficultés à venir sont les enjeux majeurs de l'Industrie 4.0. Les décisions de gestion de notre en-cours de fabrication ainsi que l'optimisation de l'utilisation de nos équipements sont des problématiques permanentes dans une usine tournant à flux continu 24 heures sur 24 et 365 jours par an. » Concernant des technologies utilisées pour mettre en œuvre ces ambitions, Claude Morant explique : « nous utilisons des solutions du marché – notamment le système MES (Manufacturing Excecution System, logiciel de pilotage de la production) – souvent développées par les fabricants de solutions Hardware. Pour chacune de ces technologies, nous avons des outils de simulation représentant le fonctionnement de la salle, qui évaluent les changements à venir et par là même les optimisent, grâce à une interconnection des solutions entre elles. Ce système contribue à l'optimisation du temps de cycle et à l'utilisation des équipements mais il fournit aussi des capacités de modélisation pour la gestion globale. » Ajoutons que ces modélisations de flux complexes s'effectuent en temps réel parmi des millions de combinaisons. « Nous utilisons en outre un système de transport automatique des lots qui les amènent directement sur les équipements en vérifiant leur disponibilité et leur qualification ». Ces lots de production mettent en œuvre 150 véhicules robots effectuant 60 000 transports par jour, et parcourant chacun 45 km par jour. La manipulation humaine se borne à l'exploitation ainsi qu'à la maintenance des machines. « Ce système est connecté au MES pour une maîtrise totale du flux de production. En temps réel, nous avons une visibilité complète de toute la fabrication avec le statut des équipements, des en-cours et des étapes à venir pour chaque lot de fabrication. Cela permet d'optimiser l'acheminement de ceux-ci et d'anticiper les arrêts de machine pour la maintenance. D'autres applications logicielles sont connectées à notre MES et permettent de gérer les tâches qualité , de suivre les résultats de contrôle et d'arrêter automatiquement les équipements en cas de problèmes. Ces solutions sont développées en interne ou en collaboration avec des partenaires mais restent très spécifiques à nos métiers. » DE L'INTÉRÊT DU JUMEAU NUMÉRIQUE Peut-on s'interroger sur l'avenir inéluctable de la réplication numérique à titre général, au moins sur le plan industriel ? L'expert est catégorique, « le jumeau numérique est, à mon avis, un must pour les industries complexes qui nécessitent de gérer des process et des flux en temps réel et d'anticiper au mieux les événements avec l'objectif d'améliorer le temps de cycle, les coûts et la qualité ». Chez STMicroelectronics, « il s'est construit au fil du temps avec les technologies mises à disposition et il continue de se construire, ne cessant de s'améliorer avec l'acquisition de toutes les données pour mieux répondre à nos besoins ». À en croire Claude Morant, son autre avantage réside dans son adaptabilité, lorsque l'on aborde son avenir chez le fabricant : « C'est l'une de nos priorités pour les usines plus anciennes, qui ne possèdent pas le même niveau d'automatisation. Des solutions sur le marché existent spécifiquement pour y répondre ». Et de reconnaître : « Nous n'aurions pas pu gérer la fabrication comme nous le faisions 25 ans auparavant sans celles-ci. C'est un standard pour les Fabs avancées notamment en 300 mm. » Dernier aspect, la cybersécurité, récurrente de nos jours : à cet égard, pour des raisons compréhensibles de confidentialité, STMicroelectronics n'a pas souhaité donner de précisions. Claude Morant conclut : « Au-delà de ces solutions, nous avons la possibilité croissante d'utiliser plus efficacement toutes les données disponibles sur nos installations. Le big data devient une étape nécessaire pour encore améliorer nos activités avec l'intelligence artificielle (IA) au service de la qualité et de la productivité. L'entrée de l'IA dans l'industrie apporte de nouvelles perspectives, notamment sur les solutions apprenantes, où aujourd'hui encore nous avons besoin d'interactions pour parfaire la paramétrisation. »

Zoom sur l’Industrie 4.0 et le jumeau numérique dans l’usine STMicroelectronics de Crolles

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