Couverture ElectroniqueS n°127

Placement-routage, thermique, dimensionnement, intégrité du signal et CEM. Tous ces aspects sont à prendre en compte lors de la conception d'une carte électronique et correspondent chacun à un monde à part. Et c'est là que le bât blesse ! Chaque monde a ses outils, mais il n'existe pas de “ super ” outils capables de réunir toutes ces contraintes dans un seul logiciel. Modules et passerelles assurent, pour l'instant, l'intérim… Les composants et les cartes électroniques ne cessent de se complexifier. Les vitesses d'horloge atteignent plusieurs gigahertz, les technologies couramment mises en &oelig;uvre sont désormais les composants montés en surface (CMS) et les multicouches, des cartes aux fonctions multimédias doivent se loger dans des boîtiers de quelques dizaines de centimètres carrés, etc. Les concepteurs sont désormais obligés de prendre en compte un nombre croissant de facteurs : en plus des contraintes de placement-routage et de celles liées aux processus de fabrication, il y a la notion d'intégrité du signal, et par là même celle de la compatibilité électromagnétique (CEM), les aspects thermiques avec l'absence de points chauds et d'obstacles perturbant le flux de refroidissement et mécaniques. On s'attendrait à ce qu'il existe sur le marché des “ super ” outils, ou plutôt des plates-formes, de conception de cartes électroniques regroupant l'ensemble de ces analyses dans un seul et unique outil, accessible à partir d'une même interface utilisateur. Un peu à l'image de ce qui se passe dans le domaine de la conception et de la vérification des circuits intégrés. Eh bien non ! Mais de là à tomber dans l'excès inverse, il y a évidemment un fossé que les éditeurs ont déjà en grande partie comblé. « La conception électronique et la conception mécanique sont deux métiers totalement différents, qui correspondent d'ailleurs à des services distincts chez nos clients. On ne peut pourtant s'affranchir d'aucun des deux », souligne Caroline Legendre, ingénieur d'application chez Zuken France. N'importe quelle carte électronique sera en effet intégrée dans un boîtier physique, un tiroir CompactPCI ou une coque de téléphone portable, par exemple. Alain Tribaudot, responsable des produits PCB pour l'Europe chez Cadence Design Systems, ajoute : « Ce sont deux mondes qui cohabitent et où chaque client dispose de son propre système de conception mécanique, rendant la synchronisation des outils de conception électronique et mécanique plus difficile, mais indispensable. » Vers une plate-forme unifiée pour la conception des cartes ? Toutes les cartes électroniques sont désormais concernées, d'où l'intérêt, pour le concepteur quel que soit son domaine d'application, de disposer d'outils d'analyse au sein de son logiciel de placement-routage. « Il faut toutefois faire une légère distinction entre les cartes fonctionnant jusqu'à 200 MHz, pour lesquelles les problèmes d'intégrité du signal existent mais pas de manière récurrente, et les cartes dont les fréquences d'horloge sont bien supérieures à 200 MHz. Dans ce dernier cas, les erreurs liées à l'intégrité du signal sont récurrentes et une analyse est obligatoire », précise M. Tribaudot (Cadence). « Ce n'est pas qu'une question de fréquence d'horloge. Le type de technologie utilisé actuellement pour les composants joue également un rôle important dans l'apparition de problèmes liés à l'intégrité du signal », affirme Mme Legendre (Zuken). A des degrés de criticité moindres et pour des raisons différentes, les analyses thermiques et de la CEM sont également disponibles dans les outils de CAO de cartes sous la forme de modules… de premier niveau uniquement. « Sur les cartes actuelles, plus de la moitié des signaux sont soumis à des contraintes d'intégrité du signal, et ce chiffre peut atteindre 80 % dans certains cas. Il faudrait alors passer à une véritable simulation digne d'experts de la transmission de signal pour optimiser la carte. Mais les clients adressés par ce genre d'outils, les “ implanteurs ”, ne sont en aucun cas des gourous dans ce domaine », concède M. Tribaudot (Cadence). Les outils de CAO de cartes permettent de vérifier les contraintes selon des jeux de règles prédéfinis et des règles spécifiques à chaque application (nombre de traversées maximum, vérification de pistes en passant au-dessus du plan de séparation d'alimentation, au niveau du contrôle de l'impédance sur les cartes, pour le rayonnement, au niveau du rayonnement induit par les composants…). Pour les contraintes thermiques, les modules existants assurent la localisation des éventuels points chauds pouvant apparaître sur la carte dès l'étape de placement-routage. Ces modules réalisent une simulation des caractéristiques thermiques des composants, soit en statique prise en compte de la température de jonction des composants, par exemple, soit en dynamique prise en compte des flux thermiques au niveau de la carte, de la circulation d'air, de la ventilation, etc. « Il ne faut pas oublier que les outils de conception de cartes et leurs analyses complémentaires sont destinés à des “ implanteurs ” qui n'ont pas forcément les compétences, ni surtout le temps nécessaire pour réaliser une analyse détaillée de l'intégrité du signal ou de la cartographie thermique de toute la carte. Ils ont plutôt besoin d'aides graphiques leur indiquant, par exemple, des limites à ne pas dépasser pour que leur implantation soit réussie », constate M. Rousseau (Mentor Graphics). Pour que ces analyses ne requièrent pas de nombreux jours de calcul, voire plusieurs semaines, certains outils assurent une automatisation des fonctions. « Nous arrivons à piloter les outils de placement-routage avec les résultats de l'intégrité du signal. Prenons, par exemple, le niveau de couplage entre pistes comme indicateur : un placement est bon lorsque ce dernier est inférieur à une certaine valeur », explique M. Rousseau. Même si l'intégration des différentes fonctionnalités d'analyses (thermiques, d'intégrité du signal et de compatibilité électromagnétique) avec les outils de placement-routage de cartes électroniques permet leur automatisation, il n'en reste pas moins que l'apparition de véritables plates-formes de conception de cartes n'est pas pour tout de suite. Si l'on veut aller plus loin dans l'investigation de problèmes thermiques, d'intégrité du signal ou de CEM, il faut en effet toujours passer par un logiciel dédié. Dans le cas de la compatibilité électromagnétique, une grande partie des problèmes d'émissivité et d'immunité électromagnétique, qui n'ont pas déjà été résolus grâce à l'analyse d'intégrité du signal, est liée au boîtier qui recevra la carte électronique. Les ingénieurs préfèrent réaliser des essais de CEM avec le boîtier en chambre anéchoïde pour définir le meilleur blindage permettant de réduire les effets électromagnétiques d'une carte. Et il existe encore d'autres fonctionnalités, qui requièrent le développement d'interfaces logicielles avec des produits existant sur le marché, telles que la simulation analogique et la simulation fonctionnelle. Le marché des outils de conception de cartes en quelques chiffres Selon une enquête que réalise l'EDA Consortium chaque trimestre, le marché mondial des outils d'implantation des cartes et des modules multipuces représente près de 9 % du marché global mondial des outils et des services de CAO électronique. En 2002, ce marché s'élevait à 336 millions de dollars, en recul de 10 % par rapport à l'année précédente. Pour 2003, le marché mondial des outils de conception de cartes et de multimodules devrait rester stable après trois trimestres assez chaotiques (9 % par rapport à 2002 au premier trimestre, +17 % au deuxième et 1 % au troisième).

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