Couverture ElectroniqueS n°127

L'architecture CompactPCI a atteint ses limites et ne peut plus s'adapter à l'évolution du marché télécoms et réseaux. Mais l'architecture AdvancedTCA, quant à elle, est prête à relever le défi, comme nous l'explique Jens Wiegand, de la société Force Computers. Quel est l'état actuel du marché CompactPCI ? La crise que traverse le secteur des télécommunications a-t-elle affecté les fournisseurs de cartes et de châssis CompactPCI ?Les équipements télécoms et réseaux constituent toujours le plus gros débouché pour l'architecture à bus de fond de panier CompactPCI. A l'heure actuelle, le secteur télécoms et réseaux représente environ 50 % du marché, contre, il est vrai, plus de 60 % en 2000-2001. Il est suivi par le médical puis par les automatismes industriels. On ne peut nier que la crise des télécommunications ait frappé de plein fouet le camp CompactPCI, mais plusieurs facteurs laissent tout de même présager un redressement du marché dans les prochaines années. Selon toute probabilité, les demandes de l'industriel et du médical vont en effet continuer d'augmenter. Par ailleurs, le standard PICMG 2.16, qui implante un réseau commuté Ethernet sur le fond de panier CompactPCI et assure un traitement en natif du trafic Internet, a atteint aujourd'hui sa “ masse critique ”. L'offre en cartes et en châssis compatibles est désormais pléthorique et le marché répond présent. Ce qui n'est guère une surprise puisque la spécification PICMG 2.16 colle exactement aux besoins des constructeurs d'équipements d'accès aux réseaux IP tels que les multiplexeurs d'accès DSL, les passerelles de téléphonie sur IP ou les systèmes d'accès multiservices.Le comité PICMG multiplie les spécifications qui permettent d'intégrer des technologies de commutation de liens série haut débit sur le fond de panier CompactPCI. Après PICMG 2.16, ont été ainsi paraphés les standards PICMG 2.17 puis 2.20 et bientôt 2.18 ! Le marché a-t-il réellement besoin de toutes ces technologies ?Telle qu'elle a été définie à l'origine, l'architecture CompactPCI n'est pas adaptée à l'évolution d'un marché télécoms qui souhaite de plus en plus se reposer sur des plates-formes ouvertes, même dans le cas des équipements pour bordures et c&oelig;urs d'infrastructures de réseaux. Le bus parallèle PCI est en effet trop limité en termes de débit, et les besoins en bande passante sur le fond de panier ne peuvent être satisfaits que par des architectures à base de liaisons série commutées. Dans cette optique, les ingénieurs, qui ne sont jamais à court d'idées, ont rivalisé d'innovations technologiques. Le standard PICMG 2.17 repose ainsi sur la technologie StarFabric de la société StarGen, qui a l'avantage de pouvoir transporter aussi bien le trafic IP que les flux ATM et TDM. Quant à la spécification PICMG 2.20, créée à partir d'une proposition de Motorola, elle implante sur le fond de panier un réseau intégralement maillé de liaisons point à point à très haut débit. Le futur standard 2.18, enfin, s'appuiera sur la nouvelle technologie d'interconnexion RapidIO. Mais ces différentes approches ne constituent pas des réponses à des demandes concrètes du marché, et je pense qu'elles n'ont quasiment aucune chance de connaître l'effet de “ masse critique ” que rencontre aujourd'hui la spécification PICMG 2.16.Il n'empêche que cette profusion de spécifications CompactPCI a créé la confusion chez les équipementiers télécoms et réseaux…C'est vrai, et c'est la raison pour laquelle Force Computers, avec plusieurs autres sociétés, a lancé début 2003 l'initiative CompactTCA, qui a pour but de garantir l'interopérabilité des produits CompactPCI en imposant l'usage de certaines spécifications existantes et réellement utiles pour le marché télécoms. L'architecture CompactTCA conserve le facteur de forme CompactPCI, supprime l'usage du bus PCI pour le transfert des données et impose, conformément au standard PICMG 2.16, un réseau Ethernet à commutation de paquets comme technologie de base pour l'interconnexion des cartes enfichées dans le châssis. CompactTCA exige également la présence d'un bus de gestion système de type PICMG 2.9, les autres technologies d'interconnexion haut débit comme PICMG 2.17 ou 2.20 étant optionnelles.Ces technologies d'interconnexion haut débit implantées en fond de panier n'ont-elles pas également comme objectif d'élargir le marché CompactPCI aux équipements télécoms encore fondés sur des architectures propriétaires ?En réalité, chercher à booster uniquement la bande passante en fond de panier pour répondre aux besoins accrus en performances des équipementiers télécoms ne peut suffire si, parallèlement, on se heurte à des contraintes liées aux dimensions physiques des cartes et à des problèmes de dissipation thermique… ce qui est le cas, en pratique, avec CompactPCI. D'où la raison d'être du standard AdvancedTCA récemment finalisé par le comité PICMG, qui joue, lui, simultanément, sur les trois tableaux : la bande passante sur le fond de panier, la superficie des cartes qui s'avère presque trois fois plus importante que celle des cartes CompactPCI et la consommation électrique maximale par carte (200 W contre 50 W). Avec de telles caractéristiques, AdvancedTCA devrait, à partir du second semestre 2004, grignoter des parts de marché aux architectures propriétaires sur les segments des matériels de bordures de réseaux et des équipements pour infrastructures de transport, notamment dans les réseaux mobiles de troisième génération. J'en veux pour preuve la toute récente annonce de NEC, qui a présenté le premier équipement pour infrastructure de réseau 3G basé sur AdvancedTCA. Par ailleurs, début juin, Intel s'est engagé sans ambiguïté à soutenir AdvancedTCA sur le marché des télécoms, et on peut compter sur le poids de l'Américain pour garantir le succès du standard…Existe-t-il néanmoins un risque de concurrence entre AdvancedTCA et CompactPCI sur certains marchés ?Il y a un recouvrement possible sur le créneau des équipements d'accès, mais le choix de l'architecture sera dicté en pratique par la capacité de traitement du produit. A titre d'exemple, un constructeur de passerelles de téléphonie sur IP optera en général pour la spécification CompactPCI PICMG 2.16 si le matériel n'a pas à traiter plus de 2000 canaux de communication simultanément. Au-delà, la densité d'interfaces téléphoniques sur les cartes CompactPCI risque de poser problème, et le recours à l'architecture AdvancedTCA devrait s'imposer. Voir notre lexique page 42.(1) Selon le cabinet d'analystes VDC, le marché des cartes processeurs CompactPCI a baissé de plus de 22 % entre 2001 (428 millions de dollars) et 2002 (331 millions de dollars). Entre 2002 et 2007, VDC estime la progression annuelle moyenne du marché à 3,5 %.(2) Implanté en fond de panier, un réseau maillé permet de relier chaque carte AdvancedTCA à n'importe quelle autre carte via une liaison bidirectionnelle à 10 Gbit/s, portant la capacité maximale de commutation du châssis à 2,4 Tbit/s (voir notre numéro du 8 novembre 2002).(3) Il s'agit d'une plate-forme SGSN/GGSN (Serving GPRS Support Node/Gateway GPRS Support Node) dédiée au traitement du trafic IP dans les réseaux 3G. Cette plate-forme va être évaluée en premier lieu par NTT DoCoMo. Selon NEC, le choix d'une architecture “ ouverte ” a permis de réduire d'un tiers le temps de développement de l'équipement.

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