Couverture ElectroniqueS n°127

Demain le téléphone portable va recevoir la télévision et sera utilisé comme terminal de paiement sans contact. Pour gérer ces fonctions, tout en continuant à assurer la sécurité de l'utilisateur, les architectures des mobiles doivent se transformer. Cartes SIM, MMC et SD, protocoles USB et SWP vont participer à cette évolution, mais les jeux sont encore loin d'être faits. Après la voix, la messagerie SMS-MMS (Short message service-Multimedia messaging service), l'appareil photo, le lecteur MP3, la voix sur IP (via un réseau local Wi-Fi), le mobile intègre ou se prépare à intégrer de nouvelles fonctions qui vont encore étendre ses capacités d'utilisation. Parmi celles-ci, la télévision, d'un côté, et l'accès à des transactions de proximité via une interface sans contact (NFC, Near field contact) (1), de l'autre, s'apprêtent à révolutionner profondément les architectures traditionnelles des mobiles. Notamment au niveau de la sécurité qui se limitait jusque-là à des opérations d'authentification de l'abonné et du réseau assurées par la carte SIM (Subscriber identity module). La télévision va notamment importer dans le monde du téléphone portable le modèle de la Pay-TV – avec accès conditionnel – ou celui de la DRM (Digital rights management), et l'interface NFC va amener le paiement sans contact ainsi que des modèles de sécurité de type bancaire. A cela viennent s'ajouter d'autres exigences en matière de sécurité imposées par l'évolution logicielle du mobile lui-même avec, en particulier, le déploiement de systèmes d'exploitation ouverts (Windows Mobile, Symbian, Linux) plus vulnérables à des menaces bien connues du monde PC (virus, spam, spywares). Ces évolutions incitent donc les grands acteurs de l'industrie du mobile à définir des architectures capables de répondre à ces défis en matière de sécurité, tout en autorisant le déploiement d'un vaste éventail de nouveaux services à forte valeur ajoutée. Naturellement, la carte SIM, première « tour de contrôle » du mobile et, surtout, lien privilégié de l'opérateur avec ses abonnés, est en première ligne. Mais elle n'est pas la seule (figure 1). Depuis quelques mois, les initiatives se sont multipliées, afin de proposer des solutions de sécurité qui peuvent être vues comme autant d'alternatives au rôle cardinal joué jusqu'à présent par la carte SIM traditionnelle : chez des industriels comme Spansion avec ses cartes MirrorBit HD-SIM et Security MCP, Arm et sa technologie TrustedZone, NXP avec sa famille de circuits SmartMX, msystems (racheté depuis juillet dernier par Sandisk) avec ses cartes m-Safe et MegaSIM, SanDisk lui-même et sa technologie TrustedFlash, (photo A), mais aussi au sein d'organisations comme l'Open mobile alliance (OMA), l'Open mobile terminal platform (OMPTP), ou le Trusted computing group dont la spécification « Mobile trusted module » vient d'être publiée. Ces solutions sont-elles réellement concurrentes ou seulement complémentaires ? Le débat est encore largement ouvert. Il l'est d'autant plus que l'industrie de la carte à puce, et notamment Gemalto – le tout récent leader mondial de la sécurité numérique, issu de la fusion des grands leaders mondiaux de la carte à puce, Gemplus et Axalto –, n'est pas encore parvenue à envoyer un signal fort et clair sur la façon dont la carte SIM de nouvelle génération pourrait évoluer, pour figurer au c&oelig;ur de cette future architecture sécurisée du mobile. Le président d'Eurosmart, Jacques Seneca, l'un des dirigeants de Gemalto, a pourtant clairement affirmé récemment, lors d'une conférence internationale, que « l'association professionnelle de l'industrie de la carte entendait contribuer activement à la définition de cette architecture ». Toutes les options sont donc encore ouvertes. Quelles sont donc ces options capables de faire évoluer la carte SIM ? Depuis deux ans, des effets d'annonces, suivies de prudentes introductions commerciales, se sont multipliés pour promouvoir auprès des opérateurs télécoms un nouveau concept de carte SIM : une carte, Mega, Very Large ou SuperSIM, offrant des capacités mémoires étendues aptes à supporter de nouveaux services de gestion de contenus et, surtout, disposant d'un protocole de communication bien plus rapide que celui spécifié par l'Iso7816-3 (9,6 kbits/s en standard). Renesas Technology a été ainsi le premier à montrer des « proofs of concept » de microcontrôleurs sécurisés de type SIM embarquant plusieurs mégaoctets de mémoire flash, puis Oberthur Card Systems a réalisé, au terme d'un accord avec msystems, le spécialiste israélien des technologies de mémoire flash (désormais dans le giron de Sandisk), des prototypes embarquant jusqu'à 1 Go de mémoire flash (famille GigantIC). Depuis, msystems développe aussi ses propres cartes SIM de grandes capacités. Sans contact : quatre grandes options d'architecture Et c'est autour de la notion de sécurité, que ces alternatives se développent. « Une grande majorité d'applications NFC ont besoin d'être sécurisées, c'est un gage de confiance que nous devons apporter aux utilisateurs comme aux opérateurs pour favoriser le déploiement de ces applications », souligne dans ce sens Christophe Duverne, le chairman du NFC Forum. Mais alors quel circuit choisir pour assurer ce rôle de « secure element » ? « La séparation des deux circuits - le front-end RF d'un côté, le « secure element » de l'autre - est très importante parce qu'elle crée une architecture très ouverte qui favorise une grande variété de modèles économiques », indique Philippe Martineau, NFC products line manager chez Inside Contactless. La société française, qui a élargi le spectre d'applications du NFC avec sa proposition eNFC (3), poursuit aujourd'hui son effort d'ouverture avec des solutions RF (PicoRead ou MicroRead), qui ont l'ambition de supporter toutes les options d'architecture en privilégiant néanmoins le rôle de la carte SIM, c'est-à-dire celui de l'opérateur télécom. Ces options sont aujourd'hui au nombre de quatre. Première option : le « secure element » est un circuit dédié comme le prototype montré par Philips et Nokia sur la base d'un SmartMX, ou comme le circuit Usip d'Innovacard (4), soudé sur la carte-mère du mobile. Dans ce cas, l'application NFC échappe au contrôle de l'opérateur télécom pour être fournie par une société tierce (un opérateur de transport ou une banque, par exemple), ou encore directement par un fabricant de téléphone. Deuxième option : le « secure element » est logé dans une carte SD ou microSD amovible équipée d'un circuit similaire à celui du cas précédent (un SmartMX de Philips, par exemple). La solution n'est plus orientée sur un modèle qui privilégie le fabricant de mobiles, mais s'inscrit dans une logique de déploiement qui est basée sur celle des fabricants de cartes flash, associés à des opérateurs indépendants et de leurs réseaux de revendeurs ou OEM. Avec préchargement de la carte avant sa commercialisation, ou bien chargement OTA (Over-the-air) de cette application après l'émission de la carte. Mais, dans ce dernier cas plus que dans le précédent, elle suppose un accord entre le fournisseur de cartes flash et l'opérateur télecom, et des mécanismes de chargement sécurisé. SanDisk et Philips ont annoncé en mai dernier ce type de solutions dont le déploiement commercial est prévu pour la fin de l'année ou le tout début 2007. A noter une variante intéressante de cette solution qui montre la souplesse qu'elle offre : la capacité d'ajouter un adaptateur NFC (SDiD) à la carte SD ou microSD sécurisée (Trusted-Flash) au cas où le téléphone ne serait pas lui-même équipé en standard de ce circuit. La troisième solution consiste à confier au processeur d'application (ou au processeur bande de base) le rôle de « secure element ». Inside Contactless, Esmertec et Trusted Logic ont ainsi annoncé en mai dernier un accord qui prévoit de combiner le framework J2ME d'Esmertec, les jeux de circuits d'Inside Contactless, et le middleware de Trusted Logic Security pour sécuriser des applications NFC. Une variante de cette solution a été proposée début juin par Spansion. Celle-ci consiste à utiliser à côté du processeur d'application, un module multipuce sécurisé, qui embarque la mémoire flash du mobile (avec de la SRam) et un contrôleur sécurisé, capable de contrôler des applications et des transactions NFC. Enfin, la dernière solution est celle qui naturellement convient le mieux aux opérateurs télécoms, mais aussi à des banques prêtes aujourd'hui à louer une partie de la SIM aux opérateurs télécoms : il s'agit d'utiliser la SIM comme « secure element ». Avec deux variantes dont l'une, en passe d'être abandonnée, consiste à embarquer le circuit NFC (partie RF) dans la carte SIM et à doter cette dernière d'une antenne qui est directement connectée sur les contacts C4 et C8. Une solution qui avait été montrée par G&D avec une puce Infineon (Iso14443 et FeliCa) il y a déjà deux ans mais qui pose des problèmes d'interopérabilité (et de modèles économiques), car les valeurs des condensateurs associées dans le circuit au type d'antenne varient avec chaque type de microcontrôleur. L'autre solution est plus simple : il s'agit de séparer le circuit NFC de la SIM et de donner le contrôle à cette dernière sur les transactions, voire sur la gestion des ressources cryptographiques qui pourraient être réclamées par une application résidant ailleurs que dans la SIM. « Nous pensons qu'une bonne architecture de référence est celle qui fait de la SIM une sorte de routeur intelligent, capable de vérifier les certificats des applications qui peuvent être partout dans le mobile », déclare à ce sujet Philippe Martineau (Inside Contactless). Mais pour accompagner ce développement, il faudra que le NFC Forum, qui vient de publier les premières spécifications sur les données des tags et, plus récemment encore, celles relatives aux « smart-posters », puisse offrir aussi rapidement aux développeurs une API générique NFC. La question de savoir quel sera le « secure element » de la future architecture sécurisée du mobile va sans doute recevoir plusieurs réponses. La récente publication de la spécification Mobile trusted module (MTM) par le TCG (Trusted computing group) met en avant des concepts de sécurité, et définit des fonctions qui supposent plusieurs « trusted engines » dans le mobile et des possibilités d'implémentation assez diverses (un circuit ou un system-on-chip). Ces « moteurs de confiance » n'agissent pas tous au même niveau des couches logicielles et matérielles. La protection de l'IMEI (International mobile equipment identity, numéro d'identification du mobile) ou la vérification du code au moment du boot, le contrôle d'un certificat, le chiffrement d'une clé, la signature d'un message ou l'authentification d'un utilisateur dans une transaction, ou encore l'envoi d'une clé pour désembrouiller un flux Mpeg-4, etc., ne réclament pas les mêmes niveaux de sécurité ni les mêmes mécanismes. Dans ce cadre, le MTM apparaît finalement plus comme une tour de contrôle pour les composants matériels et logiciels, et la future carte SIM comme un moteur de confiance tournée vers les données personnelles de l'abonné. (1) NFC (Near field communication) est un standard ECMA et Iso basé sur l'Iso14443 (type A et B) et FeliCa. On distingue aujourd'hui deux types de circuits NFC. Le premier (ECMA 340) supporte les fonctions de lecture et émulation de carte en Iso14443-A (Mifare), et Sony FeliCa. Le second (ECMA 352) supporte les mêmes fonctions mais y ajoute la fonction reader en Iso14443-B, et Iso15693. (2) D'autres propositions ont été faites, notamment par Nokia, le premier fabricant de téléphones mobiles et par SanDisk, le leader mondial des cartes flash (Nand). Le premier a proposé pour le protocole rapide un protocole synchrone qui fait appel à un signal d'horloge supplémentaire afin de faire varier le débit (jusqu'à 26 Mbits/s). SanDisk, a tout simplement proposé d'adopter le protocole SD (Secure Digital), utilisé aujourd'hui par les cartes flash amovibles. Une illustration du rôle que l'industrie de la flash entend jouer dans celles du mobile et de la carte à puce. (3) La distance de lecture offerte par les spécifications NFC est de quelques centimètres, mais la possibilité de disposer de distances plus importantes peut être envisagée. La combinaison au niveau RF des standards Iso14443 et 15693 en mode d'émulation de carte (eNFC d'Inside Contactless) rendrait possible pour certaines applications une distance de lecture de l'ordre du mètre. (4) Une architecture de téléphone mobile doté d'une application de paiement sans contact. NFC : le futur couteau suisse du mobile L'interface NFC (Near field communication) apparaît comme un moyen de créer une sorte de nouveau couteau suisse dans un mobile de plus en plus polyvalent ! Le NFC va permettre en effet l'agrégation dans ce dernier (avec ou sans les opérateurs historiques) d'un large spectre d'applications et de services nouveaux, qui s'étend du paiement (carte de débit/crédit, porte-monnaie électronique) au transport (e-ticketing), en passant par le dialogue avec des smart posters (demande d'informations et achats de tickets), l'échange de données peer-to-peer entre mobiles (fonds d'écrans, ringtones, business cards, etc.), ou encore le routage de communications sans fil (initiation de communications sécurisées en Bluetooth ou Wi-Fi). La promesse du NFC (*), c'est cette idée d'une interface universelle capable de dialoguer en permanence et de façon sécurisée avec l'environnement immédiat du mobile (à quelques centimètres voire à un mètre), de réaliser des transactions, d'échanger des données en un seul geste, simple et précis. Sans interrompre en outre les autres services traditionnels du mobile : c'est en fait le mariage du « contactless » et du « wireless ». Mais la réalisation de cette promesse est aujourd'hui encore suspendue à des choix techniques critiques et à la validation de modèles économiques inédits liés à ces choix. Ils portent en particulier sur le rôle de la carte SIM et sur l'architecture générale de sécurité du nouvel écosystème du mobile. Compte tenu de l'ampleur des enjeux, ces choix ont pris un tour très stratégique. Ils sont adossés à des intérêts industriels nombreux et variés qui sont à la fois conflictuels mais aussi convergents (il faut bien des standards !). La situation est d'autant plus complexe que l'on sait bien que les ruptures technologiques et les innovations sont toujours l'occasion de défaire les positions dominantes et de rebattre les cartes. Ceci est plus que jamais valable pour les fournisseurs de circuits comme pour les fabricants de téléphones, les opérateurs télécoms, les MNO (Mobile network operators) classiques ou virtuels ou les fournisseurs de contenus. (*) ABI Research estime qu'à l'horizon 2009, environ 450 millions de téléphones mobiles seront équipés d'une puce NFC.

Architectures sécurisées des futurs mobiles : tout reste ouvert !

Couverture ElectroniqueS n°127

IBM grave les premières puces en 2 nm en abandonnant les FinFET

Zeta, le protocole LPWAN made in China, arrive en Europe

Harting invente le connecteur électronique sur mesure

Architectures sécurisées des futurs mobiles : tout reste ouvert !

Dans la même rubrique

Couverture ElectroniqueS n°127

IBM grave les premières puces en 2 nm en abandonnant les FinFET

Zeta, le protocole LPWAN made in China, arrive en Europe

Harting invente le connecteur électronique sur mesure