Couverture ElectroniqueS n°127

A la différence du MIT, la célèbre institution de recherche américaine, l'Institut européen de technologie (IET) ne devrait pas avoir de structure centralisée, mais faire travailler en réseau différentes structures de recherche de pointe disséminées en Europe. La Commission vient de proposer au Conseil européen de créer un Institut européen de technologie (IET) dont la vocation serait de devenir un pôle d'excellence dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Cette proposition avait initialement été formulée en février 2005, lors de la révision à mi-parcours de la Stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi (*).Elle a, depuis, été enrichie des contributions de plus de 700 intervenants qui ont donné leur point de vue sur le projet d'IET dans le cadre d'une consultation publique qui s'est achevée en novembre dernier. Ce projet doit maintenant être examiné par les chefs d'Etat et de gouvernement.La Commission voudrait ainsi éviter la fuite des cerveaux européens vers les Etats-Unis et, demain, vers la Chine et l'Inde, en soutenant des structures qui leur offrent des conditions de vie et de rémunération attractives. « L'excellence a besoin de fers de lance et l'Europe doit dès lors se doter d'un puissant Institut de technologie qui réunira les meilleurs cerveaux, les meilleures entreprises, et qui diffusera, partout en Europe, les résultats de ses travaux », a déclaré José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, lors de la présentation du projet d'IET. Il a ajouté que cette structure devrait être « légère et flexible ». Cela ne signifie donc pas que l'Europe s'apprête à créer une nouvelle université à un endroit bien précis. Il s'agit plutôt de mettre en réseau les meilleures équipes de recherche académique et privée, réparties sur plusieurs sites géographiques à travers l'Europe, et de les faire travailler ensemble dans certains domaines stratégiques où elles excellent. La création d'un comité directeur entouré d'une équipe administrative restreinte est néanmoins prévue pour assurer la mise en réseau des étudiants, chercheurs et professionnels les plus talentueux. Soulignons également que l'IET prévoit d'attirer des capitaux privés, de façon à offrir des opportunités de commercialisation des résultats de la recherche.Premières « communautés de recherche » à partir de 2009« L'IET devrait évaluer, labelliser et suivre les travaux des équipes de recherche, mais ne pas distribuer d'argent, le financement des projets étant assuré dans le cadre de programmes de R&D européens par l'Union européenne, les Etats membres, les entreprises et les professionnels du capital-risque. Sa vocation n'est pas de soutenir des projets en tant que tels, mais d'améliorer le lien entre l'éducation, la recherche et l'innovation, et de permettre à l'Europe de convertir les résultats de la R&D en débouchés commerciaux, en innovations et en emplois », explique Frédéric Vincent, porte-parole du commissaire européen en charge de l'Education et de la Formation. Plusieurs pays, dont la France (voir notre article ci-dessous), mais aussi l'Autriche et la Pologne, étudient la mise en place de structures qui pourraient s'intégrer au sein l'IET, ou qui disposent déjà de tels pôles d'excellence comme le Danemark ou la Suède. Les pôles de compétitivité, en France et aux Pays-Bas, et certains pôles d'excellence en Allemagne pourraient également être intégrés au sein de l'IET, précisent les autorités de Bruxelles.La Commission présentera une proposition formelle de création de l'IET avant la fin de l'année 2006, mais les Vingt-Cinq devraient se pencher sur ce projet dès le sommet de printemps, à la fin mars. L'IET pourrait être juridiquement constitué en 2008 et le comité directeur de l'Institut nommé au début de l'année 2009, tout comme les premiers membres du personnel. Les premières « communautés européennes de recherche » pourraient alors être définies au cours de cette même année, indique la Commission.(*) Lors du Conseil européen de Lisbonne, en 2000, l'Europe s'était fixé l'objectif de « bâtir l'économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l'horizon 2010 ». Pour mesurer le chemin parcouru, le Conseil européen a demandé que des bilans d'étape soient rédigés chaque année dans chaque pays. Ils devront indiquer le type de mesures prises pour appliquer la Stratégie de Lisbonne.Les motivations de commission européenne au sujet de la création de l'IETLe nombre de lauréats du prix Nobel issus de l'Union européenne est passé de 73 % entre 1901 et 1950 à 33 % entre 1951 et 2000. A noter que cette part est tombée à 19 % de 1995 à 2004.La plus grande partie de la recherche européenne est de premier plan. Pourtant, en dehors de certaines exceptions notables, les chercheurs européens, les établissements et les entreprises sont moins efficaces que leurs concurrents dans l'utilisation des résultats de ces travaux pour développer des produits et des processus commercialement viables.Concernant l'attribution des brevets américains et européens entre les années 1992 et 2001, la part de ceux accordés aux entreprises de l'Union européenne n'a cessé de décliner, tandis que celle des brevets accordés aux entreprises américaines a augmenté. Les résultats obtenus par les organisations européennes de recherche et d'enseignement n'y sont pas transférés aussi efficacement et la coopération avec l'industrie y est moins bien développée.Le monde de la recherche voit émerger de nouveaux acteurs, notamment l'Inde et la Chine. Ce dernier pays produit désormais davantage de diplômés en sciences et technologies que l'ensemble de l'Europe. C'est uniquement une question de temps : la Chine et l'Inde dépasseront le rôle actuel de manufacturiers de produits conçus par d'autres et s'affirmeront sur toute l'échelle de la chaîne de valeur, en partant de l'enseignement à la recherche.Dans le cadre de la “ Stratégie de Lisbonne ”, tous les Etats membres se sont engagés à renforcer leurs actions dans les domaines de la recherche et de l'innovation. Un IET permettrait de coordonner ces actions, de rassembler la masse critique nécessaire, et d'augmenter la qualité et la visibilité des réalisations européennes en la matière.

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