Couverture ElectroniqueS n°127

Notre récent article sur “ le radiotéléphone de papy ” nous a valu un courrier anormalement abondant. Demande unanime des lecteurs qui ont réagi : “ Continuez à défendre la simplicité ! ” Ce qui n'était, pour nous, qu'un clin d'&oelig;il le cahier des charges du “ radiotéléphone de ceux qui ne veulent pas se casser la tête ” (voir notre numéro du 16 octobre dernier) a fait l'objet d'une adhésion inattendue de la part de nombreux lecteurs. Il serait, certes, dangereux de vouloir généraliser les remarques faites à cette occasion car “ on n'arrête pas le progrès ”. Mais, vu cette adhésion, il serait tout aussi dangereux de ne pas vouloir en tenir compte. Donc, résumons : chefs de projets, il faut tenir un peu moins compte de ce à quoi rêvent les ingénieurs et prendre plus en considération les avis des futurs utilisateurs des objets dont vous avez la charge. Ceux qui n'aiment pas la technologie pour la technologie représentent plus de 70 % de la population… Cette population-là est curieuse, elle n'est pas antiprogrès, mais elle n'a aucune envie de se casser la tête pour bénéficier d'un progrès. Il faut donc FAIRE SIMPLE. Il est possible par exemple de combiner une fonction communication audio et une fonction “ secours ” dans un radiotéléphone. Mais uniquement si l'usage de l'appareil reste évident rien qu'en regardant le clavier et l'écran. Ces amoureux de la simplicité n'adopteront jamais un appareil qui fait à la fois radiotéléphone, alarme, jeux, appareil photo, récepteur de message texte, PDA, etc. Ils préfèrent posséder plusieurs appareils, chacun pouvant servir dans un cadre spécifique et être porté sur soi uniquement s'il y a une chance qu'il soit utilisé. Oui au haut de gamme Autre sujet de réflexion à tirer des remarques de nos lecteurs : simplicité n'exclut absolument pas haut de gamme. Il existe une population prête à payer plus pour bénéficier d'un bel objet (sans qu'il soit “ de luxe ”), qui fonctionne mieux que la moyenne, en toutes circonstances, et qui explique lui-même clairement ce qui ne va pas lorsque survient un incident (cette remarque devrait être réconfortante pour les fabricants d'appareils de moyennes séries). Nous tirerons aussi de ces courriers, une conclusion qui s'applique particulièrement à l'audiovisuel, actuellement en pleine mutation : lorsque les fonctions possibles d'un appareil deviennent nombreuses, mieux vaut concevoir plusieurs boîtiers simples, mais adaptés chacun à un besoin principal, qu'un produit à tout faire. Prenons l'exemple des décodeurs de TV numérique à disque dur qui naissent actuellement : n'y a-t-il pas danger de croire à une généralisation rapide du concept ? Les utilisateurs admettent fort bien qu'un décodeur soit nécessaire pour recevoir des programmes TV numériques. Mais beaucoup ne s'intéressent pas, du moins pour l'instant, à une fonction associée de lecture décalée dans le temps ou d'enregistrement, ajout qui a pour effet de gonfler les prix. L'interactivité dont beaucoup d'ingénieurs rêvent n'est souhaitée que par une minorité de téléspectateurs. Ceux qui, par contre, veulent changer de magnétoscope à l'occasion de l'arrivée du numérique s'intéresseront sûrement à un appareil, soit économique et ne comportant qu'un disque dur, soit qui combine disque dur et graveur de DVD. Car posséder et utiliser un magnétoscope constitue déjà un état d'esprit. Nous ferions en outre volontiers une remarque qui va plus loin que le désir spontané des utilisateurs : tous les appareils n'ont pas la même durée de vie. Un téléviseur est conservé dix ans ; un décodeur était jusqu'ici conservé quatre à six ans (cela va changer avec l'arrivée de MPEG-4 et de la TVHD) ; un “ magnétoscope ” à disque dur + graveur DVD aura sûrement une durée de vie de trois ans (on attend des progrès en matière de bruit des disques durs, et les graveurs de DVD vont passer à la lumière bleue). Il ne faut donc peut-être pas, là encore, chercher à vouloir tout associer dans un même appareil : cela conduit à des produits très coûteux, complexes, qui ont plus de risques de tomber en panne que la normale. En outre, la durée de vie de cet ensemble intégré ne peut être que celle de l'élément qui sera obsolète le plus rapidement… Nous sommes conscients que notre remarque n'est pas très marketing car les vendeurs, eux, ne songent qu'à une chose : vendre des produits les plus chers possibles. Mais il faut être honnête. Même si cela conduit chez les utilisateurs à des empilages de boîtiers et à une multiplication des fils derrière les appareils, c'est la rançon de la possibilité de suivre les progrès “ à son rythme ”. Mais c'est aussi l'occasion de se faire plaisir de temps en temps en changeant un élément de sa chaîne audiovisuelle. D'ailleurs, rassurons-nous : les technologies sans fil arrivent. Un jour ou l'autre, l'un des grands objectifs de cette industrie sera aussi de diminuer le nombre de câbles.

Chefs de projets, faites simple !

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