Couverture ElectroniqueS n°127

L'envolée du marché des semiconducteurs et la saturation des usines de production technologiquement les plus avancées ne laissent pas les acheteurs indifférents. Les plus petits craignent une pénurie à court terme. Les acheteurs que nous avons récemment rencontrés, petits ou grands, sont tous inquiets d'avoir à souffrir d'une pénurie de composants à plus ou moins court terme. Mais leur réaction est très différente suivant leur pouvoir d'achat ou, ce qui revient au même, suivant ce qu'ils “ pèsent ” vis-à-vis de leurs fournisseurs. Les plus petits sont très inquiets car ils n'ont pas d'autres indicateurs que ce qu'ils lisent dans la presse, et la découverte d'une augmentation continue du taux d'occupation des usines de semiconducteurs les stresse. Ils ont du mal à se faire une opinion sur la situation : “ Il y a eu tant d'annonces fausses dans le passé, faut-il vraiment y croire cette fois-ci ? ” Leurs fournisseurs, évidemment, ne font rien pour les rassurer ; leur discours est unanime : “ Passez votre commande le plus tôt possible ; les prix vont monter. ” Il est d'ailleurs bien clair que les prix ne baissent plus… Résultat, des premières commandes gonflées ont été passées, fin octobre, par précaution. Les produits concernés n'ont été que des semiconducteurs dits stratégiques, cette expression devant être prise dans le sens “ ceux dont l'absence nous a rendu la vie impossible en 2000 ”. Pour l'instant, les passifs ne sont pas concernés, du moins en général. Chez les acheteurs “ moyens ”, au pouvoir d'achat se chiffrant en dizaines de millions d'euros, la situation n'est pas si différente : les sources d'informations sont plus nombreuses mais guère plus riches de certitudes. Leurs conclusions varient en fonction de la personnalité des acheteurs, sont plus étayées, mais sont finalement voisines : “ La probabilité pour qu'une pénurie nous tombe dessus à court terme est forte. La seule chose qui pourrait nous sauver est le traditionnel creux de la demande de mi-décembre à fin février : il pourrait donner le temps aux fournisseurs de remettre en place des capacités de production pour répondre aux demandes normales de mars-avril-mai. ” Quand gonfler les commandes ? “ Mais si les autres acheteurs prennent des précautions dès novembre, le creux historique risque d'être masqué. Dans ce cas, il faudra surcommander dès que l'on sera quasi certain que le marché ne prend pas le chemin d'une stabilisation. ” Quand arrivera le moment critique ? Certains acheteurs évoquent fin novembre ; d'autres, plus prudents, ont évoqué mi-novembre… Pour les gros acheteurs, au pouvoir d'achat se chiffrant en centaines de millions d'euros, la situation est différente, mais l'inquiétude est aussi réelle bien qu'à plus long terme. Leur assurance est perceptible pour deux raisons : d'abord parce qu'ils communiquent leurs besoins à leurs fournisseurs sur un an, voire sur dix-huit mois ; on voit donc mal des fournisseurs ne pas tenir compte à l'avance de telles demandes dans leur propre planning. Ensuite parce que les fournisseurs ne peuvent pas se permettre de se froisser avec de tels clients. En 2000, d'ailleurs, les très gros clients ont tous été servis, en semiconducteurs, suivant les plannings qu'ils avaient communiqués à l'avance. Comme la pénurie a duré moins d'un an, les très gros acheteurs n'en ont presque pas souffert. Seulement “ presque ” tout de même, parce que le time-to- market empêche d'avoir une vision très précise des besoins à un an, et qu'il est impossible de mesurer à l'avance le succès d'un nouveau produit sortant tout juste des cartons : les grandes sociétés aussi ont besoin de flexibilité. Ces acheteurs, de plus, ont l'avantage de pouvoir communiquer sur la conjoncture directement avec les directions de leurs fournisseurs. Un réel avantage ? Ces dernières se sont tellement trompées dans le passé quant à l'évaluation de leurs possibilités de réaction ! Si l'on n'écoutait que ces directions, d'ailleurs, il y aurait suffisamment de surfaces de salles blanches à équiper dans le monde pour répondre aux besoins les plus élevés. Et d'oublier que les équipements de fabrication, il faut d'abord pouvoir les produire (les équipementiers du semiconducteur ont tous réduit leurs propres capacités de production), et que les fabricants de semiconducteurs doivent réembaucher du personnel qualifié avant d'augmenter leurs capacités de production. Inertie : 6 mois. L'acheteur important le moins inquiet que nous ayons rencontré s'estime convaincu qu'il n'y aura pas de pénurie avant juin 2004 (mais il a tout de même annoncé auprès de ses fournisseurs des besoins se situant dans des fourchettes hautes). Il s'est par contre montré plus soucieux en ce qui concerne certains passifs : la dernière pénurie de condensateurs tantale a laissé des mauvais souvenirs !

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