Couverture ElectroniqueS n°127

Les études de fiabilité ne sont qu'une facette du projet international sur le sans-plomb Efsot. L'évaluation de l'impact des alliages sans plomb sur la santé et sur l'environnement constitue un autre champ d'études auquel participent les Européens aux côtés des Japonais. La directive européenne RoHS ne laisse plus aux industriels de l'interconnexion que deux ans et quelques mois pour se préparer au sans-plomb. Dans cette dernière ligne droite avant le 1er juillet 2006, Européens, Japonais et Coréens ont décidé d'unir leurs forces. Conjointement e au programme Growth du 5 PCRD (Programme-cadre européen de R&D), le projet international Efsot a ainsi démarré début 2003 sous les auspices de l'IMS (Intelligent Manufacturing Systems) pour une durée de trois ans. Vingt-trois sociétés au total apporteront leur contribution, notamment Avantec (ex-Promosol) et Thomson en France, Philips aux Pays-Bas, AB Mikroelectronik en Autriche, Gaiker en Espagne, TU Berlin en Allemagne, Hitachi, Fujitsu, Nec et Oki au Japon, ou encore LG Electronics en Corée. Dans la continuité du projet français Cepia(1) notamment (programme national Predit), qui s'est achevé en 2002 (voir notre numéro du 21 juin 2002), Efsot se fixe comme premier objectif d'optimiser les procédés sans plomb et d'améliorer leur robustesse, en particulier pour les cartes à pas fins. Mais il ne s'agit en fait que de l'une des quatre facettes du programme de recherche. L'évaluation de l'impact des alliages sans plomb sur la santé et sur l'environnement, ainsi que le recyclage de ces alliages constituent un autre aspect important des travaux auxquels participent les industriels européens aux côtés de leurs homologues japonais.Après un an d'études, une première vague de résultats vient d'être publiée. Sans surprise, ces résultats confirment la fiabilité de l'étain-argent-cuivre déjà démontrée dans le cadre de précédentes études. Et ce quelles que soient la nature du substrat (FR2, FR4, céramique) et sa finition (OSP, argent chimique, étain chimique, nickel-or, et, pour la céramique, encre argent et cuivre non passivé). Réalisée sous air (et non pas sous azote) avec un pic de température compris entre 245 °C et 250 °C, l'étude montre surtout la robustesse de la crème à braser développée par Avantec pour répondre à tous types de profils thermiques, y compris les profils avec plateau utilisés dans le cas de masses thermiques importantes. « Les tests de fiabilité de 40 °C à +125 °C sont même meilleurs que dans le cas de l'étain-plomb », précise Anne-Marie Laügt, responsable développement et application chez le fournisseur de crèmes à braser.Une incitation au recyclageLe problème des whiskers dans les finitions étain pur des composants n'a par contre pas encore été tout à fait résolu, mais des solutions issues d'une meilleure compréhension de leur processus de formation ont été apportées. La formation de ces filaments monocristallins serait due à un changement de la structure métallographique de l'étain, qui se traduirait par une expansion de son volume, et en conséquence par une compression de l'alliage. Une solution consisterait ainsi d'une part à former une “ barrière ” de nickel dans la finition (par ajout d'une faible quantité de nickel dans l'étain) de manière à bloquer la croissance des whiskers, et d'autre part à effectuer un traitement thermique d'une heure à 150 °C pour relaxer les contraintes dans la finition. Concernant par ailleurs le problème de soulèvement des pavés passifs durant la refusion (tombstoning), plus fréquent avec les crèmes sans plomb, surtout sous azote, une étude expérimentale est en cours pour déterminer plus précisément les causes du phénomène et y remédier.Une question restait posée : le sans-plomb est-il finalement aussi écologique qu'il est fiable ? L'éventualité d'une toxicité des alliages sans plomb, notamment de l'argent, avait en effet été soulevée en France il y a quelques années sans qu'on y apporte de réponse claire. Les résultats publiés par Efsot, qui ressortent d'une étude amorcée dès 2000 au Japon, ont le méritent d'ôter le doute : l'argent ne présente qu'une très faible toxicité orale, de même d'ailleurs que le bismuth et l'indium. Pas d'inquiétude non plus à avoir concernant l'étain et cuivre. L'antimoine, et dans une moindre mesure le bismuth, présentent par contre un caractère mutagène, et sont donc potentiellement cancérigènes (alors que le plomb ne l'est pas). Ce qui constitue une bonne raison d'écarter ces éléments de la composition des alliages. Qui plus est si l'on considère que les alliages étain-argent-cuivre sont déjà préférés aux alliages quaternaires au bismuth en raison de la faible disponibilité de ce métal.En ce qui concerne les ressources naturelles d'étain et d'argent, le passage au sans-plomb ne s'annonce pas spécialement problématique. En considérant que l'on recycle l'argent à hauteur de 98 % et l'étain à 80 %, l'élimination du plomb en électronique devrait, selon une première estimation d'Efsot, se traduire par une augmentation de la consommation totale d'étain et d'argent de respectivement 5 % et 7 %. « Ce qui n'est pas déséquilibrant, ni en termes d'épuisement des ressources, ni en termes de coûts des métaux », conjecture Patrick Rollet, directeur général d'Avantec et représentant “ environnement ” des syndicats de l'électronique auprès du ministère de l'Industrie. Pour affiner ces prévisions, un modèle dynamique qui tiendra compte du choix des alliages, des volumes consommés et de l'évolution des taux de recyclage est à l'étude. Compte tenu de la diversité des alliages sans plomb, leur recyclage sera sans doute plus complexe et plus consommateur d'énergie que celui de l'étain-plomb. Plusieurs facteurs devraient néanmoins jouer en sa faveur : la valeur pécuniaire même des alliages sans plomb d'abord, mais aussi la directive européenne WEEE (voir notre numéro du 30 octobre 2003), qui, de toute façon, imposera dès l'an prochain de récupérer et de réutiliser en partie les appareils électriques et électroniques(2). Aux industriels ensuite de tenir compte du recyclage dès la phase de conception des appareils pour réduire leurs coûts. Voir notre lexique en page 27.(1) Ont participé à ce projet Valeo, Avantec, STMicroelectronics, Alcatel, Schlumberger, et l'université de Bordeaux (laboratoire IXL) entre autres. (2) Le taux de récupération imposé par la directive WEEE est de 70 % en masse pour les petits équipements ménagers, les équipements d'éclairage, les outils, les jouets, les équipements de sport et les équipements de contrôle industriels, de 70 % pour les ordinateurs et les appareils électroniques grand public, et de 80 % pour les gros appareils ménagers. Les taux de réutilisation de ces équipements sont respectivement de 50 %, 65 % et 75 %.Teneur maximale en plomb : 0,1 % de quoi ? « Une concentration massique maximale de 0,1 % en plomb, en mercure, en chrome hexavalent, en PBB et en PBDE, et de 0,01 % en cadmium, sera tolérée dans les matériaux homogènes. » Cet amendement de la Commission européenne à la directive RoHS, qui stipule qu'un matériau homogène « définit une unité ne pouvant être désassemblée en plusieurs matériaux », devrait être prochainement proposée au TAC avec l'addition d'Orgalime(*) : « sans détruire irréversiblement sa fonction ». Malgré ces précisions sur la définition de l'expression “ matériau homogène ”, force est de constater que l'ambiguïté sur la concentration maximale en substances dangereuses dans les produits électroniques persiste. Pour clarifier cette situation, Orgalime prévoit de proposer à la Commission européenne une note technique d'interprétation de sa directive. A suivre. (*) Orgalime représente 34 associations regroupant au total 130 000 sociétés européennes de l'industrie mécanique, électrique, électronique et métallurgique.

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