Couverture ElectroniqueS n°127

Auteur d'un rapport sur la microélectronique, Claude Saunier, sénateur des Côtes-d'Armor, estime que le programme de soutien à l'innovation qui devrait être examiné par le Parlement à l'automne n'est pas suffisant pour donner aux industriels français les moyens d'affronter leurs concurrents. Dans votre rapport parlementaire sur la micro-électronique(1) , vous estimez que le soutien à ce secteur est trop timide en France. Le plan gouvernemental sur l'innovation est-il ou non le prélude à une plus grande implication des pouvoirs publics dans le développement de nos industries high-tech ? L'innovation est devenue une locomotive de l'économie mondiale, ce qui conduit inévitablement tout gouvernement, quel qu'il soit, à conduire une politique dans ce domaine. Or, face à la concurrence des Etats-Unis et de l'Asie, et à la rapidité à laquelle les technologies évoluent, je n'ai pas le sentiment que les réponses de la France et de l'Europe soient à la hauteur des enjeux. Certes, un programme sur l'innovation a été présenté par les ministres de l'Industrie et de la Recherche, mais il manque de souffle. Il s'agit, en fait, d'un catalogue de mesures techniques essentiellement fiscales. L'idée sous-jacente de ce plan n'est que d'alléger les charges et les contraintes des entrepreneurs. Or, cela fait vingt ans que l'on pratique ce genre de mesures ; seules, elles ne suffisent pas ! Le gouvernement parie sur un sursaut de l'innovation à partir d'initiatives privées sans mobiliser de véritables ressources provenant de l'Etat. Ce n'est pas assez motivant pour les acteurs de l'industrie et de la recherche. De plus, le message qui a été délivré risque d'être brouillé, car, au moment où mesdames Fontaine et Haigneré ont lancé un appel à un sursaut, le gouvernement a procédé à une diminution des crédits publics de la recherche de 30 % en 2003. Je ne peux plus rencontrer de responsables de centres de recherche sans qu'ils ne me fassent part de leurs préoccupations suite à des réductions de budget. En demandant aux entreprises de faire des efforts d'investissement, tout en réduisant le soutien public, on enlève beaucoup de la crédibilité à ce discours. Seul de l'argent public peut être investi dans des technologies réellement innovantes et à risque financier élevé. Il faudrait, en outre, déconnecter la politique de la recherche et de l'innovation, de la conjoncture et de la politique fiscale et économique. Cette politique devra s'inscrire dans la durée, notamment en ce qui concerne les engagements financiers.Quelles seraient, selon vous, les mesures prioritaires à prendre en faveur de l'innovation ?Au niveau national, il faudrait instaurer un acte politique fort qui marque la volonté du gouvernement de promouvoir l'innovation. Je pense à une loi de programmation de la recherche et de l'innovation qui permette à la fois d'engager des vrais débats, de mobiliser les centres de recherche, et d'impliquer les milieux économiques. Cette loi de programmaloi de programmation comporterait la création, auprès du Premier ministre , d'une délégation interministérielle à la recherche et à l'innovation. Une telle organisation a été mise en place au Japon qui a estimé que des moyens importants devaient être alloués face à des enjeux aussi stratégiques. Quant aux Etats-Unis, ils se réclament du libéralisme, mais cela ne les empêche pas de pratiquer le volontarisme économique. Nous devons faire de même. Pour le moment, en faveur de l'innovation, l'Europe n'a qu'un discours. Il reste à le transformer en actes.Quel rôle pourrait jouer la France pour soutenir l'innovation sur le plan européen ? Notre pays pourrait jouer un rôle moteur dans la redynamisation d'une politique de recherche soutenue et impulsée par l'Europe. Les grands enjeux technologiques nécessitent des moyens qu'aucun pays de l'Union européenne ne possède seul. Il s'agit donc de se concerter afin de relancer une politique volontariste, non seulement sur le plan national, mais aussi au niveau européen. Nous devons nous engager dans une véritable politique industrielle qui fait actuellement défaut en Europe, sans laquelle nous ne pourrons pas atteindre une masse critique au niveau mondial. Les exemples donnés par Crolles et par Dresde, dans le domaine de la microélectronique, sont à suivre ! Mais ils sont encore trop rares. En ce qui concerne les institutions européennes, il serait souhaitable d'exclure du pacte de stabilité économique(2) les investissements consentis au titre de la recherche et de l'innovation. Il faudrait également simplifier l'accès au 6e PCRD. Ce programme de R&D de la Commission européenne m'inquiète dans la mesure où il me donne l'impression d'aller encore plus loin que son prédécesseur dans la caricature administrative bruxelloise. Les chercheurs que j'ai rencontrés m'ont fait part de leurs difficultés avec ce programme, et, finalement, un certain nombre d'équipes de recherche baissent les bras devant la complexité technique du 6e PCRD.(1) Ce document, remis en début d'année à l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, fait neuf propositions destinées à accroître le soutien à la microélectronique en France et en Europe (voir notre numéro du 31 janvier). (2) Le pacte de stabilité est destiné à assurer la gestion saine des finances publiques dans la zone euro afin d'éviter qu'une politique budgétaire laxiste d'un Etat membre ne pénalise les autres Etats. Il vise à assurer une convergence soutenue et durable des économies des Etats membres de la zone euro. Des détails sur le pacte de stabilité économique sont consultables sur le site Internet Europa : se connecter sur http://europa.eu.int/scadplus/leg/fr/s01040.htm.« Le plan en faveur de l'innovation présenté par les ministres de l'Industrie et de la Recherche ne constitue qu'un catalogue de mesures techniques essentiellement fiscales. La France doit engager une politique industrielle bien plus volontariste », estime le sénateur Claude Saunier.

« Il faut relancer une politique industrielle en France et en Europe »

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