Couverture ElectroniqueS n°127

Les clients de la distribution estiment que les produits qu'elle propose sont trop chers. La distribution réplique que ceux qui disent cela ne connaissent pas assez bien les services qu'elle propose. Jean-Pierre Velly, responsable des ventes de Future Electronics pour l'Europe, fait le point sur les services offerts par ce secteur d'activité. Sur quels services la distribution de composants doit-elle, selon vous, axer son offre pour justifier son rôle d'intermédiaire à valeur ajoutée ? J'isolerai trois éléments clés pour juger de la qualité des services apportés par le distributeur : la disponibilité des produits, le support technique et la logistique. En distribution, la disponibilité des pièces est la clef du service. Il est impératif que le distributeur assure la continuité des livraisons aux clients même si les délais d'obtention des composants auprès des fabricants augmentent. Or, plus un distributeur dispose de stocks conséquents, plus le nombre de rotations de ses stocks dans l'année est bas. Dans ce domaine, l'un des problèmes auxquels se heurtent les sociétés de distribution cotées en Bourse relève de la finance : en effet, pour les analystes financiers, la rotation des stocks est un paramètre qui sert à évaluer la santé des sociétés de distribution : plus la rotation des stocks est élevée, plus les coûts de gestion de ces stocks sont faibles. D'où des taux de rotation élevés qui grèvent la disponibilité des pièces… En tant que société privée, Future Electronics peut assurer des rotations de stocks à fréquence de seulement 2,5 à 3 fois par an, ce qui est très inférieur à ce qui est pratiqué par la concurrence. En outre, dans la même logique de service aux clients, tout distributeur devrait réserver des capacités de production chez les fabricants. Le support technique consiste, quant à lui, à accompagner le client dans le choix des composants dont il a besoin, à l'informer des nouvelles technologies autant que le former à celles-ci ; ce qui amène le distributeur à réaliser, pour le compte de ce client, des cartes d'évaluation et des kits d'intégration, ainsi qu'à mettre sur pied des cycles de formation (formation en microcontrôleurs chez Future Electronics par exemple). Les grands de la distribution acceptent-ils de livrer de petites quantités de pièces ? A priori, il semble normal de pouvoir livrer n'importe quelle quantité de composants, multiple de l'équivalent d'une barrette de produits. Mais il est évident que le distributeur ne peut pas accepter, de la part de ses clients, des commandes inférieures en quantité ou en valeur aux minima de base que lui imposent d'ailleurs ses propres fournisseurs. En effet, il est courant que les fabricants de composants contraignent le distributeur à acheter des quantités minimales (ou MOQ, pour “ Minimum Order Quantity ”) ainsi que des valeurs minimales (MOV, pour “ Minimum Order Value ”). S'il s'agit d'un produit d'usage commun, pas de problème. En outre, il faut tenir compte du coût du déplacement des pièces dans les magasins : cela revient beaucoup plus cher d'extraire 25 composants dans un conditionnement plutôt que de prendre 1 000 pièces d'un coup. Enfin, le transport se paie. Ainsi un envoi en exprès, avec livraison chez le client en 12 à 24 heures, coûte cinq fois plus cher qu'un envoi standard avec livraison sous 24 à 48 heures. La gestion des frais de transport est un La gestion des frais de transport est un poste important. Le client a tout intérêt à regrouper ses commandes. S'il ne le fait pas mais impose au distributeur un colis par ligne de produit, par exemple, le transporteur est obligé de facturer autant de prises en charge que de colis. La part de chiffre d'affaires de la sous-traitance dans la distribution ne cesse d'augmenter. Or, c'est la sous-traitance qui vous fait le plus de reproches . La situation va-t-elle s'améliorer ? Les sous-traitants demandent aux distributeurs la disponibilité immédiate des pièces commandées, avec, souvent, d'autant plus de force que leur prévision de besoins a été insuffisamment précise. Ce n'est pas obligatoirement leur faute mais cela est une autre histoire. En outre, il ne faut jamais oublier que les sous-traitants réalisent 70 % et plus de leur chiffre d'affaires avec les achats de composants. Si le sous-traitant réalise des gains importants avec les achats de composants et s'il se trouve en difficulté, il a tendance, comme il ne peut accuser son client, à se retourner contre son ou ses distributeurs. Les sous-traitants avec lesquels le distributeur peut entretenir de bonnes relations sont ainsi ceux qui, d'une part, jouent la transparence au niveau de leurs besoins et qui, d'autre part, disposent d'outils performants pour la prévision de ces mêmes besoins. Ces sous-traitants ne comptent pas sur la distribution pour éponger leurs aléas ! Dans la pratique, ils n'inondent pas, par exemple, leurs distributeurs de demandes de cotation pour les nomenclatures de contrats en cours de négociations avec leurs propres clients. En effet, il arrive que des distributeurs reçoivent trois fois dans la même journée trois demandes de cotation pour les mêmes lignes de produits ! Les “ bons sous-traitants ” savent identifier les produits clés des nomenclatures fournies par leurs clients. La distribution est d'ailleurs là pour les y aider, tout comme elle peut, si cela est autorisé par leurs donneurs d'ordre, leur conseiller des secondes sources. A ce sujet, je vous rappelle que moins de 10 % des composants dans le monde sont mono-sources (exemple : les réseaux logiques programmables), que 20 % environ ont au moins une seconde source, et que 70 % sont multisources. Comme exemple de partenariat réussi entre sous-traitant et distributeur, je citerai, par exemple, celui que Future a instauré avec Eolane, un sous-traitant qui joue la transparence, avec qui nous avons mis en place une logistique performante et qui dispose, chez Future, de stocks réservés. Dans quelle mesure la distribution accompagne-t-elle les clients qui délocalisent leur production ? Pour ce type d'opération, le distributeur a évidemment tout intérêt à être doté d'une couverture mondiale. Il est aussi plus facile d'opérer quand on dispose d'un outil logistique globalisé à l'échelle mondiale, ce qui est le cas chez nous. Il ne nous faut que 10 minutes environ pour basculer les commandes d'un client qui fabriquait aux Etats-Unis et qui s'installe en Espagne, par exemple. L'accompagnement des délocalisations pose, toutefois, de nouveaux problèmes à la distribution. Ainsi faut-il veiller à ce que le bureau qui a pris la commande le premier, et qui a donc investi pour obtenir cette commande, ne soit pas lésé quand une autre agence du groupe prend le relais. Ce qui signifie qu'il faut davantage de justice dans les mesures des performances des différentes agences. Chez Future, le vendeur à l'origine de la commande est rémunéré, en cas de délocalisation de la production du client et de suivi des besoins de ce dernier, par une autre entité du groupe, au prorata du chiffre d'affaires engrangé par le bureau relais. Enfin, évidemment, un site de production délocalisé peut souhaiter changer de distributeur. Si la maison mère n'impose pas de directives, on ne peut alors rien faire ! Qu'en est-il de l'e-commerce aujourd'hui ? La distribution travaille-t-elle avec cet outil ? Définissons d'abord le terme. Pour moi, l'e-commerce, c'est l'échange de données informatiques de trois ordres : informations, commandes et paiement. Au niveau des informations, un site Web est aujourd'hui indispensable. Au plan des transactions, Internet a détrôné l'EDI, standard contraignant car embarrassé par des problèmes de sécurité notamment l'échange de clés de boîtes à lettres entre les distributeurs et leurs clients. Future, par exemple, s'appuie sur un réseau Extranet qui assure un suivi de commandes en temps réel et permet aux clients de déclencher eux-mêmes de nouvelles livraisons. En outre, nous savons exploiter directement les données prévisionnelles en provenance d'outils informatiques de gestion de la production. Et quand nous notons des écarts importants par rapport aux prévisions initiales, nous en discutons avec nos clients. Dans notre cas, par exemple, nous réalisons environ 40 % de notre chiffre d'affaires à l'aide de notre système de commandes par Extranet. Quant au paiement électronique, c'est une autre histoire. Il n'est pas encore entré dans les m&oelig;urs. Les clients ont du mal à se passer de leur moyen de pression… Comment voyez-vous l'avenir du marché ? Aujourd'hui, le marché est un marché d'acheteurs. Ne pas perdre d'argent est une performance. En France et en Europe, le trimestre en cours sera difficile car il ne compte pas un seul mois de fonctionnement normal. Par ailleurs, au niveau mondial, des pénuries pourraient rapidement voir le jour en raison du quasi-équilibre entre production et consommation. Ainsi, par exemple, au cas où, sur les 400 à 450 millions de téléphones portables prévus dans le monde en 2003, les fabricants décidaient d'en produire 20 millions avec écran couleur une pénurie de mémoires flash et statiques serait inévitable.

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