Couverture ElectroniqueS n°127

En quelques années, la Chine est devenue incontournable sur la scène électronique mondiale. Mais sa croissance spectaculaire tend à se calmer depuis son entrée à l'OMC, constate une étude du cabinet Décision. Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel… Cet adage bien connu des boursiers pourrait tout aussi bien s'appliquer à la Chine. Car si l'empire du Milieu ne cesse, depuis le début des années 1990, de prendre du poids sur la scène internationale et de creuser l'écart avec les grandes nations industrialisées, sa boulimie de croissance est en passe de se calmer. Entre 2000 et 2003, la part de la production électronique mondiale assurée par la Chine est passée de 10 % à 18 %, avec un taux de croissance moyenne annuelle estimé à 15,4 %. Or, en 2008, celle-ci devrait s'établir aux alentours de 25 %. Quant à la croissance annuelle de la production chinoise de produits destinés aux marchés de masse (audio, vidéo, téléphonie mobile, micro-informatique), elle devrait passer de 17 % en 2004 à 6 % en 2008 et rejoindre ainsi la moyenne mondiale, soit entre 6 % et 8 %. C'est du moins l'une des prévisions établies par le cabinet Décision(*) à l'issue d'une vaste étude consacrée à la place de la Chine, demain, sur l'échiquier électronique mondial. Après avoir rappelé quelques éléments macroéconomiques non négligeables (1,3 milliard d'habitants au 31 décembre 2003, 22 métropoles de plus de 2 millions d'habitants, plus de 200 villes de plus d'un million d'habitants, 40 % de la population vivant en milieu urbain…), cette étude souligne une autre particularité de ce marché : sur les 80 entreprises les plus importantes du secteur électronique, 70 sont contrôlées par l'Etat et bénéficient donc, à ce titre, d'un soutien gouvernemental très important (subventions, fiscalité, déploiement industriel, etc.) apporté dans le cadre de plans quinquennaux, le dixième se terminant en fin d'année prochaine. La croissance “ en vase clos ” qui tire l'innovation Le leadership de l'industrie électronique chinoise s'est constitué pendant la dernière décennie grâce à plusieurs moteurs : volumes importants, faible coût de production… Le gouvernement favorisant dans le même temps les acteurs locaux grâce à des joint-ventures imposées, tandis que la propriété intellectuelle était, la plupart du temps, négligée. « Cela est particulièrement vrai dans le domaine du logiciel ou du DVD », note Sébastien Rospide en rappelant que la Chine compte plus de 200 fabricants de lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD ! Ce phénomène de croissance “ en vase clos ”, associé à un nombre pléthorique d'acteurs à rentabilité limitée, a atteint ses limites au début de cette décennie avec l'apparition de guerres des prix (téléphonie mobile, TV, ordinateurs de bureau, etc.). En outre, la vague du numérique a favorisé la naissance de conglomérats opérant sur différents segments de marché. A l'instar de Lenovo (ex-Legend), fabricant de PC et périphériques se déployant dans la téléphonie mobile. L'entrée de la Chine à l'OMC et les conséquences économiques qu'elle implique (diminution des barrières douanières, concurrence accrue des firmes étrangères…) ont obligé les acteurs locaux à adopter de nouvelles règles, tant en matière commerciale (procédures antidumping, respect des copyrights,…) qu'industrielle (compétence technologique, développement de leurs propres normes et standards, stratégie à l'export, alliance avec des firmes étrangères à l'instar de TCL-Thomson…). Pour le cabinet Décision, nul doute que, dans un proche avenir, les sites de R&D vont suivre et se multiplier dans le pays, de la même manière que la production suit les marchés. Aujourd'hui, estime Sébastien Rospide, la Chine s'intégrant progressivement dans le paysage commercial international, sa croissance commence à rejaillir sur les économies étrangères : « Nous nous retrouvons peu à peu dans une situation d'interdépendance. La Chine a besoin du monde pour se développer ; et les industriels chinois vont avoir besoin de nouer des partenariats à l'international pour accroître leurs ventes à l'export », note-t-il. Ainsi, affirme cet analyste, « en matière de semi-conducteurs, les Chinois possèdent sans aucun doute le potentiel pour arriver au niveau d'Intel, mais cela ne pourra passer que par une coopération internationale. Pas seulement au niveau technologique : la coopération devra intervenir également au niveau commercial. » L'émergence de la Chine comme super-puissance économique mondiale semble donc recéler davantage d'opportunités que de dangers potentiels, estime l'étude du cabinet Décision. Et ce d'autant que le pays accuse encore un certain retard, notamment dans le domaine des infrastructures de télécommunications ou de la défense . (*) E-mail : www.decision-consult.com.

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