Couverture ElectroniqueS n°127

L'impression de semiconducteurs sur substrat souple devient enfin une réalité industrielle. Leurs avantages pourraient ouvrir la voie à toute une série d'applications inédites. Linz. Petite révolution dans la microélectronique ! L'Autrichien Nanoident vient de lever le voile, près de son site de Linz, sur la première usine au monde dédiée à la production de volume de capteurs organiques réalisés par impression sur substrat mince et souple, par exemple une feuille plastique. Autant dire que le capteur jetable est né. Aboutissement d'un investissement de 12 millions d'euros, soit seulement une fraction infime des capitaux nécessaires à la production de circuits intégrés classiques sur silicium, l'usine de Nanoident possède théoriquement une capacité de production annuelle de 40 000 m2, soit à peu près l'équivalent d'une usine semiconducteur typique d'aujourd'hui.« Après plusieurs dizaines d'années de travaux de recherche, la production industrielle de semiconducteurs par impression pour un coût jusqu'à cent fois moins cher qu'en silicium ouvre la porte à des applications nouvelles, irréalisables jusqu'ici car trop chères en silicium, et des marchés de plusieurs milliards de dollars. Nous associons l'une des plus anciennes technologies industrielles, à savoir l'impression à la Gutenberg, et la découverte fondamentale des polymères semiconducteurs d'Alan Heeger, primé par un prix Nobel en 2001, pour réaliser une catégorie novatrice de semiconducteurs », s'est réjoui Klaus G. Schröter, CEO de Nanoident. Une famille de produits pour laquelle la société IDTechEx évoque un marché de 35 milliards de dollars à l'horizon 2014, et de quelque 300 milliards de dollars d'ici à 2025 (voir EI no 634). Pour autant, Nanoident ne prévoit de s'engager que dans un « petit » domaine, celui des marchés des sciences de la vie, du médical et de la sécurité, avec, par exemple, des capteurs optoélectroniques, des capteurs chimiques et biologiques et des capteurs biométriques. D'autres sociétés comme Plastic Logic et Polymer Vision, en phase d'investissement, visent, elles, le marché des afficheurs souples, dont la croissance s'annonce plus explosive.36 milliards de gouttelettes à l'heure !Les semiconducteurs souples sont réalisés par impression de plusieurs couches successives ultrafines de matériaux isolants, conducteurs et semiconducteurs, principalement des encres liquides contenant des nanoparticules, directement sur du plastique, du verre ou tout autre substrat isolant, même du papier. Le tout avec des étapes de séchage intermédiaires. « Un peu à l'instar de la production de semiconducteurs classiques, sauf qu'il ne s'agit ici que de procédés additifs, sans gravure ni déchets toxiques, et qu'un cycle de production ne demande que quelques heures à quelques jours au maximum, contre quelquefois des semaines avec le silicium. Par rapport aux semiconducteurs classiques sur silicium, cette méthode de production est nettement plus rapide et moins coûteuse », constate Franz Padinger, CTO de Nanoident. « Nous n'utilisons que des matériaux disponibles commercialement, par exemple des encres, liquides ou sous forme de poudres, que nous adaptons par ajout de produits solvants et autres tensioactifs. La conception des puces s'effectue, quant à elle, avec les mêmes outils de CAO que ceux utilisés pour les semiconducteurs classiques. Notre savoir-faire réside surtout dans la formulation des encres d'impression, la préparation des substrats pour en optimiser la mouillabilité et garantir l'adhérence des encres », ajoute-t-il. Nanoident utilise deux techniques d'impression : le jet d'encre et la sérigraphie. Si cette dernière technique s'apparente à ce qui est classiquement mis en &oelig;uvre aujourd'hui dans le circuit imprimé, la première permet des réalisations très pointues. Dans la salle blanche de 400 m2 (classe 100) de son usine, Nanoident a ainsi installé une machine d'impression jet d'encre de très haut de gamme, un modèle de l'intégrateur américain ITI équipé de têtes Spectra, avec une capacité d'impression représentant une surface de 10 000 m2 par an. Cette imprimante est équipée de quatre têtes d'impression comprenant chacune 128 buses, et quatre matériaux différents peuvent être déposés simultanément, sous forme de gouttelettes ultrafines. Selon les applications, il faut entre quatre et huit ou neuf « passages » pour imprimer toutes les couches nécessaires. Selon Franz Padinger, « la machine peut délivrer 2 000 gouttelettes de produit à la seconde, soit 36 milliards de gouttelettes à l'heure. La vitesse de déplacement des têtes d'impression est de 30 cm/s. Le contenu d'une petite éprouvette d'encre électronique suffirait à couvrir une surface de 5 000 m2, soit l'équivalent d'un terrain de football ». Les couches imprimées sur les semiconducteurs plastiques n'ont aujourd'hui, en effet, qu'une épaisseur de 100 nm. Les dimensions les plus petites des motifs sont actuellement de 20 µm. « Notre objectif est d'arriver, à terme, à des dimensions de 50 nm », précise M. Padinger. La capacité de production de 10 000 m2 par an de la machine d'impression ITI correspondrait, par exemple, à un volume de 3 millions de capteurs chimiques. Créé début 2004, Nanoident a jusqu'à présent triplé ses effectifs chaque année et emploie aujourd'hui environ 50 personnes. Avant la fin de l'année, la société de Linz compte monter à une centaine de personnes. Elle possède deux filiales. Nanoident Biometrics, en France, travaille surtout sur des capteurs biométriques (voir EI n° 631). Bioident Technologies, aux Etats-Unis, vise, elle, surtout les applications de capteurs biointégrables (et jetables), essentiellement pour les marchés du diagnostic médical (tests d'allergie) et de la détection chimique. « Le premier circuit de test d'allergie que nous avons réalisé permet de tester 147 allergènes avec une seule goutte de sang. » Nanoident produit ce type de capteurs chimiques, que Wasiq Bokhari, CEO de Bioident Technologies, revendique comme étant des « laboratoires sur puce », en petit volume pour l'instant, c'est-à-dire quelques milliers de pièces par mois. « Nous passerons rapidement à des volumes de millions de pièces », affirme M. Bokhari. Autre exemple de réalisation de Nanoident : un capteur d'image organique souple de 256 photosites mesurant chacun 50 x 50 µm, destiné à des applications de forts volumes. Enfin, des capteurs de rayons X pour les secteurs industriel et médical sont également en cours de développement. Pour faciliter les développements futurs, Nanoident a notamment mis au point une plate-forme technologique appelée Semiconductor 2.0 (incluant outils de CAO et blocs d'IP) qui servira de base à une grande variété de composants semiconducteurs imprimés, dont la conception est envisagée directement avec les partenaires utilisateurs.L'électronique plastique, c'est parti !L'électronique souple imprimée a tout pour plaire : c'est léger, mince, souple/flexible, mobile/portable, pas cher. Elle associe des techniques de production comme l'impression, connues de longue date dans l'industrie et l'art, mais peaufinées pour répondre à la finesse des motifs exigés, à des matériaux conducteurs, semiconducteurs et isolants. Sans concurrencer directement le silicium, elle rend possible le développement de nouvelles applications dans le domaine du médical, de l'affichage, de l'éclairage et de l'énergie (voir EI nos 631, 634 et 639), qui n'étaient souvent pas réalisables en silicium pour des raisons de coût. Le marché potentiel estimé est énorme : la société d'études IDTechEx évoque un volume de 300 milliards de dollars d'ici à 2025 et de 35 milliards de dollars dès 2014. Elle organise d'ailleurs une conférence dédiée à la production et aux marchés des semiconducteurs imprimés les 17 et 18 avril prochains, à Cambridge. Nanoident est la première société à lancer la production en volume de capteurs organiques, essentiellement des photodétecteurs et des capteurs chimiques.Deux usines pour produire des écrans souples en EuropeLes écrans souples ont constitué le premier terrain de prédilection pour l'électronique imprimée. L'industrialisation se fait toutefois attendre. La jeune pousse Plastic Logic, créée en 2000 à Cambridge, vient néanmoins de lever 100 millions de dollars. Un financement qui sera consacré à la construction, à Dresde, en Allemagne, de la première usine capable de produire en volume des matrices actives souples à transistors polymères sur substrat plastique, dédiées à des afficheurs bistables pour livres électroniques. Un marché qui, selon des experts, pourrait dépasser les 40 millions d'unités en 2010. La production pourrait débuter à Dresde en 2008, avec une capacité initiale d'un million d'unités par an. La société dispose depuis deux ans d'une ligne de prototypage. La société néerlandaise PolymerVision projette, elle, de lancer cette année la production de matrices actives souples à transistors polymères, destinées à des afficheurs plastiques à encre électronique. Ses dimensions (de 125 x 125 mm) devraient permettre de l'enrouler dans un téléphone portable. Elle vient de signer un accord de partenariat avec Innos, en vue d'un transfert de technologie sur le site de cette société à Southampton, au sud de l'Angleterre. PolymerVision compte lancer la production plus vite que Plastic Logic et fabriquer de 100 000 à 200 000 écrans souples dès cette année.Une technique pour des applications faible coûtLes semiconducteurs sont réalisés par impression successive de couches sur un substrat souple.Ce capteur chimique est développé en partenariat par la filiale Bioident Technologies aux Etats-Unis, avec l'une des sociétés leaders au niveau mondial dans les tests d'allergie.La filiale française Nanoident Biometrics travaille surtout sur les capteurs d'empreintes digitales. Objectif de prix : de 1 à 2 euros.

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