Couverture ElectroniqueS n°127

Picogiga ajoute à son offre des tranches de nitrure de gallium épitaxié sur substrat de silicium monocristallin. Ces produits associent les performances du GaN en hyperfréquences de puissance aux avantages économiques du silicium. En dépit de ses difficultés financières, le fabricant français de tranches de semiconducteurs composés Picogiga avait encore en main une carte maîtresse lors de la reprise partielle de ses actifs par Soitec en mars dernier (voir notre numéro du 4 avril 2003). Après plus de deux ans d'études, le spécialiste de l'épitaxie par jet moléculaire, devenu une division du fabricant de tranches SOI, vient en effet de dévoiler une famille de produits qui devrait révolutionner les performances des composants hyperfréquences de forte puissance en technologie HEMT : le nitrure de gallium (GaN) dopé aluminium épitaxié sur substrat de silicium monocristallin. D'après les premières évaluations réalisées par des clients de Picogiga, les transistors HEMT réalisés sur cette structure supporteraient des puissances supérieures à 6 W/mm à 2 GHz, avec des fréquences de coupure de 20 GHz à 30 GHz et des tensions de claquage de 50 V à 80 V, contre 15 V à 20 V pour les classiques transistors hyperfréquences en arséniure de gallium (GaAs). Typiquement, un amplificateur de puissance en GaN pourrait ainsi délivrer jusqu'à 50 W à des fréquences opérationnelles de 10 GHz à 20 GHz, contre au maximum 10 W pour un amplificateur comparable en GaAs. Premières applications visées: les stations de base de téléphonie mobile de troisième génération et les radars bande K (24,125 GHz). Le tour de force réalisé par Picogiga a été de parvenir à épitaxier par jet moléculaire du nitrure de gallium sur un substrat le silicium présentant un paramètre de maille de structure cristalline (5,4 angströms) bien supérieur celui du GaN (environ 4,5 angströms). Pour le moment, la plupart des transistors HEMT réalisés à partir de structure AlGaN/GaN, dont les applications concernent pour l'essentiel les diodes électroluminescentes bleues, font en effet appel à des substrats de base en carbure de silicium (SiC), présentant un paramètre de maille très proche de celui du GaN, ou encore à des substrats de nitrure de gallium massifs. Inconvénients de ces solutions: une faible conductivité thermique, une taille de substrat limitée à deux ou trois pouces de diamètre, et surtout un coût trop élevé pour laisser entrevoir une quelconque généralisation du nitrure d'aluminium dans les applications hyperfréquences de puissance.Six couches empilées d'une épaisseur totale de moins de deux microns Tout l'art de l'hétéroépitaxie consiste en fait à accommoder le paramètre de maille du matériau à déposer et celui du matériau du substrat par un empilage de couches minces d'alliages de différentes compositions et présentant des paramètres de maille intermédiaires. Dans le cas du procédé breveté par Picogiga, il s'agit en l'occurrence d'un empilage de six couches minces d'alliages de nitrure de gallium dont l'épaisseur totale se situe entre 1,5 et 2 microns. Picogiga ne donne toutefois pas plus de précisions sur les paramètres de ce procédé et sur la nature exacte des couches mises en &oelig;uvre. « Le succès de l'opération tient dans une bonne maîtrise de la cinétique de la croissance (vitesse d'arrivée des atomes sur le substrat) et de la structure des couches intermédiaires entre les couches actives et le substrat », résume Jean-Luc Ledys, son directeur général. Bref, le produit associe au final les excellentes propriétés physiques du nitrure de gallium en termes de densité de courant, de tenue en tension et de vitesse de commutation aux avantages du silicium tels que le coût d'approvisionnement et la disponibilité en volume des tranches de trois, quatre, ou même six pouces de diamètre. Picogiga commercialise ses tranches de nitrure de gallium sur silicium de trois et quatre pouces entre 500 et 600 euros l'unité. A titre de comparaison, le coût d'un substrat de carbure de silicium de deux ou trois pouces avoisinerait les 5 000 voire 8 000 euros.Parallèlement au lancement de ces tranches, Picogiga étudie des leviers d'amélioration des performances de ses produits. L'utilisation de la technologie SmartCut(*) de Soitec, qui permettrait par exemple de former des substrats composites à fort pouvoir dissipateur, n'est pas exclue. Outre les applications hyperfréquences de forte puissance, la société poursuit par ailleurs un autre axe de développement : celui des substrats en InGaP (indium-gallium-phosphore), pour la fabrication de transistors hyperfréquences en technologie HBT atteignant des fréquences de 150 GHz à 200 GHz. Voir notre lexique en page 27. (*) Le procédé SmartCut consiste à séparer une fine couche d'un substrat monocristallin, puis à “ coller atomiquement ” cette couche sur un substrat de nature différente.Bond en puissance et en fréquence grâce au GaNPour les amplificateurs de puissance hyperfréquences, les technologies en état solide (hors klystrons et tubes) ne sont pas nombreuses et relativement encombrantes. Ainsi les stations de base GSM à 2 GHz sont, elles, constituées de plusieurs puces en Ldmos silicium pour être capables de fournir la centaine de watts nécessaire. Au-delà en fréquence, seul l'arséniure de gallium est aujourd'hui utilisable mais pour une puissance par puce très faible. Fujitsu vient de présenter un amplificateur en GaN qui atteint, lui, 174 W à 2 GHz avec une seule puce fonctionnant sous 63 V au lieu du classique 24 V ou 28 V. Nec a, lui, démontré 2,3 W à 30 GHz également sur une seule puce en GaN. Cree de son côté annonce une tension de fonctionnement de 120 V permettant d'atteindre une densité de puissance fabuleuse de 32 W/mm à 4 GHz et 30 W/mm à 8 GHz.

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