Couverture ElectroniqueS n°127

Une technologie de diffusion du son actuellement en développement permettra d'améliorer nettement les effets de spatialisation (comme le 5.1 ou le “ son 3D virtuel ”) dans les salles de spectacle. Le projet européen Carrouso(1), qui s'est achevé cet été, a conduit au développement d'un système de restitution de scènes audio en trois dimensions utilisant un procédé original appelé synthèse de front d'onde, ou Wave Field Synthesis en anglais (WFS). Contrairement aux autres solutions de spatialisation du son, ce procédé vise à reconstituer dans le local d'écoute l'ensemble des fronts d'ondes à l'identique de ce qu'ils étaient dans le local d'enregistrement (ou dans un local d'enregistrement virtuel), avec un résultat bien plus fidèle que celui des techniques actuellement utilisées.Dans le domaine de la spatialisation du son, deux technologies sont aujourd'hui utilisées. La plus connue est le procédé multicanal (5.1 principalement), qui consiste à séparer les différentes sources sonores (instruments de musique, locuteurs, etc.) et à les émettre sur différentes enceintes acoustiques réparties dans le local d'écoute. La deuxième, surtout utilisée pour des installations à deux haut-parleurs, voire un seul, est dite “ binaurale ”, “ son 3D virtuel ” ou encore virtual surround, et consiste à tromper les perceptions humaines grâce à des effets de filtrage, de décalage temporel et de gain (voir à ce sujetnotre numéro du 7 mars dernier). Cependant, ces deux techniques ont leurs limitations, principalement en ce qui concerne la fidélité de la localisation spatiale du son, et du fait qu'elles n'offrent pas un effet homogène dans la totalité d'un lieu d'écoute. En effet, ces procédés génèrent une zone d'écoute privilégiée ( sweet spot en anglais), c'est-à-dire un endroit particulier du local où l'effet 3D est le mieux restitué.La fin du point d'écoute privilégiéVisant à recréer les fronts d'ondes des différentes sources sonores et à les projeter dans le local d'écoute, le procédé WFS nécessite l'installation d'un grand nombre de haut-parleurs (voir encadré) sur chaque face du local d'écoute. Ainsi un système de diffusion répartissant un haut-parleur tous les 15 centimètres sur les murs du local permet-il de restituer au mieux les fronts d'ondes jusqu'à des fréquences de 1 kHz. Au-delà, pour les sons très aigus, les interférences génèrent des fronts d'ondes multiples qui peuvent être assimilées à des réverbérations, sans toutefois représenter une gêne sur le plan perceptif (notamment en ce qui concerne les impressions de spatialisation, puisque ces ondes ont des trajectoires aléatoires, dans toutes les directions de l'espace). D'après Yannick Mahieux, responsable du laboratoire IPS (Interaction par la parole et les sons) chez France Télécom, la distance entre les haut-parleurs peut même atteindre 30 centimètres tout en conservant un rendu « tout à fait correct de la perception des sons en profondeur ».Dans le cadre du projet Carrouso, les signaux ont été encodés au format MPEG-4 à partir d'enregistrements de sons monophoniques pour chaque instrument et chaque source sonore, auxquels ont été associés des paramètres de description de scène audio 3D(2). Le système de diffusion combine ensuite les signaux monophoniques avec les paramètres de description de scène sonore pour affecter à chaque haut-parleur (jusqu'à plus de 200 pour un démonstrateur du Fraunhofer Institut) les signaux adéquats. Si la technique de synthèse de front d'onde permet d'atteindre une qualité sans pareille des effets de spatialisation sans nécessiter de capacités de calcul excessives (génération de retards et de gains sur les haut-parleurs), elle demande cependant une bande passante sensiblement supérieure aux procédés 5.1 (autant de canaux que de sources sonores, au lieu de 6 canaux) et surtout une installation matérielle assez lourde puisqu'elle nécessite la mise en réseau de plusieurs centaines de haut-parleurs pour une salle de cinéma de taille moyenne. Cependant, dans les années qui viennent, cette technologie pourrait bien faire son apparition dans les salles de spectacle, voire dans les installations de home cinéma, à condition de résoudre les questions d'esthétique imposées par la multiplication des haut-parleurs. Une aubaine pour les fabricants de haut-parleurs plats comme l'Anglais NXT ou le Suisse Sonic Emotion (issu des équipes de Studer).(1) Carrouso (Creating, assessing and rendering in real time of high quality audio-visual environments in MPEG-4 context), projet européen IST (1999-juin 2003) piloté par le Fraunhofer Institut, regroupe une dizaine de partenaires dont France Télécom, l'Ircam, l'Anglais NXT (fabricant de haut-parleurs plats) et le Suisse Studer (fabricant de matériel audio professionnel). (2) Les paramètres de spatialisation sont codés dans le module MPEG-4 Systems, indépendamment de la compression audio elle-même. Cette méthode d'encodage permet de transmettre des sons spatialisés, quelle que soit la méthode de spatialisation employée lors de la diffusion du son (5.1, techniques binaurales, synthèse de front d'onde).Le principe de la synthèse de front d'ondeLa synthèse de front d'onde, également appelée holophonie par les chercheurs français (à France Télécom R&D ou à L'Ircam notamment), consiste à reconstituer dans le local d'écoute les fronts d'ondes tels qu'ils étaient dans le local d'enregistrement. Ce procédé repose sur le principe de Huygens (qui concernait initialement la propagation de la lumière) selon lequel il est possible de remplacer une source unique lumineuse ou sonore par plusieurs sources secondaires disposées suivant un arc de cercle ayant pour centre la source ponctuelle (image 1). Pour pouvoir reproduire de multiples sources ponctuelles, il est cependant possible de placer les haut-parleurs en ligne droite en jouant précisément sur le gain et le décalage temporel de chaque haut-parleur (image 2). Ce procédé de diffusion est compatible avec deux sortes de prise de son. La première consiste à placer une batterie de microphones dans le local d'enregistrement, et à disposer les haut-parleurs suivant la même topologie dans le local d'écoute. La deuxième consiste à enregistrer chaque source sonore en monophonie (son dégagé de tout effet de spatialisation ou d'acoustique du lieu), puis de tenir compte des paramètres de spatialisation au moment de la diffusion (localisation de la source sonore, acoustique de la salle).

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